CLOQUES.
Les murs avaient des cloques, à deux
pas de mon lit,
de grosses cloques vertes à l’aspect
répugnant
-l’on pouvait dire que
c’étaient des murs-crapauds,
des murs peau-de-crapauds
ou bien crapeaux de paud.
Ma mère avait laissé une lampe allumée
pour repousser l’obscurité car
j’avais peur
(même si jamais je ne lui avais dit de
quoi).
Je ne quittais pas des yeux ces kystes
du mur, ces boursouflures hideuses et, à
mesure que la nuit s’avançait – elles me paraissaient grandir.
Elles s’enflaient à vue d’œil, comme
avaient fait avant
les bosses et nodosités d’Elephant Man.
les bosses et nodosités d’Elephant Man.
Et se rapprochaient dangereusement de
moi.
La lumière malsaine les accompagnait
et les mettait sourdement, sournoisement en valeur.
Qu’eût pu faire un enfant contre cette
avancée, cette promiscuité
qui ombrait
le silence ?
Elles en étaient presque à pencher
au-dessus du lit leurs pustules, leurs bulbeuses déformations,
leurs excroissances en forme de poches
qui croassaient tout en produisant à l’envi de sales rictus et de grands plis
en vagues, en crochets, en vortex qui m’évoquaient un épiderme trop fripé
cependant que, recourbée en chien de fusil
cependant que, recourbée en chien de fusil
entre le matelas et les laines
empilées
je me contentais de frissonner aussi
bien
que quelque lapin de garenne au fond d’un
trou.
La paroi bosselée avait-elle pris vie ?
S’était-elle animée au point d’entrer en transe ?
Le mur-crapaud était-il fier de ses hideurs ?
Les étalait-il, comme une provocation ? M’avertissait-il, telle une menace
secrète ?... Allait-il fondre sur mon corps, et l’engloutir ?
***
Les murs avaient des cloques couleur
de pourri
et c’est pourquoi je tendais le bras
promptement
au final, afin que la ténèbre
les chasse.
Soulagement : le « clic »
du bouton de la lampe.
Patricia Laranco
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