Si ce n’est pas moi. Si moi-même,
je ne suis pas ce que je suis. Si cette chose n’est que le fruit du hasard. «
Tout homme, porte son destin dans les mains », m’a dit ce matin mon
voisin. Cette exquise angoisse. La cendre de la cigarette,
bien réelle, tombe sur ma vieille chemise. On trébuche sans cesse dans cette
interminable marche forcée, dans le sens de la flèche et du vent. Je
m’interroge sur cette probabilité d’exister et quelle que soit la chose d’y
puiser un sentiment de réalité. D’ailleurs, tu ne possèdes rien, puisque tu ne
sais ce qui te possède. Ce curieux pressentiment du vide qui jamais ne te
quitte. Pourtant, et ce malgré toute ma bonne volonté, je ne suis
que l’incontournable sujet d’une erreur d’identité primitive. Je me console et
me rassure en cueillant quelques roses dans le jardin. Les champs sont bien
verts, comme ils l’ont toujours été et le soleil cogne sur ma petite tête
chauve. Que faire de ces sensations, si je ne peux exprimer ce que j’éprouve.
En vouloir plus, tout savoir, tout connaître pour s’immerger dans les
profondeurs d’une réponse éphémère. - A quoi bon ! Tu te dis, il doit bien y
avoir un dieu, merde ! Dans tout ça. Une force gigantesque qui supervise cet
ensemble de petites choses comme moi et qui forme un tout. Bon sang ! Quel
grand bonheur ce serait de ne pas être soi, de changer de masque, de se
désincarner dans le désordre des choses. Devenir cet individu condamné à
perpétuité et d’être rien de plus qu’une modeste nébuleuse petite
lumière, perdue au milieu de ces milliards d’étoiles et te dissoudre dans
le désert impalpable d’un univers sans queue ni tête. Tout change, même les
astres s’en donnent à cœur joie dans leur folle farandole. La nuit avance,
m’étendre dans le calme. Tes maux et tes prières creuses n’y changeront rien.
Ce n’est que lors des adieux que l’on se résigne sans mot dire.
Je tends l’oreille, toujours plus
haut, encore plus loin et j’écoute la pluie dans la montagne, bousculer mes
rêves de grande solitude.
Richard TAILLEFER
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