Les uns étaient des Pas-Grand-Chose.
Les autres étaient des Rien-Du-Tout.
Les Rien-Du-Tout nourrissaient un grand mépris pour les Pas-Grand-Chose,
en raison, principalement, de leur snobisme exacerbé.
Quant aux Pas-Grand-Chose, ils ne voulaient pas faire grand-chose
de leurs mains car ils jugeaient que les Rien-Du-Tout étaient là pour faire ce grand-chose
à leur place.
Entre Pas-Grand-Chose et Rien-Du-Tout couvait une grande
tension.
Jusqu’au moment – fatidique – où arrivèrent les Moins-Que-Rien.
Alors, les Rien-Du-Tout se sentirent, assez brusquement, plus
proches des Pas-Grand-Chose.
Les Moins-Que-Rien étaient des gueux avec rien dans les mains
rien dans les poches. Ils s’étaient échoués, recrus, sur les rivages, un beau
matin (pas beau pour eux !).
Du coup, les Rien-Du-Tout se sentirent à la fois mieux et
menacés. Encore une de ces incohérences de la psyché humaine !
Les Pas-Grand-Chose, pour leur part, commencèrent à regarder les
Rien-Du-Tout d’un tout autre œil. Au bout d’un certain temps, ils les
invitèrent même à un banquet.
On bâfra, on but, on dansa, on apprit à mieux se connaître. On
se découvrit même des points communs qu’on ne se savait point. Et surtout, l’on
tomba d’accord pour convenir de la subite et insupportable gêne que, désormais,
la présence des Moins-Que-Rien était en train de causer à tous.
Ça y était. Hourra ! Miracle.
L’impensable s’était produit.
Les Pas-Grand-Chose et les Rien-Du-Tout prirent (enfin !)
conscience qu’ensemble, ils formaient un seul et même peuple uni « depuis
toujours » et impeccablement soudé.
Lorsqu’ils massacrèrent les Moins-Que-Rien sans défense avec
enthousiasme, ce beau et noble sentiment ne fit que grandir.
On était sorti de l’ornière !
Patricia Laranco.
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