Ignorais-tu que le chagrin est au
seuil de la lumière chaque matin, chaque midi, chaque soir ?
Ignorais-tu que le chagrin
émiette le temps, le silence et l'idée de la pierre quand j'écris les mots,
quand je dessine dans la feuille, aux confluents des arbres et de la terre, les
contours du vent hargneux et l'esquisse de ton visage en offrande à l'insondable
douleur?
Il est des jours où les mots qui
éclosent en bordure des lèvres retiennent les larmes et la tristesse et c'est le sourire
qui module la rythmique des vers.
Mais l'ordre du paysage ne
s'embarrasse pas des pétales brunis par le brouillard muet du mensonge et des
leurres.
Il a sa propre pluie, ses propres
nuages, ses arbres et son horizon à lui, un langage caillouteux à l'alphabet
vêtu des émois de l'âme et du linceul des songes.
Et le paysage dit, dans le regard
de celui qui écrit, que l'automne précédera le dernier hiver d'une nuit;
et le paysage dit, alors que le
temps ne sera pas tout à fait laiteux, alors qu'au gré de la lune et de ses
incendies, à force de deuil, à bout de souvenirs, que le ciel noir sera sans
lucarne,
le paysage dit: poète, le temps
s'est aligné à rebours du vent pour s'amarrer à l'immensité de ton chagrin.
L'ignorais-tu?
Ton chagrin va et vient dans tout
l'univers et, la nuit venue, il quête en vain le dernier cri d'une mort
crédible.
Mais on ne fait pas le deuil de
ce qui ne meurt pas.
Et ce soir, dans le brouillon du
ciel, tu sais déjà qu'il se confond avec le point final à venir.
Gillian GENEVIÈVE.
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