Jamais, peut-être, notre monde n’a été aussi oligarchique et
voué au discours unique, sans partage que de nos jours. Où est la « démocratie »,
là-dedans ?
Les sociétés modernes étaient censées, en éduquant les gens,
démocratiser le discours et augmenter leur possibilité d’expression. Or, on
peut maintenant constater que, loin d’avoir tenu leurs « promesses »
plus ou moins explicites, elles abrutissent les masses et leur interdisent tout
accès au débat réel. Plus que jamais, le droit à la parole est conditionné par
les titres, les hauts diplômes et les relations (réseaux), par l’appartenance à
une certaine catégorie socioculturelle (la dominante, la financière, la
médiatique, la surdiplômée, appartenante ou liée à la haute bourgeoisie
planétaire).
Finalement,
il toujours difficile d’affirmer pleinement, catégoriquement quoi que ce soit.
L’ennui est une sorte d’incarcération. Pour ma part, je lui
attribue une couleur fauve, stagnante, pisseuse.
L’instinct
est une forme de réflexion inconsciente.
Les trois quarts de la population humaine sont constitués de
gens qui n’ont ni peau rose, ni cheveux blonds, châtains ou roux et pas
davantage d’yeux clairs. Pourtant, on a l’impression que, sans les Blancs, l’humanité
n’existerait pas et que la Terre s’arrêterait de tourner. Est-ce que vous
trouvez ça normal ?
On veut
démesurément augmenter « l’espérance de vie » (lire : « l’espérance
de vieillesse ») dans une société qui, par ailleurs, de plus en plus,
rejette, marginalise et tourne en dérision sans grand ménagement seniors et « personnes
du troisième âge » (en exaltant, entre autre, le jeunisme et le fait,
obligatoire, d’être « sexy » et « glamour ») et se plaint
que leur nombre croissant (et infertile) va coûter de plus en plus cher en
termes de finances et de (perte de) temps. Permettez-moi d’être perplexe, voire
interpellée dans mon sens (peut-être trop exigeant) de la logique.
Mais paraphrasons
des vers de Baudelaire tirés de son poème « Femmes damnées » : «Maudit
soit à jamais le rêveur inutile / Qui voulut le premier dans sa stupidité / S’éprenant
d’un problème insoluble et stérile, / mêler logique aux choses de l’humanité ! ».
Devant le monde, j’oscille sans cesse entre le « Mort De
Rire » facebookien, le fou-rire « hénaurme » que je n’arrive
plus à retenir ni à arrêter et un certain écœurement (pleurard) ou des « coups
de sang » très méditerranéens d’indignation que j’ai probablement hérités
de ma famille paternelle.
C’est grave, docteur ?
Merde,
à la fin, je crois, au fond, que, dans un certain sens, je n’arriverai jamais à
comprendre pourquoi les Hommes ont une telle appréhension – pour ne pas dire
une telle trouille – de la mort : ils ne la sentiront même pas !
Ils ne
la vivront même pas (si j’ose dire) ; n’en auront aucune expérience.
Ne devraient-ils
pas plutôt avoir davantage peur de la vie, qui est pleine d’aspérités et qui,
constamment, les tiraille, les ballotte, les soumet à la pression du temps et
des sens ?
Comment
peut-on avoir peur d’un « état » qui, par essence, par définition, n’existe pas
(puisqu’il succède à l’existence – et y met fin) ?
Du point
de vue de la logique stricte, pure, dure, il faut bien avouer que tout ceci n’a
pas un très grand sens.
Ce qui dévalue tant la femme aux yeux de la gent masculine, c’est,
d’abord et on ne peut plus fondamentalement, basiquement, le fait que celle-ci
peut être violentée, contrôlée physiquement, sans possibilité de résistance
efficace, par l’homme. C’est sa moindre force physique.
Sa « faiblesse » liée à son « trop » grand
sens du lien et à ses exigences affectives ne constitue, par rapport à cela, qu’une
sorte d’ajout, d’argument secondaire.
L’univers de mâles humains gravite autour de la force purement
physique. C’est un univers de chasse, de lutte, de motricité agressive (comme
on le voit bien dans les cours de récréation). Si les hommes ont tant de mal à
concevoir que l’on place les deux sexes sur le même plan sociétal, ce n’est pas
– ou quasiment pas – pour d’autres raisons que parce qu’ils possèdent le
pouvoir d’intimider la femme, de façon brute, brutale, physique. C’est dire si,
en eux, la nature pulsionnelle, « animale » demeure, derrière tous
les vernis superficiels ultérieurs, affirmée.
L’acharnement
que mettent, si ordinairement, hommes et femmes à rabaisser la parole et les
actes qui émanent de tout être de sexe féminin ne pourrait-il pas, à bien des
égards, être perçu comme une marque (inversée, « en creux ») du
respect immense que leur inspire, en fait, la figure de la Femme, de cette
mère/Mère à qui ils/elles doivent tant de choses indispensables et essentielles ?
Ne dit-on pas communément que l’on « brûle » ce que l’on adore – ou ce
que l’on adora – de la manière la plus intense ?
Quel est l’homme qui n’a pas de « problème avec les femmes » ?
Le monde
dégage – ou, du moins, nous percevons qu’il dégage – souvent une certaine
poésie, qu’en général nous désignons du terme « beauté ».
Il y
a assez gros à parier que c’est là que réside la source de toute émotion « artistique ».
Cependant,
il ne serait pas mauvais de savoir si cette perception résulte de lui [du
monde] ou de nous, de cet extraordinaire système cerveau/appareil sensitif que
nous possédons et qui, parait-il, est unique au royaume des créatures vivantes.
La Bhagavad-Gîtâ nous dit « Les sens se meuvent au milieu des objets des sens ». Dans
une certaine mesure, les sciences ne nous disent pas autre chose.
En somme
le monde existerait sans exister, tout en existant.
Du coup,
l’ « artiste » serait quelqu’un qui percevrait
préférentiellement l’ « aura » de « beauté »
intrinsèque que diffuse le monde (j’ose presque dire son « charisme »).
Et,
toujours vu sous cet angle, le savant serait, lui, quelqu’un qui percevrait
préférentiellement l’ordre (à savoir les cohérences) que le même monde porte
également dans sa nature.
Quant
au philosophe, il se situerait un peu au confluent entre ces deux perceptions
de la réalité.
Pourquoi
ne pourrait-on pas envisager les choses de cette façon ? Bien sûr, une
petite voix un peu ricanante pourrait tout aussi bien (et elle serait fort en
droit de le faire) nous objecter « si schématique soit-elle ».
Le penseur peut parfaitement être dévoré par sa propre pensée.
Se noyer dans les méandres de sa propre subtilité, de sa propre finesse.
Chacun sait que les savants fous et les philosophes qui le
deviennent (ou se contentent d’être excentriques) ne sont pas une denrée très
rare.
Un pouvoir d’analyse et de synthèse, une capacité de réflexion
qui mènent à une faillite de la Raison, est-ce « normal » ? Et
surtout n’est-ce pas, à bien des égards, profondément hilarant ?
La poule.
L’œuf.
L’ouroboros.
La subtilité.
Qui nous noie.
Pour écrire, il faut un élan. Une certaine forme de joie. Quand
bien même écrirait-on les choses les plus noires, les plus désespérées.
Ecrire a peut-être, au fond, à voir avec les sautes d’hypomanie.
Sans cette énergie, ce désir-plaisir qui vous soulèvent, vous
portent, il n’est pas d’écriture.
Tout juste peut-on tenter de forcer de malheureux mots asthéniques
qui se demandent ce qu’ils font là et patinent en roues embourbées.
Seuls le « feu sacré », l’enthousiasme posent les mots
sur de vrais rails, bien lisses, qui leur tiennent lieu de « rampes de
lancement ».
P. Laranco.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire