Branle-bas de combat
sur le pont ! Il y a de quoi être « bousculés ».
Le numéro 1177 du
magazine mensuel français SCIENCE &
VIE (lequel est, par ailleurs, fort riche) nous offre, en effet, de sa page
54 à sa page 68, un passionnant dossier concernant le fonctionnement de notre
pensée (rêves y compris).
Et, tenez-vous bien –
qui l’eut cru ? - ce dernier serait de nature…quantique !
Tout un chacun (ou presque) a plus ou moins vaguement entendu
parler de la mécanique quantique, un corpus
mathématique sophistiqué
découvert au début du siècle dernier par quelques physiciens européens et
décrivant le comportement (bizarroïde) des particules de l’infiniment petit
(électrons, photons, etc….). La SUPERPOSITION D’ ÉTATS (en vertu de laquelle Tant
qu’une particule (ou un phénomène)
n’est pas l’objet d’une mesure, tant qu’elle ne tombe pas sous le coup d’une
perception, elle se trouve dans tous ses états possibles à la fois, chacun étant affecté
simplement d’une certaine probabilité ; dit autrement : observer une particule transforme son état,
ou plutôt le réduit à un seul, alors qu’en fait, il est, dans son essence,
multiple), l’INTERFÉRENCE (selon
laquelle une particule peut se trouver à deux endroits en même temps et est, en
conséquence, douée d’ubiquité), l’INTRICATION
(même éloignées et séparées l’une de l’autre par une grande distance, deux
particules qui se sont trouvées au préalable placées dans un état
d’enchevêtrement mutuel continuent de former un ensemble, agissant comme si
elles restaient toujours liées, et inséparables), et l’OSCILLATION d’une seule et même particules entre deux états instables constituent les
principales caractéristiques des objets, dans des conditions de fonctionnement
quantique.
Or, une branche toute
nouvelle, hyper-récente de la PSYCHOLOGIE (oui, j’ai bien dit
« psychologie » !) a maintenant la suprême audace d’entreprendre
d’utiliser les principes quantiques pour
décrire les phénomènes cognitifs (article
de Jerome BUSEMEYER, Université de l’Indiana – U.S, page 57). Si nos neurones, eux, ne sont nullement
quantiques, cette école de psychologues expérimentaux n’en a pas moins eu
l’occasion de remarquer, à force de tests, que nos états d’esprit se comportaient quantiquement : pour parler
bref, nos opinions se superposent, nos jugements interfèrent, nos pensées peuvent s’intriquer (d’où le fait que le sens des mots dépend du contexte dans lequel ils sont utilisés)
et nos perceptions oscillent
quantiquement. Et Le tableau de
chasse de ces effets quantiques qui biaisent le raisonnement humain
commence à être impressionnant. Une des conséquences les plus
extraordinaires de toutes ces recherches serait, d’après Jerome Busemeyer,
qu’elles seraient parfaitement en mesure de bouleverser l’idée que nous nous faisons de notre propre identité. Nous
posséderions, en lieu et place du « moi » classique, parfaitement
individualisé, qui se trouve au cœur de
toute la philosophie occidentale, un « moi »
multiple en état d’interconnexion incessante avec le monde qui nous
entoure.
Pour le philosophe
Michel BITBOL, avec qui Science & Vie
s’entretient ensuite, la physique quantique, loin de se limiter à la
description du comportement des particules élémentaires qui constituent le
soubassement et le fondement de notre univers, est une théorie carrément générale de la connaissance, une façon d’aborder le monde sous tous
ses aspects et dans toutes ses manifestations. A ce compte-là, pourquoi pas la
psychologie ? Pourquoi pas le (mystérieux) phénomène qu’est notre
pensée ?...
N’oublions pas que, Dans les sciences humaines […] l’objet
d’étude est indissociable de celui qui l’étudie : l’Homme s’étudie
lui-même (ce qui est, en soi, quantique). On ne peut pas se décrire
soi-même comme si l’on était à l’extérieur de soi. Pas plus qu’on ne peut
dissocier les phénomènes microscopiques ou
les pensées de leurs contextes
expérimentaux.
Nos états mentaux sont
perpétuellement tissés par des liens sociaux, des relations (car c’est dans la
nature humaine) ; nul état mental ne peut donc apparaître comme
indépendant, distinct, doté de contours précis
et nets. La pensée humaine est, avant toute autre chose, une RÉACTION à
un environnement et/ou aux attitudes des
autres Hommes.
Voilà qui (le magazine
le signale dans un encart page 68) n’est pas loin de nous entraîner vers des
formes de pensée assez proches des spiritualités orientales (la non-substance de l’ego, l’illusion des
perceptions, l’interdépendance des phénomènes chers aux Hindous, aux
Bouddhistes et aux Taoïstes).
Quel numéro
intéressant !
P. Laranco.
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