L’Homme de Neandertal a vécu plus de 300 000 ans. C’était
une espèce humaine voisine, mais différente de la nôtre. Le pourquoi de son
extinction, laquelle apparait aux spécialistes aussi soudaine que mystérieuse,
fait l’objet de ce documentaire allemand, qui en propose une toute nouvelle
explication.
Ses tout derniers représentants sur le continent européen
vécurent sans doute sur le SITE DE GIBRALTAR, à l’extrême pointe sud de
l’Espagne, où l’on a découvert un vaste
complexe de grottes, à présent envahi par les eaux qui cependant, à son
époque, se trouvait assez loin à l’intérieur des terres, face à une étendue de
« savane » d’honnête dimension. En ces lieux, qui recèlent une densité de sites néandertaliens inégalée,
ces populations quelque peu acculées, en fait au bord de l’extinction, avaient la possibilité de chasser et de
pêcher autant qu’ils le voulaient.
Les deux plus grands spécialistes du site, les paléontologues britanniques
Clyde et Geraldine FINLAYSON, n’hésitent pas à parler, à ce propos, d’une sorte
de ville néandertalienne, car toutes
les cavernes y ont été intensément occupées.
Les outils caractéristiques de
l’industrie lithique néandertalienne y abondent et, à titre d’exemple, Clyde, à
l’intérieur de l’une de ces grottes, nous présente un nucléus, des ossements de
cervidés ainsi que les restes d’un grand
feu, daté de 47 000 ans.
Le tout premier fossile appartenant à l’espèce dite « de
Neandertal » a été découvert en Allemagne (d’où le nom qu’on lui a
attribué), en 1856. On a de suite été frappé par son aspect physique étrange,
très distinct du nôtre qui, aux yeux des préhistoriens de l’époque, ne pouvait
qu’être relié à une espèce de « grosse brute » extrêmement différente
de nous et beaucoup plus proche de l’animal (du grand singe, en l’occurrence).
Toutefois, la multiplication des découvertes scientifiques de tous ordres tout
au long du XXe siècle jusqu’à nos jours a sérieusement nuancé ce préjugé assez
peu favorable. A l’heure qu’il est, les paléoanthropologues attribuent à
Neandertal une riche culture aux
multiples facettes et une nature beaucoup plus proche de nous qu’il n’y paraissait de prime abord.
Ainsi, l’on sait à présent que ces êtres humains s’enduisaient
le corps de colorants et, dans certains cas même, devaient porter des plumes (ainsi que tendrait à l’attester la
découverte d’os d’oiseaux précisément
dans l’une des cavités du site de Gibraltar). De même a-t-on, dans une salle fouillée récemment, mis
au jour la première gravure rupestre
néandertalienne, un simple quadrillage
incisé dans le roc il y a 39 000 ans qui pourrait bien avoir été une
marque de « propriété » territoriale tribale ou clanique, analogue à
celles qui existent encore chez nos actuels groupes de chasseurs-cueilleurs.
On sait à présent de plus en plus de choses quant aux probables
origines de l’Homme de Neandertal.
Tout débuta, selon toute vraisemblance, il y a 600 000 ans et, comme il se doit, en AFRIQUE, berceau
du genre Homo dans son ensemble. A cette période, une espèce plus archaïque que
Neandertal, antérieure à lui et baptisée par les savants HOMO HEIDELBERGENSIS
maîtrisait déjà le feu et était passée maîtresse dans la fabrication des épieux de bois durcis par chauffage qui
lui permettaient de chasser de plus en plus efficacement et intensivement.
Cette espèce d’Homme, aux dires des spécialistes, pourrait fort bien être l’ancêtre commun entre nous et les Hommes de
Neandertal. En effet, une partie de cette population – qui était déjà
« vadrouilleuse » - a fini par quitter le continent de ses origines
pour l’Asie centrale et, de là, par « bifurquer » pour venir
s’installer en Europe, où l’attendait, en raison du phénomène de glaciation, un climat bien plus rude.
Conséquence : il y a entre 400 et 300 000 ans, en EUROPE même, se
produisit l’émergence de l’espèce humaine néandertalienne, avec ses
caractéristiques propres et si particulières.
Le teint de ces êtres vivant en climat froid (ou tempéré) s’est éclairci en réaction au moindre
ensoleillement, leur conférant une peau pâle assortie de cheveux également
modifiés, devenus épais autant que
longs et raides, probablement souvent blonds ou roux. Au plan de la
constitution, la nouvelle espèce était extrêmement
résistante, singulièrement
charpentée, dotée d’une force herculéenne qui témoignait de sa réussite
adaptative.
Pour le reste, la durée de vie de l’Homme de Neandertal était courte, et sa croissance nettement moins
lente que la nôtre. La progéniture était confiée
au groupe, et la population très peu nombreuse (comptée en dizaines de
milliers d’individus qui vivaient en petits groupes très dispersés). D’autre
part, ils étaient très mobiles, sans
doute parce que leur survie dépendait essentiellement de la chasse et qu’ils
vivaient dans un environnement glaciaire ;
leur alimentation était presque comparable à celle des meutes de loups :
excessivement carnée. Pour attaquer leur gibier (qui, souvent, était de
dimension imposante), ils utilisaient l’épieu moustérien, arme puissante mais contraignant à s’approcher au plus près des
proies. Particulièrement dangereuse, cette forme de chasse à bout portant requérait une témérité qui nous parait
impressionnante. Sauter sur un bison avec
un épieu ne faisait nullement peur à Neandertal, qui récoltait de
nombreuses fractures et d’innombrables bosses et autres contusions, comme on se
l’imagine. Probablement était-il aussi une créature passablement brutale.
Les fruits de ses prédations étaient voués à une exploitation
maximale : les proies, une fois tuées, étaient dépecées au moyen de lames de silex très tranchantes,
cependant que les peaux étaient scrupuleusement raclées en vue d’obtenir de chauds vêtements de fourrures.
Neandertal cuisait sa viande et récupérait la moelle des os,
très riche en protéines et donc à ses yeux très précieuse. Il utilisait
également les tendons pour en faire des liens et les défenses de mammouths
ainsi que les plus grands des os des animaux de belle taille, avec lesquels il
se construisait des abris, car il ne vivait pas que dans des grottes, loin de
là. Les préhistoriens ont pu établir qu’il fabriquait ses outils avec une
rapidité stupéfiante (pour nous).
Il y a quelques 40 000 ans, le voilà confronté à l’arrivée dans
ce « cul-de-sac » qu’est l’Europe, d’une espèce [humaine] concurrente
et lointainement cousine, l’HOMO SAPIENS, notre propre espèce. Dans l’état
actuel des connaissances, on pense que celui-ci est apparu il y a 200 000
ans, là encore dans la savane africaine, puis est, par la suite, lui aussi
sorti de l’Afrique en empruntant le « couloir » du Proche-Orient.
L’Homo sapiens se distingue de l’Homme de Neandertal par un
outillage plus facile à transporter,
car ses armes sont plus légères : ce sont des lances et, surtout, des armes
de jet (propulseurs) qui le dispensent de s’approcher trop près de ses
proies dangereuses. D’autre part, il dispose d’un corps longiligne et gracile,
moins riche en muscles, bâti pour la course
d’endurance, à laquelle il excelle et qui lui donne, entre autre, la
possibilité d’ « avoir le gibier à l’usure », à force de le
poursuivre sur de longues distances.
On s’est souvent demandé, eu égard à la coexistence des deux
espèces, s’il y avait eu, entre elles, des
conflits, voire des génocides. Car, 10 000 ans seulement après
l’installation d’Homo sapiens en Europe, il est de fait que Neandertal a pratiquement disparu.
On connait l’ingéniosité de notre espèce, de même que ses côtés
redoutables, démesurément territoriaux. Or, une trouvaille archéologique effectuée en IRAK tendrait à plaider en
faveur de l’affrontement inter-spécifique. Il s’agit là d’une côte appartenant à
un néandertalien et portant la marque d’une blessure
mortelle. Elle a été minutieusement examinée à METTMANN (Allemagne), au MUSÉE DE NEANDERTAL, par le savant John HAWKES, et celui-ci en a conclu que non
seulement la pointe [qui a fracturé
ladite côte] était très petite, mais
que, de plus, l’on avait affaire, là, à une
lame coupante de haute précision, entrée [dans la côte]avec un angle de 45 degrés, soit une arme qui ne pouvait en aucun
cas être un épieu néandertalien, mais une arme
d’Homme moderne typique.
Et pourtant, Neandertal, nous l’avons entre-deviné, était, du
moins physiquement, largement de taille à se défendre !
Lorsqu’on examine en détail la constitution qui lui était
propre, on voit un être petit et trapu, au torse
évasé, aux membres courts et aux attaches
musculaires témoignant d’une force près
de deux fois supérieure à la nôtre, qui le rendait facilement capable d’affronter un bison de deux tonnes.
Ses muscles pectoraux, très développés, donnaient dans le même temps la preuve
éclatante de cette vigueur pour nous hors du commun. Assortie d’une forte densité osseuse, cette puissante
musculature atteste, selon les savants, de niveaux
élevés d’androgènes qui devaient, logiquement, booster son agressivité et
faire de lui, en cas de contact belliqueux, un adversaire redoutable.
En un mot comme en cent, Homo sapiens faisait, comparé à
Neandertal, figure de poids plume.
Avec cela, sa résistance au froid extrême, dans son habitat
nordique, l’avantageait grandement. On nous explique ainsi, test à l’appui, que
la peau d’un homme plus musclé reste plus
chaude que celle d’un homme élancé, qu’elle se réchauffe sensiblement plus
rapidement et [après une exposition à un froid intense] récupère plus vite, pour la bonne raison
qu’elle dispose de muscles plus
vascularisés.
Au plan physique, l’endurance de Neandertal surpassait la nôtre.
Où, donc, faut-il chercher les (énigmatiques) raisons de sa
« défaite » ? Probablement, nous suggère-t-on, du côté des capacités intellectuelles.
D’après Hawkes, il existerait, en ce domaine, un fossé entre les deux espèces.
On s’est livré à un examen pointu des crânes de néandertaliens
trouvés en France. Verdict : si l’empreinte des lobes frontaux à
l’intérieur des crânes de Neandertal s’avère globalement identique à la nôtre, ce qui plaiderait, a priori, pour
une créativité, une aptitude à la résolution des problèmes, ainsi qu’au langage
et à la réflexion similaires, et si, chez Neandertal, la cavité occipitale,
siège du centre visuel comme des centres de l’orientation et de la perception
de l’espace, se révèle plus développée, il faut tout de même compter avec le BOURRELET SUS-ORBITAIRE très prononcé,
qui aurait pu exercer une pression trop grande sur la partie du cerveau située
juste derrière, à savoir le lobe frontal. Le front néandertalien, de plus,
était incliné vers l’arrière et fuyant, contrairement au nôtre, qui est haut et
bien vertical.
Le témoignage des outils peut également être convoqué : si
les couteaux de silex néandertaliens nous semblent volontiers grossiers, ils étaient cependant à cent
lieues d’être inefficaces. Au contraire d’Homo sapiens, leur utilisateur savait
les fabriquer en quelques minutes, et
il créait des éclats aux arêtes très
aiguisées et très robustes. Sa façon de procéder était (et demeure
toujours) difficile à maîtriser pour des tailleurs de pierre appartenant à notre
espèce.
Après avoir, au préalable, repéré de petites fissures dans la matière première, il pouvait produire 50, 60 ou 70 éclats à partir d’un unique
nucléus de silex. Résultat d’une technique reconnue comme très perfectionnée par les
préhistoriens, la lame Neandertal
coupe, encore aujourd’hui (comme démonstration nous en est faite) avec une
facilité déconcertante qui, largement, fait jeu
égal avec Sapiens.
Mais il n’y avait pas que ça : on sait maintenant à coup
sûr que les néandertaliens avaient conçu l’idée fort ingénieuse et sophistiquée
d’inventer une colle forte préhistorique
sous l’espèce d’un goudron de brai de bouleau. L’obtention de ce mastic sollicitait la mise en œuvre d’un procédé des plus complexes, lequel
demandait énormément de précision (il
fallait chauffer l’écorce de bouleau, dont seulement 30% pouvait se transformer
en brai, à température adéquate en se servant de coquilles d’œufs manipulées de
façon fort habile).
On le constate, l’Homme de Neandertal avait de la ressource.
Faudrait-il, alors, imputer la disparition d’une telle espèce à
une faille fatale qui aurait résidé
dans les stratégies de chasse qui étaient les siennes ? L’utilisation
exclusive de ces armes de contact
qu’étaient les épieux moustériens pourrait-elle donner la clé de sa disparition
si radicale et si enveloppée de mystère ?
Au LABORATOIRE DE BALISTIQUE DE L’UNIVERSITE DE BERKELEY (USA),
un historien spécialiste des armes a décidé de mettre à l’épreuve les
efficacités respectives de l’épieu cher à Neandertal et de la lance
caractéristique de l’armement des premiers Homo sapiens afin, bien sûr, de les
comparer. Pour ce faire, il utilisera de gros blocs carrés de gel balistique sur lesquels seront
projetées, l’un après l’autre, les deux types d’arme.
D’abord, la lance : seule, la pointe en pierre de l’arme de
jet parvient à traverser le bloc de gel, et pour cause : en vol, ce projectile perd 30% d’énergie
cinétique de plus que son rival, l’épieu. Ce dernier, en revanche, se
montre apte à causer une entaille très
profonde. Quand il s’enfonce dans la masse gélifiée de l’épais bloc, on a
sous nos yeux la probante démonstration d’un
choc colossal, qui s’avère tout à fait susceptible de provoquer un arrêt cardiaque instantané ou, à défaut, d’importantes hémorragies.
Ainsi, au plan de l’armement, Neandertal ne manquait-il guère
d’atouts. Bourré de testostérone, il disposait d’une vigueur physique, d’une
endurance, d’une agressivité et même (ainsi que nous venons d’en effectuer le
constat) d’armes largement propres à tenir tête aux éventuelles velléités
exterminatrices de nos lointains ancêtres.
L’Homme moderne n’a pas éliminé Neandertal, soutient mordicus un spécialiste. Lui était-il toutefois
supérieur du point de vue des compétences
sociales ? Cette hypothèse, bien sûr, n’a pas manqué d’être avancée.
Mais, pour séduisante qu’elle paraisse, rien ne l’étaye irréfutablement. En
effet, le musée de Mettmann possède un squelette néandertalien enveloppé dans une gangue de terre et,
par conséquent, extrêmement bien conservé, dont la posture (bras droit replié
contre le corps) porte, sans doute possible, le témoignage d’une inhumation.
Sur nombre de sites archéologiques néandertaliens, on a eu
l’occasion de relever des indices attestant de rituels funéraires assez variés. Les différentes populations qui,
toutes ensemble, constituaient cette espèce d’Hommes, devaient – on en est de
plus en plus convaincu – connaitre, entre elles, de grandes diversités culturelles (que la dispersion devait, à n’en
pas douter, favoriser). En tout cas, il est hors de doute que la façon dont ces
êtres étaient capables de traiter leurs défunts apporte la preuve qu’ils
entretenaient, pour eux (ou au moins, pour certains d’entre eux), un indéniable
respect et qu’ils n’ignoraient pas l’idée d’une sorte d’au-delà après la fin de la vie.
Le reportage, sur ce, nous entraîne dans une grotte de ROUMANIE,
située dans la CHAÎNE DES CARPATES. Pour quelles raisons ? Parce que des
Néandertaliens et des Homo sapiens y ont coexisté en paix.
Suite à la constatation, en 2003, de la présence d’une
mandibule, on y a entamé une campagne de fouilles qui dure maintenant depuis trois ans. La découverte d’une salle
cachée dans les profondeurs de la caverne, qui s’est avérée jonchée d’ossements
animaux et humains qu’on a datés de -40 000 ans, a permis l’exhumation
d’un fragment de crâne capital pour
l’histoire de l’humanité. Très vite transporté à l’INSTITUT DE SPÉLÉOLOGIE DE BUCAREST, ce vestige a été analysé sous toutes les coutures. C’est ainsi que
les paléontologues locaux ont pu établir qu’il combinait des traits de Sapiens et de néandertalien. Doté de dents trop grosses pour un Homo sapiens,
ainsi que d’un os occipital en chignon,
typique de l’espèce Neandertal, ce fossile révélait par ailleurs un visage allongé incompatible avec le
profil physique de cette dernière.
Vous imaginez bien les spéculations
de toutes sortes qui en résultèrent…avait-on, là, affaire à la première
preuve directe de MÉTISSAGE ?
De quelle manière interpréter la présence, chez cet individu
moderne, d’incontestables traits
spécifiques aux néandertaliens ?
Peut-être l’ UNIVERSITÉ DE WASHINGTON (USA) peut-elle être en mesure de nous fournir la réponse. Pour ses spécialistes, l’ADN est une fabuleuse source d’informations.
Et il se trouve qu’en 2010, le génome de l’Homme de Neandertal
s’est vu en bonne partie sorti de l’ombre et comparé à celui de différentes
populations d’Hommes modernes actuelles. Le résultat fut sans appel : en
dehors de l’aire de l’Afrique sub-saharienne, nous portons tous d’irréfutables
traces génétiques d’hybridation avec ce cousin archaïque. Ces traces sont variables selon les populations eurasiennes,
et de l’ordre de 1 à 2% au niveau des individus.
Pour affiner encore l’enquête, on a, en 2014 cette fois, comparé
le génome néandertalien à celui de plus
de 700 de nos contemporains (tous choisis hors d’Afrique, car en Afrique, on ne trouve pas de trace
d’ascendance néandertalienne). C’est ainsi que les généticiens sont
parvenus à déterminer que collectivement,
nous partageons environ 30 000 gènes avec l’ancienne espèce.
30 000 gènes…ce n’est tout de même pas rien. L’un de ces gènes, nous précise-t-on, conditionne la pigmentation de la peau,
de même que les cheveux raides,
modifications qui, pour nos lointains ancêtres, ont constitué des avantages adaptatifs liés à la sortie de
l’Afrique, laquelle les confrontait à des climats
plus froids. De même, l’introduction, par croisements, de gènes
néandertaliens dans notre génome favorisait, de manière heureuse, le métabolisme des acides gras. En
environnement glaciaire, l’accumulation des graisses – et donc, l’obésité –
induites par une telle prédisposition génétique permettait, depuis longtemps,
aux Hommes de Neandertal de se ménager
des réserves qui, assurément, favorisaient leur résistance et leur survie. Les gènes de Neandertal nous ont aidés à
survivre, en conclut un savant.
Pourtant, nonobstant ses atouts, la pauvre Neandertal s’est
éteint. On y revient, encore et toujours, car on n’arrive pas à savoir
pourquoi.
Une dernière hypothèse
sur sa disparition a été avancée : à l’opposé des Hommes de type moderne,
les néandertaliens n’auraient jamais
dépassé le nombre de 100 000 individus, lesquels, de surcroît, seraient trop restés confinés en Europe et
dans l’ouest de l’Asie.
Que faut-il penser d’une telle thèse ?
Nous voici transportés dans une barque, au milieu d’un lac
allemand où des scientifiques sont occupés à effectuer un carottage. Ils nous précisent qu’il n’y a guère d’oxygène au fond
de l’étendue d’eau, et que chaque strate
figurant sur la longueur (ou, plus exactement, la profondeur) de sédiment
extraite de celui-ci (appelée familièrement « carotte ») correspond à
une durée temporelle de une année.
Ainsi, un mètre de sédiment raconte 1000
ans d’histoire, ce qui est fort pratique pour qui veut ressusciter notre
passé climatique et géologique lointain.
Les échantillons en provenance du fond de ce lac parlent très
vite : ils nous apprennent qu’il y a 40 000 ans, la région s’est
trouvée en proie à des changements
climatiques rapides entraînant des alternances
de paysages forestiers et de paysages steppiques. Cela représenta là une fluctuation climatique majeure qui n’a
pas dû être sans conséquence sur la vie des malheureux Hommes de Neandertal.
Leur nombre, selon les évaluations des paléoanthropologues, a dû, à ce
moment-là, décliner jusqu’à moins de 20 000
individus, très dispersés au demeurant.
Un nombre si restreint et un pareil degré de dissémination ne
peuvent que rendre extrêmement vulnérable aux éventuelles catastrophes
naturelles.
Et s’il s’était produit, là-dessus, une éruption volcanique
dévastatrice ?
Comme le souligne, sur un ton catégorique, un savant, les éruptions volcaniques sont à même de
faire disparaître des espèces génétiquement parfaitement adaptées.
Reste à démontrer qu’un semblable cataclysme s’est bel et bien
produit à l’époque où Neandertal a disparu.
A cet effet, il faut à présent nous tourner vers le GROENLAND,
où les carottages de glace permettent d’atteindre des niveaux de 150 à 160 000 ans. Chaque carotte y a enfermé
en elle un mini monde fossile, qui a conservé intacte l’atmosphère même (l’air)
de ces périodes très reculées. Dans le cas qui nous occupe, l’éventuelle trace
d’éruptions volcaniques se détecte grâce aux mesures de température, de niveaux de méthane et de CO2.
Les échantillons de carottage issus des forages effectués au Groenland
par James WHITE sont, par la suite, stockés dans un laboratoire de DENVER
(Colorado, USA). Parmi eux, l’on compte une carotte âgée de 39 000 ans…et il se trouve qu’elle
renferme des cendres et des éclats de
roches volcaniques facilement reconnaissables. Au vu de la présence de ces agrégats inhabituels, l’équipe scientifique
de Denver se met en devoir de dégeler la carotte de glace couche par couche. Les particules et éléments chimiques piégés à l’intérieur
de la glace vont bientôt parler : ce qu’ils trahissent, c’est du SULFATE
typique non seulement d’une éruption volcanique, mais encore d’une éruption qui
fut très probablement gigantesque,
produite vraisemblablement par ce qu’on nomme un SUPER-VOLCAN.
Quel méga-cratère pourrait-il être à l’origine d’un phénomène
aussi radical et inhabituel ?
Rapidement, les regards se portent vers la CALDERA de 13 kilomètres de diamètre des CHAMPS
PHLEGREENS située dans le sud de l’ITALIE, tout près de la ville de NAPLES. On
la soupçonne en effet d’être entrée en éruption il y a 39 000 ans. On la
soupçonne aussi d’être un super-volcan des plus dangereux, et elle est
actuellement l’objet d’une surveillance constante de la part des géologues
locaux. Fumerolles, boue volcanique
bouillonnante, soulèvement du sol de deux mètres en trente ans nécessitant des
évacuations d’habitants, cela ne vous
suffit pas ? Ainsi que nous le montrent les géologues napolitains à l’intérieur
d’une maison abandonnée, le soufre et le gaz ne cessent pas de s’infiltrer au
travers du sol et dans les murs, qu’ils rongent de façon hideuse. Une exploration des environs, quant à elle,
nous fait tomber nez à nez avec des
falaises d’origine volcanique, hautes de 80 mètres, et dont les géologues ont réussi à dater la cendre très fine. Devinez quoi ?
Leur dépôt remonte à -39 000 ans, précisément l’époque où Neandertal fut
éliminé !
Aucun doute : l’épaisseur qui est celle de ces couches de
cendre indique qu’elles sont le résultat d’une éruption volcanique carabinée, d’un événement qui aurait pu jouer, dans la disparition de notre « cousin »,
un rôle décisif.
Car il existe bien d’autres indices, par exemple en ROUMANIE, où
deux géologues, allemands cette fois, ont pu repérer des dépôts de cendre
volcanique ancienne d’une épaisseur comprise entre un mètre dix et un mètre
cinquante, ce qui est, là encore, le témoignage d’une grande intensité.
Force est de se rendre à l’évidence : partout en MEDITERRANEE, jusqu’en RUSSIE et en ASIE, divers
spécialistes ont retrouvé de tels dépôts de cendres.
Afin d’en avoir le cœur net – et étant donné que les cendres
volcaniques, aux dires des géologues, ont une
empreinte unique (selon le volcan d’où elles proviennent) – des échantillons
de cendre récoltés un peu partout autour du Bassin méditerranéen (de la Russie jusqu’à la LYBIE) sont
étudiées à Naples, au moyen d’un microscope à balayage. Et bingo ! Tous les échantillons possèdent un même
profil chimique. L’éruption a émis des cendres sur pas moins de trois
continents !
D’après une simulation informatique, toujours effectuée dans le
laboratoire de Naples, elle aurait duré trois
ou quatre jours.
Voici, en gros, le scénario de ce qui s’est probablement déroulé : il y a 29 000 ans, un volcan domine toute la région des Champs Phlégréens
actuels ; après 200 000 ans de
sommeil, le voilà qui entre en éruption, produisant le « cocktail
classique » pour un volcan de ce type : nuées ardentes, avalanche de lave et de gaz incandescents, énormes coulées pyroclastiques, comme pour le
Vésuve à Pompéi, mais en nettement plus colossal : en quelques jours
seulement, le maléfique nuage noir s’étend sur
quatre millions de kilomètres carrés qui sont recouverts par un demi centimètre de cendres. Le
Moyen-Orient et l’Asie centrale eux-mêmes n’y échappent pas. Après ? Un
hiver volcanique s’abat sur l’ensemble de la zone atteinte, tuant allègrement les végétaux comme les animaux. Les créatures humaines, quant à elles, ne
peuvent elles aussi que rendre l’âme, de faim ou d’épuisement (consécutif à l’empoisonnement par le FLUOR). En Europe de l’Est, il a fallu, nous
précise-t-on, au moins un siècle pour que
l’écosystème se régénère.
Ensuite, pendant 15 000
ans, survivent désormais, tout seuls de leur espèce, les néandertaliens de
Gibraltar.
Nous l’avons vu, aujourd’hui encore, les Champs Phlégréens
demeurent menaçants. Un super-volcan dort longtemps, mais, lorsqu’il se
réveille, ce n’est pas rien. Il est une autre super-éruption, celle du TOBA, en
INDONESIE, il y a quelques 70 000 ans, qui l’a aussi, par les indices qu’elle
a laissés, assez bien mis en évidence.
Les super-volcans sont au nombre de 23 sur notre planète.
Le plus grand et le plus puissant est, on le sait maintenant, la
caldera de YELLOWSTONE, au nord-ouest de l’état américain du WYOMING. Comme, d’après
les calculs et mesures, il explose tous
les 600 000 ans, son réveil est considéré comme imminent par les volcanologues.
Son éruption aurait, selon eux, des conséquences catastrophiques : elle entraînerait, par
privation de nourriture et d’eau, l’effondrement humain de toute l’Amérique du
Nord et, cela va de soi, l’écroulement de la superpuissance des Etats-Unis. En
outre, de graves pénuries
alimentaires à l’échelle du monde entier s’ensuivraient également. Cependant,
nous réussirions, au bout du compte, à y survivre en tant qu’espèce, car notre
force, c’est que nous peuplons toutes les
régions du globe terrestre. Les néandertaliens, eux, n’avaient pas cette envergure mondiale. Ainsi que tend à nous l’indiquer
tout ce que nous savons présentement de leur mode de vie, ils ne possédaient vraisemblablement pas les compétences qui permettent
l’organisation de très grandes sociétés.
Mais, si l’on veut à tout prix consoler les âmes compatissantes
et chagrines qui seraient tentées de déplorer sa brutale perte, rappelons-leur
et rappelons-nous que nous avons
rencontré Neandertal (à défaut des extra-terrestres). Par voie de
conséquence, il vit toujours dans les
replis de notre ADN. Peut-être renforce-t-il nos capacités à survivre, alors
que lui-même a péri.
P. Laranco.
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