mardi 10 juin 2025

Lecture (sociologie, France) : "VIEILLE PEAU - LES FEMMES, LEUR CORPS, LEUR ÂGE", par Fiona SCHMIDT, Belfond, 2023.

 














Le jeunisme est, avant toute autre chose, un problème imposé aux femme(s).
Et l'âgisme (double peine) s'adresse en priorité aux FEMMES âgées.
L'âge, c'est d'abord une question sociale, une affaire de perception construite de toute pièce par le corps social, et donc, déterminée par des modèles patriarcaux et occidentaux. Eux-mêmes issus du néo-libéralisme triomphant qu'enfanta la seconde moitié de XXeme siècle.
La modernité a, depuis longtemps, de nombreux comptes à règler avec la nature, qu'elle cherche à dominer, à dompter, à violer, à réduire ; à maîtriser, en souveraine. Ses progrès technologiques continus ont fortifié son arrogance. S'ils ne l'ont pas, même, bétonnée. Plus que jamais, l'Homme 
(l'homme ?) rêve de s'affranchir des contraintes naturelles (cycles biologiques, maladies, vieillissement, décès, finitude). Plus que jamais, il entretient la conviction que ses facultés cognitives (uniques dans le règne animal par la faculté qu'elles ont d'agir sur l'environnement et de massivement le modifier) lui permettront, à terme, de s'extraire de sa condition originelle de simple primate.
Voilà quelle est la réflexion que m'inspire la lecture de cet essai..
Il fallait oser. Elle osa. La voix qu'on attendait, enfin, se manifeste. Elle interpelle les féministes, ainsi que toute la société occidentale mondialement dominante et, par ailleurs, singulièrement vieillissante.
Cet essai dénonciateur marque une prise de conscience.
Ecrit dans un style efficace, très precutant et, ce qui ne gâte rien, émaillé de traits d'humour quelquefois franchement désopilants qui l'allègent encore, il n'en décrit pas moins une sorte de drame silencieux que le mouvement féministe a beaucoup tardé à pointer du doigt (n'était-il pas issu des mouvements de jeunes de Mai 68 ?). La femme se débat toujours (et peut-être, plus que jamais) à l'intérieur du carcan mental que représente pour elle son assignation à la beauté en tant que pouvoir sexuel et, partant, dès 40 ans, subit un rejet aussi intransigent qu'implacable, car motivé par l' aversion  qui fait le lit d'une véritable mort sociale  comme d'une estime de soi en chute libre.
Dévaluée, dévalorisée (et coupable, une fois de plus, à l'instar d'Eve et des sorcières de l'Âge classique ou, bien plus prosaïquement encore, de n'importe quel(le) denrée ou produit parfaitement interchangeable qui aurait dépassé sa date de péremption) elle devient invisible (au mieux) ou (dans le pire des cas) objet d'une répulsion franche et massive.
Dans notre société hyper américanisée et mondialisée de l'image, crispée sur la compétition et  la recherche de l'excellence (où capitalisme et  consumérisme sans frein font désormais large consensus), la vieillesse au féminin est devenue une tare impardonnable, une manière de délit social.
Parmi les grands responsables de ce triste état des lieux, on compte, bien sûr, les médias (notemment l'univers du cinéma, français tout comme hollywoodien, souvent cité au fil des pages) et le monde de la publicité qui a, pour sa part, un intérêt évident à caresser largement dans le sens du poil les fantasmes des potentiels clients aisés, voire friqués que sont les individus de sexe masculin de tous âges, de souche "caucasienne" appartenant aux classes bourgeoise et moyenne occidentales (ceux qui sont sensés acheter le plus et au prix le plus élevé, parce qu'ils ont les meilleurs salaires).
Les femmes n'ont pas leur mot à dire dans ces process : elles disposent de beaucoup moins d'argent, en moyenne, que la gent masculine et, par-dessus le marché, subissent les abrutissements, les fatigues inhérentes à la fameuse "double vie" (reponsabilités de mère, de compagnes et de carrier woman simultanées).
Vous avez dit "égalité" ? Vous avez dit "libération" ? Vous avez prononcé le mot "droits" ?
A la limite, serait-on maintenant en train de déplorer, "on vit trop vieux". Et cet inconvénient n'est pas l'apanage de n'importe qui, de n'importe quel groupe : ce sont les FEMMES qui atteignent les âges les plus avancés, qui vivent trop vieilles.
Ce sont elles qu'on parque dans les mouroirs que sont les fameux EHPAD. Pour les "ôter de notre vue".
Fort bien. Mais elles coûtent cher.
La misogynie refait un bond. Cette fois, chez les technocrates froids., qui ne parlent qu' "économies".
Total : plus la pyramides des âges vieillit, moins on supporte les vieilles (ces radoteuses, ces emmerdeuses).
Il faut espérer qu'un tel livre aura un impact sur les consciences. Au même titre, par exemple, que les faits dénoncés par ¤MeToo ou le procès autour de Gisèle PELICOT.
Sera-t-il suffisant pour ouvrir une brêche dans le lavage de cerveau de masse que les entreprises capitalistes et leurs alliés, les médias ont pris l'habitude de pratiquer sur le citoyen lambda et, par-desus tout, sur LA citoyenne ?
A quand l'émergence d'associations de lutte contre la stigmatisation méprisante des vieux et, en particulier, des vieilles équivalentes à celles qui, par exemple, combattent maintenant la grossophobie, les discriminations dues au handicap ou les autres (nombreux) types d'agressions dont les femmes sont les victimes ?
Qu'attendent les féministes (anciennes ou nouvelles) pour prendre un tel problème à bras-le-corps  et pour, de la sorte, contribuer à ébranler des habitudes et des réflexes de déni, de  résignation, d'indifférence ou d'inconscience qui sont, hélas, de plus en plus ancrés  chez nous ?







P. Laranco.
Le 10/06/2025.

























Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire