dimanche 13 septembre 2015

Une réflexion d'Umar TIMOL (Île Maurice).

PENSER LE MONDE AUTREMENT


Penser le monde autrement, non selon la logique des monolithes, de la caricature, des raccourcis mais penser le monde dans sa complexité, l’appréhender selon ses nuances. Cette approche réclame un effort perpétuel, d’abord déjà se tenir à l’écoute du monde, en lisant, en faisant des recherches, en se cultivant mais en se méfiant en même temps de la fabrique de l’information et du savoir. Il nous faut pratiquer une perpétuelle vigilance, procéder à un décryptage de tout ce qui nous parvient. La manipulation est une affaire de séduction et elle sait se parer des attraits de ce qui nous touche, elle sait exercer son emprise sur nos émotions. Devoir de vigilance donc. Il nous faut nous intéresser, autant que possible, à tout. Le champ du savoir est certes infini mais il faut essayer de cerner les bases de ses nombreux domaines. Nous pouvons ainsi étudier l’anthropologie, les sciences, l’économie ou encore l’histoire. Et le moteur de cette quête doit être une curiosité insatiable, qui tente d’embrasser littéralement le savoir sous toutes ses formes. Il s’agit ensuite d’établir des passerelles entre ces fragments de savoir, identifier des lieux de divergence et de convergence, les mêler non pour en faire un fouillis mais un espace de découverte, d’enrichissement mais surtout d’interrogation. On peut considérer que cet espace ainsi fondé est une série d’outils qui est à notre disposition afin d’interroger et d’analyser le monde. Nous nous servons alors de tel ou de tel outil selon la spécificité du problème abordé. Cette démarche est fondamentalement celle de la complexité qui ne privilégie pas un point de vue mais une multiplicité de points de vue, non pour s’enliser dans l'ambiguïté ou dans le sophisme mais parce que cette multiplicité est libératrice, elle ouvre la pensée, elle la rend malléable et vive, plus apte, si on peut dire, à se penser, à éviter tous les encroûtements dans la matière d’une pensée figée. La complexité n'est pas un désengagement du réel mais, au contraire, un nouvel engagement face au réel, c'est une pensée exigeante, une pensée nécessairement périphérique mais qui est du centre en même temps, qui procède à un perpétuel va et vient entre le centre et la périphérie, qui jamais ne se fossilise car étant inscrite dans un mouvement perpétuel. Cette pensée de la complexité réside donc sur quelques socles, entre autres, la vigilance, la curiosité, la faculté à établir des passerelles, son caractère malléable, flexible mais aussi sur un rapport de la complexité à soi-même. Par cela on entend cette faculté à penser contre soi ou sinon à s’établir aux marges de soi-même, se défaire de sa pensée unique, qui ne retient de soi qu’un point de vue, qu’une perspective, il s’agit donc de tenter de se décentrer de soi-même en puisant en la complexité en soi. L’interprète devient ainsi l’objet de sa propre interprétation avant d’envisager d’interpréter le monde. Sa pensée est une constante dynamique, une traversée de l'être, de soi à l'autre, de soi au monde dans l'optique d'une incessante recherche, ainsi cette complexité, en soi, en dehors de soi, est mise au service d'un rapport nouveau au réel, au monde. Mais cette pensée n'est pas pure contemplation, elle a pour achèvement l'action, elle la précède, la nourrit et l'enrichit, elle est du monde et elle agit sur le monde.


Il faut donc se penser autrement, il faut penser le monde autrement, la tache est immense, sans doute insurmontable mais par la force de cette pensée on peut se libérer de la pensée encroûtée et de ses monolithes, - qu’ils soient idéologiques, politiques, économiques ou autres, monolithes qui sont autant de barrières invisibles entre les hommes quand ils ne sont pas à l’origine de conflits de tous genres -, afin d’envisager et de créer un autre monde, afin de faire de sa complexité non une œuvre de servitude mais une œuvre de liberté.



Umar TIMOL

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