Nous
avons en nous tant d’humeurs, tant d’états d’esprit inconciliables…tant de
dispositions contradictoires et simultanées qui nous travaillent et tant d’aspirations
qui viennent s’entre-chevaucher.
Allez
savoir, avec tout cela, quelle est l’essence de notre être !
L’être
humain est complexe, dissimulateur, imprévisible et insondable, de ça, au
moins, on peut être sûr. En conséquence, le « cerner », le « cataloguer »
est toujours une démarche réductrice.
Nous,
êtres humains, savons que nous sommes des êtres compliqués, potentiellement
capables de tout comme de son contraire. Notre empathie et notre pratique nous
apprennent également que nos congénères, nos compagnons de vie en société
fonctionnent de la même façon que nous : on ne sait pas, à proprement
parler, à quoi s’attendre de leur part, même dans le cas où ils nous sont
proches et où, par conséquent, l’on se figure bien les connaître.
Comment
voulez-vous que méfiance, fourberie, paranoïa ne soient pas répandues dans nos
rangs ?
Les résistances à l’expansion, à l’installation
de ce qu’on appelle « la modernité » sont, pour beaucoup, dues au
fait que celle-ci s’est imposée sous l’effet d’une domination, d’une hégémonie
ethnique écrasante, sans précédent suite à l’expansion européenne qui prit
naissance avec la « découverte » des Amériques au XVIe siècle et, par
la suite, s’intensifia de la manière que l’on sait (colonisations assorties de
pillage en règle des ressources naturelles de tous les autres continents,
génocides des « autochtones » gêneurs et déportations des Africains
esclavagisés, dévalorisation quasi-totale de toutes les cultures et de tous les
modes de vie non occidentaux au nom de la religion chrétienne, puis de la
notion de « progrès », installations massives et forcées de colons d’origine
européenne, métissages plus ou moins contraints et phénomène de « mondialisation »,
pour finir). On ne mesure pas assez la portée, la charge d’une pareille
violence, d’un tel écrasement, tant matériel que mental. Elle fut, en tout cas,
(légitimement) vécue comme une grave forme d’agression.
Aujourd’hui, ce vécu traumatique
collectif reparait sur le devant de la scène sous forme de rejet des valeurs de
la modernité au profit du retour à des traditions qui apparaissent comme
archaïques, voire choquantes pour l’esprit moderne. L’exemple le plus patent
est celui du « retour du religieux »,
en particulier, bien sûr, de l’islam exalté sous forme d’obéissance à la pure
charia, ou de « califat », mais aussi d’un hindouisme nationaliste
très crispé dans le conservatisme que représente, en Inde, le parti BJP – ou encore,
dans le monde extrême-oriental, d'une certaine résurgence (réactualisée) de l’idéal
confucéen.
La modernité mondialisante possède,
certes, des aspects positifs des plus séduisants (notamment, cela va de soi, en
termes de droits humains et de cosmopolitisme). Cependant, pour beaucoup
encore, elle est vécue comme une nouvelle forme d’ « européanisation »
intrusive, de contrainte mal digérée ;
elle vient d’ailleurs (comme nous venons de le voir), et est donc vue d’abord,
comme la descendante directe du colonialisme et de l’impérialisme.
Liée aux nouvelles exigences du
capitalisme, elle a, en outre, d’incontestables aspects déstructurants,
uniformisants et « amoraux » qui ne peuvent que heurter, et alimenter
l’angoisse.
Rien d’étonnant, donc, à ce qu’elle s’accompagne
de grandes migrations, de terrorisme et de guerres.
L’ironie du sort est que, dans son
berceau même, le continent européen, elle crispe également les peuples.
Partant, elle provoque de graves crises économico-identitaires, potentiellement
génératrices de troubles et d’aspirations à un retour en arrière.
Soulignons aussi que le terrorisme arabe
– et, par extension, musulman – a, quant à lui, commencé avec la création, de l’état d’Israël, laquelle a été et est encore
vécue, au Proche-Orient, comme l’agression, la spoliation et l’humiliation
suprêmes.
Ce
n’est pas parce que « ça a toujours été comme ça » que cela doit
continuer.
L’élite mondiale se berce d’autosatisfaction
et de mots : « liberté-égalité-paix… ».
Mais que voit le pauvre ? Un monde
surpeuplé et très fortement inégalitaire, qui l’écrase et/ou l’exclut, s’il ne
le condamne pas, dans certains cas, à une rage désespérée.
Le
présent, le passé et le futur, nous les vivons comme distincts. Mais ne s’agirait-il
pas, simplement, d’un certain mode de perception, d’une appréhension qui nous
est propre ? Et si le passé, le présent et ce qui leur succède faisaient,
en fait, bloc ? S’il existait, entre eux, ce que le mode d’appréhension
quantique nomme une « superposition d’états » ? Le futur est
peut-être, en un sens quelque chose de complètement passé. Le présent est
peut-être complètement « parasité » par ce qui (dans notre optique)
va le suivre.
L’unité
originelle, fondamentale et compacte de notre Univers nie ces trois notions
successives. Vivons-nous, ainsi que le postule, depuis des millénaires, l’hindouisme,
dans une illusion, celle de la diversité, du déploiement spatio-temporel ?
Ou y aurait-il deux modes d’expression, deux grilles de lecture possibles d’un
seul et même phénomène (que nous ne savons pas encore nommer) ?
On a l’amnésie de l’Histoire, mais il en
reste toujours quelque chose.
Qui
nous dit que la question « est-ce que ça a un sens ? » a un sens ?
L’Occident considère les pays « en
développement » du « Tiers-Monde » comme sa cour de récréation à
touristes.
La pauvreté – tant qu’elle n’est pas
trop « crasse » et tant qu’elle est solaire - n’est-elle pas, à ses
yeux, quelque chose d’éminemment « exotique » ?
Il
y a toujours, dans l’affirmation de soi, une dimension agressive, un aspect qui
a à voir avec le rejet (parfois violent) de l’autre. Et plus on doit à l’autre,
plus, bien entendu, on le rejette. D’où le caractère somme toute assez rare,
peu répandu de la gratitude.
« Chercher
sa propre voie » est un chemin non seulement tortueux, mais cruel.
Nous devons regarder la vie – et particulièrement
NOTRE vie – comme si elle était tout à la fois extrêmement sérieuse et
totalement dénuée de sérieux.
Notre
perception ne peut pas être un véritable miroir du réel. Elle doit, toujours,
se contenter de n’être qu’un miroir déformant, ou encore un simple fragment de
miroir.
Notre
cerveau est beaucoup trop compliqué, trop riche pour qu’il puisse en aller
autrement.
Il faut énormément de hasards mis bout à
bout et/ou simultanément opérants pour qu’un destin émerge, avec tous ses faux
airs de cohérence.
Un
destin, c’est une cohérence après coup.
Ce que la physique quantique nous
apprend (entre autre), c’est que c’est notre regard qui détermine la
particularité des choses. Hors de tout regard, de toute mesure (humains, en l’occurrence),
tous les états sont superposés ; tous se cumulent – le ET se substitue au
OU.
Le fameux chat de Schrödinger n’est plus
SOIT vivant, SOIT mort à l’intérieur de sa boite hermétiquement close, mais A
LA FOIS mort et vivant (puisqu’il échappe à tout regard).
Voilà qui constitue une magnifique
démonstration non seulement de l’unité primordiale mais encore de l’illusion
perceptive fondamentale chère aux philosophies et métaphysiques originaires de
l’Asie du Sud.
La
perception et l’imagination sont peut-être beaucoup plus proches, beaucoup plus
parentes qu’on ne se le figure (du moins chez l’Homme).
La première fonction de la danse fut une
fonction de communion.
Danser ensemble permettait sans doute de
cimenter le groupe en provoquant un EMC (*), une sorte de « transe »
partagée.
Il y a gros à parier que les plus
anciennes cérémonies « religieuses » furent des cérémonies rythmées,
dansées (et chantées).
Nos
temps sont ceux des foules molles, que seuls dominent les egos, le gavage
consumériste et l’addiction à tout ce qui est « high-tech ». Si vous
demandez à la majorité des gens « quelle est, en toute sincérité, votre
opinion politique ? », je ne suis guère loin de penser qu’ils vous
répondront, tout ce qu’il y a d’innocemment, « je suis moiiste ».
La
frustration, dans cela, vient de ce qu’il n’y a plus de projet fort, plus de
sentiment d’entreprise commune, plus d’exaltation à l’idée d’un vaste rêve
collectif (non robotisé) qui « améliorerait » le monde. Il est vrai
qu’après les périlleuses « aventures » utopiques et pleines d’excès
qui ont ensanglanté le XXe siècle (communisme, fascisme et nazisme), les gens
ont de quoi se méfier. Ils s’ « investissent » donc (si je puis
employer pareil terme) dans le narcissisme décérébré, l’esprit étroit, frileux,
l’ « idéal » petit-bourgeois blasé, matérialiste et hédoniste
dans ce qu’il a de plus plat, de plus banal – et ne savent plus contenter leurs
(rares) besoins d’ordre collectif que par l’ « entre soi » à une
micro-échelle, ainsi que par la focalisation crispée sur des boucs-émissaires,
que médias et pouvoirs publics se chargent de leur désigner - fort habilement -
comme des « menaces » pour leur « tranquillité », leur « liberté »
et leur gavage.
Maintenant, les élites influentes ne sont
plus ni racistes/xénophobes, ni homophobes, ni sexistes (du moins en principes
et en mots).
Malheureusement, elles demeurent
affreusement snobs et, précisément…élitistes. Donc, susceptibles de se faire
mal voir. Oserai-je employer l’horrible barbarisme de « peuplophobe » ?
Vous préférez « populophobe » ? Ou « démophobe », bien
plutôt ? Ou encore HLMophobe ? Tchadorophobe ? Ploucophobe,
bidochonnophobe ...beaufophobe ? Ringardophobe ? Séniorophobe ?
Ce n’est certes pas le choix qui manque.
Autrefois, les « Marie-Chantâal »
de Jacques CHAZOT et autres « Frustrées » de Claire BRETECHER
faisaient gentiment rire.
Aujourd’hui, les pimbêches squelettiques
et autres dandys ultra-branchés affublés de ridicules petits chapeaux, de
cannes et escortés de chihuahuas qui vous toisent, vous reniflent pratiquement
à chaque coin de rue parisienne sous prétexte que vous n’arborez aucun de leurs
« signes de reconnaissance » tribaux et n’êtes pas assez voyant ou « décalé »
sur le seul plan qui leur importe, celui du paraître -vous exaspèrent.
Et les « Bobos » sont montrés
du doigt par une bonne part de l’opinion publique française.
Il
suffit de regarder des photos (des photos de gens disparus, de personnes
vivantes – des photos de nous-même) pour apercevoir des fantômes. Pas besoin d’aller
se promener au fond d’un château écossais !
P. Laranco.
(*) EMC = Etat Modifié de Conscience.
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