Changer de regard. Poser sur tout ce qu'on voit le voile de la surprise. Comme si tout ce qui croise notre œil se présentait pour la toute première fois.
Parce qu'au fond, toutes les choses que l'on croit connaitre sont surprenantes; éternellement surprenantes. Parce qu'au fond, regarde-t-on vraiment ce qu'on est censé considérer?
Le familier n'est-il pas empoussiéré par l'habitude?
Poser sur les objets banals, les plus mornement insignifiants, l’œillade qui les revitalise. Une œillade lente et pensive, chargée d'interrogations, de doutes. Les examiner. Parce que l'on se laisse interpeller par eux.
Et, au bout du compte, en venir à ne presque plus les reconnaître.
Réinterpréter l'apparente pauvreté, l'humilité du quotidien. Se laisser submerger par cette brusque désorientation, qui bouscule.
Oui - le monde est étrange. Jusqu'à l'environnement le plus rassurant. Jusqu'aux présences les plus immédiates, les plus familières.
Pressentir leur part d'absurdité, de mystère peut rendre fou.
A l'instar de la lune, elles possèdent toutes une face cachée. A moins que ce ne soit de multiples facettes, ainsi que les yeux de mouche.
Quoiqu'il en soit, le connu et l'inconnu s'y donnent rendez-vous, s'y accolent.
Les gens qui cherchent l'ailleurs me font bien rire.
L'ailleurs est tout près. Dans le bois de la table du salon; dans la laine de la couverture. Dans l'épaisseur de la porte ou dans la texture du papier peint mural.
Patricia Laranco.
2016.