Tu me demandes
ce que je sais des larmes ?
J'ai longtemps
cru que les aquarelles me diraient leur secret.
J'ai longtemps
cru que ces couleurs diffuses, maladroites, libres, vivantes sur la toile
humide, me parleraient des corps qui se disloquent, des âmes qui se fissurent,
de la conscience qui s'altère.
J'ai longtemps
cru qu'elles me parleraient de l'étreinte incestueuse de la tristesse et de la
mémoire.
J'ai longtemps
cru qu'elles me parleraient de ce sel qui lacère et craquelle la nudité de la
page blanche.
J'ai longtemps
cru aux fariboles des coups de pinceau vagabonds.
J'ai longtemps
cru aux chimères de la peinture ivre dégoulinant en arabesques hors cadre de
l'imaginaire.
J'ai longtemps
cru aux mensonges de la lumière virevoltant dans les esquisses bariolées en
prélude de l'œuvre inachevée.
Mais, j'ai
aussi longtemps cru qu'on pleurait pour que les plaies ne se referment pas et
que le cœur reste à vif sous les coups de semonce du soleil.
Oui, j'ai
longtemps cru à tout cela.
Puis, un jour,
alors que je croyais que nous étions au seuil d'une balade sans fin, j'ai senti
ta main glisser hors de la mienne et tu as fait un pas sur le côté.
Tu as alors
marché à tâtons hors du chemin balisé de nos souvenirs communs, de toutes nos
premières fois; balisé par tout ce temps inutile.
Tu as marché à
tâtons sans regret, presque désinvolte, me laissant seul et libre sur les quais
de l'amour et du désir.
Et, ce que je
sais des larmes, depuis ce jour, c'est ton ombre, à rebours de la solitude, qui
me le murmure à chaque instant.
Gillian GENEVIÈVE.
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