vendredi 6 janvier 2017

Des réflexions, à cheval entre deux années (2016/2017)...

On ne devrait jamais arguer, alléguer « je n’étais plus moi-même, quand j’ai fait ça ». Tous nos abysses, toute notre complexité (même inconscients, même frappés par l’amnésie) nous appartiennent.






« Être soi-même », nous prône-t-on. Mais quel soi-même ?
N’avons-nous pas des milliers, des kyrielles de « soi-même » en soi ?
Notre personnalité n’est-elle pas davantage semblable à l’œil multifacettes des insectes qu’à un bloc ferme, lisse, pareil à un monolithe tout d’une pièce ?
C’est à peine si j’ose l’oser, mais je le hasarde en dépit de tout : « qui est soi-même ? Où commence-t-il ? Commence-t-il jamais ? ». N’est-il pas en état de mue, de réarrangement perpétuel ? N’est-il pas, par sa complexité même, une illusion vertigineuse, un insaisissable piège (que d’autres appellent « la conscience de soi ») ?





Sans contrôle des émotions, pas de vie sociale tenable. Pas de vie sociale tout court.
Et, mieux encore, pas de possibilité de prendre du recul, pour mieux observer et pour mieux comprendre.






En amitié comme un amour, c’est toujours un peu soi qu’on aime à travers l’élection d’un autre. Les attirances, les sentiments sont déterminés par l’affinité, la ressemblance.
Si l’on ne retrouve pas un minimum de soi dans la/les personne(s) élue(s), la relation ne sera jamais vouée à durer très longtemps.
Ce que l’Homme aime encore bien plus que les mystères ?
Les miroirs.





La tentation d’imiter – et, donc, de nier l’altérité – reste toujours très forte chez l’Homme. Elle est innée, car elle a pour supports les neurones-miroirs. C’est grâce à elle que, spontanément, nous nous identifions non seulement à tel ou tel congénère, mais sans doute encore aux animaux, aux objets, à la nature entière, que nous « anthropomorphisons ».
« Je suis l’autre ; l’autre, c’est moi ».
Mais n’est-ce pas une illusion à double tranchant, souvent lourde de conséquences ?





Toute chose porte en elle son propre au-delà. Sa dimension d’autodépassement, de plénitude.
En chaque objet réside une sorte d’émanation ; une expansion vers quelque chose d’autre, qui a une dimension plus ample. Une aura qui scintille et a le pouvoir de l’entraîner plus loin. Une espèce d’emballement, issu de son seul poids de présence.
Chaque chose trahit un mystérieux surplus, qui la rend bien plus vaste qu’elle ne l’est ; et, ce faisant, bien plus réelle.
Les immeubles possèdent des arrière-cours. L’astre lunaire abrite une face cachée. Sans doute en va-t-il, pour le moindre objet, de même.
Si l’épaisseur des objets est, à de nombreuses reprises, trompeuse, c’est qu’elle n’est tout au plus qu’un prélude, un tremplin, une fausse barrière. Un désir feutré, diffus, de laisser deviner, de « trahir » tout ce qui la prolonge.
Savoir voir l’au-delà des objets, du réel le plus banal… Soupçonner, puis peut-être débusquer, franchir la porte arrière qui vous mènera à son arrière-cour…




Plus les sociétés seront holistes, soudées, de type « traditionnel », plus les gens qui les composent sentiront peser sur eux le « poids » et la promiscuité des autres ; et, par réaction, par adaptation, plus ils développeront une tendance au contrôle de soi, à la dissimulation et au « faire semblant ». Leur goût du secret (et du « jardin secret », au plan individuel) contraste avec l’exhibitionnisme des sociétés récentes, telle la société états-unienne (où l’idéal du « tout déballer », de la « transparence » et de la liberté à tout crin, qui aboutit parfois à un indéniable sans-gêne, est plus que florissant).





De la part des gens, rien ne m’étonne. Sinon, peut-être, leur complexité. Ceci explique sans doute cela.
Et vaut également pour moi-même.





Il se pourrait que les relations, remarquées depuis longtemps, et depuis non moins longtemps énigmatiques et intrigantes, entre la créativité et certaines atteintes ou déficiences mentales et inadaptations d’ordre social (telles l’épilepsie, l’autisme dans sa forme Asperger, la maladie bipolaire voire la paranoïa et la schizophrénie) soient en voie d’éclaircissement.
Les atteintes touchant certaines parties (« aires », ou encore « modules ») du cerveau pourraient bien, en les neutralisant, en les « éteignant » plus ou moins, se voir – en vertu de la plasticité cérébrale – compensées par une hypertrophie d’autres zones du même cerveau non atteintes, celles gérant la spatialisation, le maniement des chiffres, ou le sens du dessin –ou encore celui de la métaphore ou du jeu de mots, par exemple. (*)


(*) cf. Vilayanur RAMACHANDRAN : Le cerveau fait de l’esprit, Ed. Dunod, 2011.






Maintenant, je comprends pourquoi on a peint – ou sculpté – tant de « Vierges à l’Enfant ». Une mère qui tient son jeune bébé contre son sein et l’enserre de ses bras, c’est un instant fort, quasi magique. C’est une image de fusion presque absolue entre deux êtres. Une image dont nous portons à jamais, pour toujours en nous la secrète, nostalgique empreinte. C’est (hors la grossesse) le maximum humain du rapprochement, de la tendresse, de l’intimité, de la protection, de la chaleur. Cela, aucun amour sentimental ou érotique ultérieur ne sera apte à nous le rendre.
A travers leurs œuvres, les peintres et sculpteurs ont voulu saisir cette acmé, qui les fascinait. Ils ont cherché, autour du couple madone-bébé une sorte d’aura invisible en forme d’œuf de béatitude. Un halo de félicité, qu’ils émanent et qui les maintient ensemble seuls au monde, ou hors du monde. Et que rien n’égale.






On ne déteste pas seulement des gens parce qu’ils vous ont gêné ou causé de graves torts.
Il arrive aussi qu’on les " aie dans le nez " parce que c’est NOUS qui les avons lésés gravement.
Le sentiment (secret) de honte est aussi un facteur de haine (et même parfois, de haine redoutable).
« Je ne te hais pas parce que tu m’as agressé(e), mais parce que JE t’ai agressé(e). Or, il n’est pas possible que j’en ai usé ainsi avec toi sans raisons ».
Y aurait-il eu autant d’antisémitisme au XXe siècle (notamment sous le régime nazi) s’il n’y avait eu, au préalable, la longue habitude des pogroms en Europe de l’Est et celle de la ségrégation spatiale des Juifs dans l’espace ouest-européen ? Y aurait-il  autant de négrophobie s’il n’y avait eu la traite négrière et la mise en esclavage impitoyable d’une bonne partie de la population que comptait l’Afrique Noire ? Autant de misogynie si le « beau sexe » n’en avait pas tant subi ? Autant de crainte des réfugiés, actuellement, s’il n’y avait eu les diverses colonisations européennes ?
De l’aversion pour l’Autre en tant que justification défensive, que quasi réflexe, que sauvegarde (psychologiquement vitale) d’une estime de soi collective… De l’aversion pour l’Autre en tant que proche cousine du déni/non-dit…






Il est grandement heureux que la vie nous réserve des déceptions. Les déceptions forgent et trempent l’âme. Elles sont d’excellents professeurs, dans la mesure où, peu à peu, à force d’à force, elles nous apprennent fort utilement à nous méfier de nos attentes et, par conséquent, de nous-mêmes, ce qui, au fond, est l’essentiel.






Quel individu n’a pas, comme la lune, sa face rayonnante et sa face sombre ?






Le juste milieu et l’esprit humain semblent faire assez mauvais ménage.






Le fait qu’en règle générale, les « boucs émissaires » constituent des catégories inoffensives et vulnérables, incapables de se défendre dans le contexte où elles sont attaquées en dit considérablement long sur l’hideuse lâcheté, sur la cruelle veulerie de la nature humaine.







L’Homme ne met-il pas « la charrue avant les bœufs » dans ses rêves spatiaux (n’en déplaise à Stephen HAWKING) ?
Ne cherche-t-il pas pour une certaine part, dans ces songeries et dans les entreprises qui en résultent, à oublier ses multiples problèmes « bassement terrestres » ?
Pourquoi ne se soucie-t-il pas, d’abord, de ses innombrables scandales sociaux liés aux plus que choquantes disparités de niveaux de vie et aux  criantes disparités ethniques, sexuelles et culturelles ?






On vide lentement (en fait, pas si lentement que cela) Paris de ses « vieux », de ses pauvres et ultra-pauvres, de ses « immigrés » et de ses travailleurs manuels au nom de l’idéal (bourgeois) de la « ville propre ». En vertu du principe très à la mode de « gentrification », l’on veut une ville proprette, sûre, verte, esthétiquement impeccable, grouillante d’enfants (Blancs) de Blancs aisés, raffinés et, en moyenne, trentenaires qui s’imaginent, innocemment, à la pointe du « progressisme » (alors qu’ils ne sont qu’une nouvelle version de la « jeunesse dorée » conquérante, désinvolte, méprisante sans même s’en rendre compte). C’est une forme d’exclusion nouvelle, qui se refuse à dire son nom, et qui jouit du soutien de toutes les formations politiques qui peuvent prétendre gouverner. Depuis quelques dizaines d’années, sa sournoiserie se montre fort habile.
Pour autant, « ces gens-là » s’imaginent-ils que le peuple n’a pas cessé d’être dupe ?






Les « identités » claniques, ethniques sont, sans nul doute, des sortes de « prisons », et elles entretiennent les conflits (« eux et nous », ou peut-être, bien plutôt, « eux ou nous »).
N’empêche que le besoin de se regrouper en petits « clans », en factions cimentées par l’habitude et/ou par l’affinité semble, chez l’être humain, congénitale.
N’oublions tout de même pas que le cerveau de l’Homme, aux dires des scientifiques,  n’est en mesure de tisser des liens et/ou des interactions dignes de ce nom qu’avec au grand maximum seulement environ 150 autres personnes.
La conscience universelle – celle du « Je suis humain, et rien de ce qui est humain ne m’est étranger » est fort récente, et plutôt d’ordre intellectuel. En revanche, la conscience d’être étroitement lié à un (petit ou assez petit) nombre de personnages, à une « communauté » limitée est, pour sa part, de nature affective, donc autrement plus spontanée.






Un champ de « vérités », c’est comme un champ de mines. Ça peut, à tout instant, mettre le feu aux poudres.






Il est tout de même étrange qu’un organe tel que notre cerveau – que l’on dit être un pur produit de la sélection naturelle et de l’adaptation possible à toutes sortes d’environnements et de situations (de par sa plasticité et de par son exceptionnelle capacité à résoudre les problèmes) – soit également devenu, au fil du temps, un producteur de réalité virtuelle, un puissant filtre entre son propriétaire et la réalité brute, susceptible même de le détourner de cette dernière (en créant tout un monde intérieur de pensées, d’impressions, d’images, d’œuvres d’art, d’hallucinations ou de délires).






L’Homme a l’ « instinct » de manipuler tout ce qui l’entoure à sa convenance, selon ses besoins. Sans doute n’aurait-il pas survécu s’il n’avait eu cette pulsion.
Son intelligence et les facultés logiques et technologiques qui en découlent l’ont fait passer maître dans cet art d’aménager, de modifier, de bouleverser radicalement le monde en un temps record.
Il reste que tout ce qui est, autour de lui, repose sur des EQUILIBRES. Et aucun équilibre ne se laisse déstabiliser sans qu’un faisceau de conséquences – dont ce que nous appelons « effets pervers » font également partie - n’en résulte.






Illusion ou réalité ? Quelle est la nature du monde (et la nôtre, du même coup) ?
Et si, dans le fond, les deux concepts étaient tout, sauf incompatibles ?
Et si, dans le fond, la « réponse » était « Réalité ET illusion » ?















P. Laranco.


































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