Ah, l’éprouvante complexité de la
nature humaine !
Chaque individu de notre brave
espèce est, à lui tout seul, un problème mathématiques, une interminable série
d’équations non résolues ou une sorte de rubikcube.
Rien d’étonnant à ce que la vie
en société humaine finisse par rendre l’individu en quête de réponses claires
asocial.
L’Homme n’est pas un loup pour
l’Homme. Le loup ne mérite point que l’on dise cela.
Une vie, c’est si évanescent,
mais en même temps si solide.
LA Vie s’accroche à la planète
Terre, à ses eaux et à ses rocs, à son air même depuis 3, 5 milliards d’années.
Elle prolifère, ingénieuse,
apparemment indéracinable (en dépit de multiples extinctions d’espèces massives
et cataclysmiques).
Le tardigrade microscopique réussit à survivre dans tous les milieux
possibles et imaginables (y compris le vide spatial), et l’Homme étend les
tentacules insatiables du Vivant jusque dans l’espace et sur la lune, voir sur
d’autres planètes du Système solaire (par le truchement de ses robots).
Et pourtant, chaque organisme
vivant, chaque individu vivant s’efface du jour au lendemain. Cela vaut autant
pour le plus sophistiqué que pour le plus élémentaire. Un jour là. Le
lendemain, plus là. Comme une flaque qui sèche au soleil.
Peut-on considérer la Vie comme
le triomphe du fragile ?
C’est toujours par rapport à une
(ou à plusieurs) autre(s) qu’une réalité se situe.
L’orgueilleux (comme tout être
humain) a un impérieux besoin des autres. Mais, en raison de ses
caractéristiques caractérielles, il répugne viscéralement à l’admettre. Aussi
recherche-t-il volontiers la compagnie d’êtres vulnérables et dépendants,
auxquels il s’évertue à devenir « indispensable ». Il en a besoin. Il
est dépendant à la dépendance (excessive) des autres, en somme.
Nous pestons fréquemment contre
le mensonge et l’hypocrisie.
Mais, sans le mensonge et
l’hypocrisie, pas de société humaine !
Aux bobos, je réponds :
quand les inégalités et les fossés de niveau de vie sont tellement criants dans
un système, on ne peut longtemps y vivre sereinement, en s’efforçant de les
dissimuler. Ou, à tout le moins, de les minimiser. Et, a fortiori, aucune
société de Bisounours n’est possible.
Le capitalisme, même à la sauce
« hippie », reste le capitalisme.
Le bobo a ses bobonnes œuvres.
En l’autre, nous ne voulons
jamais connaitre que ce qui NOUS intéresse.
DE L’HUMANISME.
Ce que l’on a, historiquement,
désigné par le terme d’ « humanisme chrétien », a, très
probablement , ses racines au fin fond de la nature humaine, dans ce qu’on
appelle « l’empathie », dans ce que les modernes neurologues nomment
« la théorie de l’esprit » que produisent nos très nombreux
neurones-miroirs.
Voilà une preuve de plus qu’il
devait tôt ou tard éclore, qu’il devait tôt ou tard et dans n’importe quelle
culture humaine, se manifester dans sa pleine mesure, sous une forme ou sous
une autre.
Il ne saurait donc être tenu
pour une « invention occidentale », que les autres cultures ne
seraient pas à même d’ « assimiler », de développer. La fibre
« humaniste » existe, virtuellement, en germe, à l’intérieur de
chaque créature humaine, mis à part les sociopathes, les autistes ou certaines
personnes « normales » mais traumatisées par la maltraitance (surtout
à un âge tendre). C’est elle qui, par exemple, a modelé, dans toutes les formes
de religiosité ou de religion, le besoin de « communion » (avec le
reste de sa propre communauté, avec les Ancêtres, avec la nature, avec le
cosmos, avec Dieu, souvent regardé comme étant un dieu
d’ « amour » et de « miséricorde »).
Dieu, certes, a été
« créé » par et pour les besoins de l’esprit humain. Mais, pour
autant, ceci veut-il dire qu’il n’existe pas une force « cosmique »
suprême qui nous dépasse et nous demeurera, à jamais, impénétrable ?
Dieu peut-il se
« prouver », ou se « non-prouver » ?
Est-ce la bonne question ?
Pour faire passer le temps, et
s’occuper l’esprit, que ne ferait-on pas ?!
Les clowns, les pitres et les
fantaisistes, c’est assez connu, sont souvent tristes (un peu comme les génies
sont fréquemment des excentriques, voire des fous).
Y aurait-il de la dérision si
l’Homme ne savait pas qu’il va mourir et qu’autour de lui, le temps et l’espace
sont immenses et écrasants ?
Le paradoxe existe-il autrement
que « pour soi », autrement que ressenti propre à l’Homme ?
L’être, en général, ne réfléchit
pas à sa propre condition. Elle lui semble normale et parfaitement naturelle
parce qu’elle est la seule qu’il puisse expérimenter, la seule dont il ait une
expérience aussi intime. Il a, forcément, beaucoup de mal à prendre du recul
par rapport à elle. Alors qu’en fait, bien des facteurs laissent penser que
cette dernière serait bien plus le fait du plus pur hasard que la résultante de
processus « automatiques ».
Il est, en gros, deux catégories
de gens que l’esprit critique rend nerveux : les êtres dociles et passifs,
obsédés par l’idée d’éviter les « problèmes » et facilement
perméables aux « bourrages de crânes », et les « fortes
personnalités » qui, elles, ont soif de domination, de contrôle.
Toute rupture d’équilibre
entraine le retour au chaos, lequel débouche sur l’imprévu.
C’est sans doute une des raisons
pour lesquelles, peut-être de façon instinctive, les gens préfèrent parfois
supporter très longtemps des statuquos qui leur sont insatisfaisants pour une
raison ou pour une autre, plutôt que de « renverser le château de
cartes », de se lancer dans des bouleversements qui risquent de
déstabiliser les « systèmes » dans lesquels ils vivent. Le proverbe
français « on sait ce qu’on a, on ne sait pas ce qu’on aura » en dit
très long à ce sujet.
L’individu créatif est un
insatisfait chronique. Plus ou moins confusément, il a conscience d’être
incomplet, et cette conscience-là (sans doute trop développée chez lui) le
ronge. Chacune de ses créations – de la plus insignifiante à la plus
« réussie » - doit être, en un sens, vue comme une tentative de
comblement, une façon de s’ « auto-compléter ». Cependant,
chacune de ces réalisations est (forcément) vouée à le décevoir. Cela explique
pour quelles raisons le vrai créatif ne s’arrête jamais de créer (à moins d’un
cas de force majeure).
Que cherchait VAN GOGH dans sa
rage, son urgence créative obsédante, conclue – de façon logique – par son
auto-anéantissement (suite à son sentiment d’échec, à son impression
d’impuissance) ?
L’art est (peut-être) une folle
quête de complétude qui se fracasse contre ces falaises que sont notre nature
même et la nature même du monde.
Vues sous cet angle-là, même les
plus grandes œuvres d’art (officiellement reconnues) ont une dimension
« dérisoire ».
L'aisance d'un côté. La pauvreté
de l'autre.
Entre les deux passe la grande
ligne de partage des eaux.
Les aisés n'aiment pas penser
qu'il est des pauvres.
Les pauvres, eux, ne cessent pas
de penser qu'il y a de l'aise. Et, pour atteindre cette aise, que ne
feraient-ils ?
Il y a des vertiges de misère et
d'aisance. Qui, forcément,
ne peuvent que fausser les rapports.
Je comparerai assez volontiers
l’amour à une attaque passagère de vertige.
Nous percevons presque toujours
la pensée de l’autre être humain d’une manière plutôt erronée, ou déformée car
nous l’interprétons (c’est inévitable) au travers du filtre de notre propre
grille de lecture, de nos propres préoccupations, de notre propre façon de voir
l’Homme et le monde, de nos propres sentiments et désirs ( dans ce dernier cas,
plus la personne nous est importante ou proche, pire c’est, en raison de la
force particulière du filtre affectif).
Les nombreuses difficultés de
communication et innombrables malentendus entre les êtres résultent de cela.
Tout est peut-être un Rien
qui veut
qu’on l’aperçoive.
Pour quelles raisons s’étonner
que l’être humain soit si perméable à la folie et aux autres formes de
dérèglement mental ? Son cerveau est une « machine » de chair à
la structure et aux « réglages » si incroyablement compliqués et,
pour cette raison même, tellement fragiles !
Vous ne pouvez jamais compter
sur les êtres qui comptent trop sur vous.
La critique gêne, elle est aussi
inconfortable que le doute, mais c’est aussi elle qui débouche sur une possible
évolution positive des choses.
Dans la mesure où elle débloque
les statuquos, elle est féconde.
Seuls sont paralysants, stériles
l’excès de critique et la critique systématique (la critique-tic, oserai-je
dire) qui naturellement, tournent à vide.
A lire la fascinante étude du Pr
RAMACHANDRAN sur notre cerveau (*), l’on en retire (entre autre), me semble-t-il, en
filigrane, l’impression que ce dernier passe une respectable part de son temps
à « se protéger » contre sa propre complexité, toujours possiblement
facteur de « division », d’incohérence, voire d’éclatement. Ne
serait-ce pas là, tout bonnement, l’origine de la
« conscience » ?
Je ne suis pas parce que je
pense, mais parce que, d’abord, je capte les présences de tous mes organes internes et que je
synthétise sans cesse ces messages sensoriels à travers le temps et l’espace.
Avant la perception (consciente ou inconsciente) d’une pensée, il y a la
perception (aux trois quarts inconsciente) d’un corps dont procèdera ladite
pensée. La conscience est, d’abord, une conscience de l’unité et de la
continuité spatio-temporelle d’un corps qui sent et réagit à ce qu’il ressent
organiquement, comme à ce qui l’entoure. Autant pour Descartes !
(*) Vilayanur RAMACHANDRAN, Le
cerveau fait de l’esprit, Dunod, 2011.
Etudier la complexité des êtres
humains (y compris la sienne propre) est peut-être l’activité la plus
intéressante qui soit ; mais aussi la plus épuisante. C’est pour cette
seconde raison sans doute que tant de gens préfèrent la fuir.
Notre cerveau peut toujours
potentiellement nous « péter à la gueule ».
Il est toujours très difficile –
sinon de l'ordre de l' impossible – de se forger une opinion globale et simple sur le
monde. Le mieux que nous puissions faire, en ce domaine, est de nous forger DES
opinions plurielles (et prudentes).
TON histoire est faite de celle
de milliers d’autres gens.
Si notre cerveau a une profonde
aversion pour les
incohérences (*), peut-être (voire sans doute) est-ce parce qu’il doit gérer
une complexité interne unique, une complexité qui, à la limite, dépasse
l’entendement – et qui l’expose, précisément, à une foule d’incohérences
mentales et comportementales.
Mais, pour autant, le monde
n’est-il pas, lui aussi, truffé d’ «incohérences» ?
(*)Vilayanur RAMACHANDRAN, Le
cerveau fait de l’esprit, Dunod, 2011.
Vivre ne suffit
jamais à l’Homme. Parce qu’il sait qu’il va mourir.
Il y a des tas de choses que l’on
n’élucidera jamais (ou jamais autrement qu’en avançant des hypothèses
invérifiables, multiples et variées, parfois antagonistes et sujettes à des
débats plus ou moins vifs).
Il est vain de penser que la
science, l’explication scientifique éradiqueront jamais la spéculation, car il
y aura toujours des éléments du grand puzzle qui nous échapperont
(essentiellement pour cause de subtilité, de gigantisme et de dynamisme). D’ailleurs,
les savants d’aujourd’hui font clairement le deuil de la connaissance absolue,
de celle que l’on serait tenté d’affubler d’un « C » suprême. Mieux
connaitre la nature de la nature les a rendus plus humbles.
P. Laranco.
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