mardi 22 décembre 2020

Un beau poème de la poétesse franco-roumaine Dana SHISHMANIAN.

 

 

 

 

HIVER.

 

 

 

 

 

 

Qu’as-tu fait de toi ?

Tu t’es perdu au carrefour

Ta vie se fait bruine

 

 

 

 

T’as passé le col –

pas de traces dans la neige

Tu es sans témoin

 

 

 

 

Une grotte sans écho,

pas de conteur pour ta geste

Récompense – le vide

 

 

 

 

Tu t’abandonnes – rien

entre miroir et image.

Une feuille tombe – trouble.

 

 

 

 

 

Tes sons ont fondu

comme l’eau au désert. La nuit,

seule bruite l’eau de lune

 

 

 

 

Ton bateau ivre

ancré dans la chair de Dieu,

au-delà du rideau

 

 

 

 

La douleur s’enfonce

même dans un corps mort, ressort

de la terre comme une fleur

 

 

 

 

La naine blanche a mal

à son cœur mort, à sa peau,

lépreuse sans mémoire

 

 

 

 

Une musique survient

une musique s’installe et dure

une musique s’éteint

 

 

 

 

Contrainte, nombre fixe –

dans les interstices des mots,

une lueur tenace

 

 

 

 

Comme ta propre chair :

 proche, mais non communiquant.

Peut-être ton ange…

 

 

 

 

Peut-être verras-tu

une race neuve : des dieux impairs

t’apprendront l’oubli

 

 

 

 

Révolte tes racines

appel des sèves mortes – tu rêves

du réveil de Dieu

 

 

 

 

Laisse pousser l’arbre

de la racine de ton corps –

des oiseaux viendront

 

 

 

 

Des feuilles rouge sang, braise

d’un incendie oublié,

raviveront ton cœur

 

 

 

 

Faut monter plus haut –

finis mascarades et jeux

c’est l’heure – tu es seul

 

 

 

 

Une fois là, chante, danse,

ne te caches pas dans l’oubli –

sinon, tu reviens

 

 

 

 

Tu reviens pleurer,

chercher ce qui n’existe pas

où rien n’est caché

 

 

 

 

L’abîme se creuse - vous

n’en savez rien, inconscients

comme tous condamnés

 

 

 

 

Prends pitié de toi

homme femme enfant frère de Dieu

t’es seul – avec toi

 

 

 

 

Se jeter enfin

dans la grande vague - proue perçante

coupe l’œil de la nuit

 

 

 

 

Buisson ardent – cœur

 en braise–peau flambant comme torche–

fumée d’écorce sèche

 

 

 

 

Tu ne sens plus rien,

douleur enfoncée en terre –

larmes caressent dedans

 

 

 

 

S’ouvre dans l’hiver

le secret de la fleur d’or,

ta vie le nourrit

 

 

 

 

Conscience sans « je »

persiste après la mort – pousse

forêt hors arbres

 

 

 

 

Dépêche t’arrête pas

la fente est brève – glisse tes mots,

tu plongeras après…

 

 


 

 

 Dana SHISHMANIAN.

In Néant rose, L’Harmattan, 2017. 

(Illustration photographique : Patricia Laranco).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


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