dimanche 21 avril 2024

Littérature mauricienne : Une mauricienne, Reena Usha RUNGOO, figure parmi les finalistes du "Commonwealth Short Story Prize"; article de Sedley ASSONNE.

 






COMMONWEALTH SHORT STORY PRIZE :
Reena Rungoo parmi les 23 finalistes.



Reena Usha Rungoo, mauricienne établie aux Etats-Unis, et Assistant Professor à l’université de Harvard, figure parmi les 23 finalistes du Commonwealth Short Story Prize. Si elle est techniquement la première mauricienne à figurer dans ce palmarès, on se souviendra que Lindsey Collen avait fait honneur au pays, dans les années 90, en devenant la première Mauricienne à enlever le prix du roman avec son texte « The rape of Sita ».
Les 23 auteurs, venant de pays du Commonwealth, faisaient partie des 7,359 auteurs de cette région anglophone à avoir participé au concours. Voici ce qu’en disent les organisateurs :
“We are delighted to present the 2024 Commonwealth Short Story Prize shortlist. The 23 writers have been selected by an international judging panel from 7,359 entries in a record-breaking year. This year’s shortlist hail from 13 Commonwealth countries. Writers from Mauritius, Rwanda and St Kitts and Nevis feature for the very first time.
Many of the stories are told through the eyes of children—tales of parents splitting up, of school, and of the often baffling behaviour of adults around them. Older characters also appear—sometimes destructive, sometimes inspiring. Five of the stories reflect on motherhood in very different ways. Others tell of forbidden love in a hostile world. Topics range from music, football, art, film, the impact of electricity arriving in a village, and even one woman’s passion for tea. While romance and thrillers feature prominently, nearly a quarter of the shortlisted stories are speculative fiction.”
La présidente du jury, l’auteure d’origine Ougandaise Jennifer Nansubuga Makumbi déclare : “This is a dream list for lovers of the short story form. You’ll be amazed and thrilled, startled and shocked, and heartbroken and humbled in equal measure by the skill and talent, imagination and creativity.”
Quant au Dr. Anne T. Gallagher AO, Directrice-Générale du Commonwealth Foundation, elle ajoute : “The Short Story Prize is legendary for unearthing and nurturing the rich creative talent of our Commonwealth. This year is no exception. My congratulations to the 23 writers whose stories will now secure a truly global audience.”
Cinq gagnants régionaux seront annoncés le 29 Mai prochain. Et le gagnant sera connu le 26 Juin. Leurs nouvelles seront publiées dans le magazine en ligne Adda, éditée par la Commonwealth Foundation.

Ci-dessous, les noms des 23 auteurs finalistes :
''A River Then the Road'' , Pip Robertson, Nouvelle Zélande.
''Dite'' , Reena Usha Rungoo, Ile Maurice.
''Nobody Owns a Fire'' , Jennifer Severn, Australie.
''Mananangal'' , M. Donato,Nouvelle Zélande.
''Wrinkle Release'' , Stefan Bindley-Taylor, Trinidad-Tobago.
''So Clean'' , Anna Woods, Nouvelle Zélande
''You Had Me at Aloe'' , Ark Ramsay, Barbados
''Terre Brûlée'' , Celeste Mohammed, Trinidad-Tobago.
''Thambi, Thambi'' , Bharath Kumar, Inde.
''Aishwarya Rai'' , Sanjana Thakur, Inde.
''Mother May I'' , Ajay Patri, Inde.
''When Things End'' , Sarah Balakrishnan, Canada.
''What Burns'' , Julie Bouchard,Canada.
''Your Own Dear, Obedient Daughters'' , F.E. Choe, Canada.
''Milk'' , Eaton Hamilton, Canada.
''Sookie Woodrow Goes to Heaven'', Ceilidh Michelle, Canada.
''The Devil’s Son'' , Portia Subran,Trinidad-Tobago.
''Fadi'' , Azags Agandaa, Ghana
''House No. 49'' , Olajide Omojarabi, Nigéria.
''A Song Sung in Secret'' , Jayne Bauling, Sud-Afrique.
''The Goat'' , Jean Pierre Nikuze, Rwanda.
''The Marriage Proposal'' , Heather Archibald, St Kitts et Nevis.
''The Woman Upstairs'' , Audrey Tan, Singapour.


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- Qu'est-ce que cela vous fait de figurer parmi les 23 finalistes ? Depuis quand écrivez-vous ?
- Très contente, un peu étonnée même, mais surtout très fière de représenter Maurice dans la région "Afrique". C'est un des prix qui offre le plus de visibilité aux écrivains inconnus, donc beaucoup d'espoir et d'enthousiasme pour l'avenir. J'écris plus ou moins depuis l'âge de 19 ans. Mais je n'ai jamais osé me considérer en tant qu'écrivaine. Et puis j'ai naïvement cru au stéréotype qui dit qu'on ne peut pas être écrivain et critique en même temps. Je me suis rendu compte que les deux se rejoignent beaucoup. Le problème c'est qu’en tant que critique littéraire, on peut justement être très sévère envers soi-même
- Parlez-nous de votre parcours d'écrivain et professionnel.
- Je suis tombée dans la littérature un peu par hasard. J'ai fait de la littérature au collège, mais je ne pensais pas pouvoir faire carrière dans le domaine. D'ailleurs, venant d'une famille modeste, et étant la première de ma famille à aller à l'université, je ne savais même pas ce que c'est qu'un PhD. Mais j'ai eu une bourse pour le Canada, et à l'université, une prof fantastique, Catalina Sagarra, m'a vivement encouragée à poursuivre des études supérieures. Bourse après bourse, études après études (tout en faisant mille petits boulots à côté pour supplémenter ces bourses), j'ai fini comme prof de littérature. Mais j'ai toujours eu l'envie secrète d'écrire. J'ai publié mon premier article en 2021.
- De quoi parlait "Dite"?
- De beaucoup de choses ! De l'histoire coloniale du thé à l'île Maurice, m'inspirant de ma propre grand-mère qui a travaillé dans la plantation jusqu'à l'âge de 70 ans. Des deux côtés de ma famille, mes grand-parents (et même mon père, jusqu'à l'âge adulte) ont vécu de près cette société plantationnaire. À partir de cela, je remets en question les effets du colonialisme sur notre société, pas tellement les effets plus visibles, mais ceux plus subtils et parfois indirects: la façon dont le colonialisme peut affecter la façon dont on parle, les langues qu'on parle, les accents qu'on préfère, mais aussi notre désir sexuel. La protagoniste entretient un rapport très compliqué avec la langue française, et la nouvelle remet en question notre rapport à la langue créole quand il s'agit de l'éducation, de la culture, et même du sexe.
Et en même temps, à un niveau méta, je questionne ma propre préférence à écrire en anglais. Ayant grandi dans les années 90, je n'ai jamais appris à écrire en créole, et je suis même maintenant très lente quand je lis en créole. C'est dommage bien sûr. Mais dans « Dite », vous allez voir que même si le texte est écrit en créole, il y a des passages en français et en créole.
Mais je pense que ce qui est fantastique avec la société mauricienne, c'est qu'on est tout le temps en train de vivre dans plusieurs langues en même temps. Mais je trouve dommage qu'on place beaucoup de barrières entre notre usage de l'anglais, du français et du créole (entre autres). On devrait pouvoir utiliser le créole dans le milieu professionnel. Les Mauriciens ne devraient pas être embarrassés à utiliser le créole dans le customer service. On francise l'anglais, on créolise le français, et c'est génial. D'ailleurs les langues évoluent, c'est inévitable, et c'est normal.
- Avez-vous déjà publié ?
- Oui, j'avais soumis quelque chose au prix Queen Mary Wasafiri Life Writing Prize en 2021, Wasafiri étant une revue littéraire qui publie beaucoup d'auteurs (connus et inconnus) du monde postcolonial. L'œuvre qui s'appelle Song of Life (lien : https://www.wasafiri.org/.../the-song-of-life-by-usha.../) parle un peu de ma première expérience en tant que maman. Mais dans mes propres recherches et enseignement, je retourne toujours sur le colonialisme, le racisme, et la résilience aussi. Donc tout cela s'insère aussi dans l'écriture créative. L'œuvre avait été shortlisted aussi, ce qui m'a donné plus d'espoir.
- Quels sont vos projets littéraires ?
- Je compte écrire un roman à partir de la nouvelle "Dite". En même temps je travaille aussi couramment sur un projet académique, un tome universitaire qui lie les sirandanes et leurs équivalents aux littératures india-océanes et antillaises contemporaines.


Extraits de Dite :

"At the end of primary school, every child on the island competes in a national exam, and Monsieur Beekoo is our teacher in the last two years because his reputation precedes him. Out of thousands, his students regularly rank in the first five hundred to join so-called star secondary schools. The rest go to regular schools, vocational schools, or no school at all. Monsieur has a panoply of punishments in his arsenal, and they flow out of frustration for the avoidable mistakes his favourites make—and indifferent disregard for the rest. When he asks me to conjugate the verb “instruire” in the perfect tense, my tongue betrays me, skips over the pointed French u and flattens directly into the i so familiar in my native Creole. I feel the sting of the slap after he starts yelling, his face inches away from my own.

I will soon leave for the Catholic secondary school Monsieur Beekoo and Mama wish for me. There will be no lashings there. It is, after all, a star school, one of the most respectable. We will mostly just get detention, for wearing short uniform skirts (Rule 7 from the Code of Conduct : the hem of the skirt needs to be at or below the knees and not reveal too much skin) or for speaking in Creole (Rule 2 : only French allowed). Sometimes, if we fail to remember the main themes in Proust’s Du côté de chez Swann, an occasional blackboard eraser will be thrown in our general direction, easily dodged. And in my case, a teacher will replace my surname daily with funny ones from Voltaire’s Candide when doing roll call. I will stand tall and silent through it all, with no pain at all except for the strange one in my throat.

When we have sex, my moans and postures are as deliberately arranged as my words, from years of practice and of watching Jason Priestley, Andie MacDowell, Shah Rukh Khan, and Rani Mukherjee speak love in English dubbed in French. The words I actually want to say never make it to the tongue which has by now fossilized into pointed and squared morphologies. They escape me once in a while, but always outside of sexual intercourse. “Ayo,” that protean sauce of an onomatopoeia that goes with every dish, comes first to express sheer pleasure, utter disappointment, and everything in between. Then “fouf,” more and more impatience. After a fight one day, something long forgotten almost escapes my lips : bour to sime ale. The painful knot in my throat alchemises the words and translates to Nigel : it’s over. He moves out of my apartment the same day. Although we break up on my terms, we say it in his words, that’s why it’s over.





Sedley Assonne.
























Crédit : Sedley ASSONNE.
























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