vendredi 19 juin 2015

Les MURS A CLOQUES de Patricia LARANCO (Île Maurice / France).

CLOQUES.


Les murs avaient des cloques, à deux pas de mon lit,
de grosses cloques vertes à l’aspect répugnant
-l’on pouvait dire que
c’étaient des murs-crapauds,
des murs peau-de-crapauds
ou bien crapeaux de paud.
Ma mère avait laissé une lampe allumée
pour repousser l’obscurité car
j’avais peur
(même si jamais je ne lui avais dit de quoi).
Je ne quittais pas des yeux ces kystes du mur, ces boursouflures hideuses et, à mesure que la nuit s’avançait – elles me paraissaient grandir.
Elles s’enflaient à vue d’œil, comme avaient fait avant 
les bosses et nodosités d’Elephant Man.
Et se rapprochaient dangereusement de moi.
La lumière malsaine les accompagnait et les mettait sourdement, sournoisement en valeur.
Qu’eût pu faire un enfant contre cette avancée, cette promiscuité
qui ombrait
le silence ?
Elles en étaient presque à pencher au-dessus du lit leurs pustules, leurs bulbeuses déformations,
leurs excroissances en forme de poches qui croassaient tout en produisant à l’envi de sales rictus et de grands plis en vagues, en crochets, en vortex qui m’évoquaient un épiderme trop fripé 
cependant que, recourbée en chien de fusil
entre le matelas et les laines empilées
je me contentais de frissonner aussi bien
que quelque lapin de garenne au fond d’un trou.
La paroi bosselée avait-elle pris vie ? S’était-elle animée au point d’entrer en transe ?
Le mur-crapaud était-il fier de ses hideurs ? Les étalait-il, comme une provocation ? M’avertissait-il, telle une menace secrète ?... Allait-il fondre sur mon corps, et l’engloutir ?

***

Les murs avaient des cloques couleur de pourri
et c’est pourquoi je tendais le bras promptement
au final, afin que la ténèbre
les chasse.

Soulagement : le « clic » du bouton de la lampe.




Patricia Laranco

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