Il semble que, pour Dana SHISMANIAN,
l’audition de la musique soit une expérience bien plus qu’intense :
grandiose, orgasmique, extatique, initiatique, chamanique ; cosmique même.
Au fil de ce recueil de
73 poèmes au nombre de vers (libres) très variable, illustré, cela vaut d’être
signalé, en couverture, par un très bel Œil qui voit tout et qui sait tout
de l’artiste mauricienne Jeanne GERVAL-ARROUF, l’auteure nous dévoile le rôle
tout à fait particulier qu’elle joue dans sa vie de quête.
Non seulement ce « tsunami »,
cette puissance quasi élémentaire que représente, à ses yeux, le mariage des
sons et des rythmes possède le pouvoir de « chambouler », de « faire
chavirer » l’être, mais encore il a à son actif celui de le
dématérialiser.
Un peu comme (toutes
proportions gardées) Arjuna lorsqu’il
est littéralement broyé, « soufflé » par la Vision de Krishna dans sa
Forme Universelle (Bhagavad Gita – Dialogue 11), D. SHISMANIAN se laisse, au
travers de son contact fusionnel avec les notes-couleurs (synesthésie ?)
terrasser par quelque chose qui la dépasse, la dissout…et la libère.
Grâce à la musique, elle
se trouve en se laissant annihiler. Grâce à la musique, elle s’exalte, roule
dans un torrent visionnaire, dans un télescopage décapant d’images aussi
chaotiques que violentes et endiablées, qui la malaxent et qu’elle malaxe –
jusqu’à ce que toute frontière se perde : aiguilles sonores / hurlement de couleurs […] / mon cerveau ouvert
comme une orange ; ondes
sismiques ; Ecoute pousser des
pouces sur ta tête ; allons
enfants de la fratrie fermons nos portillons ; papillon papillon […] c’est ton souffle léger qui m’a poussée sur le
chemin sec des sons d’eau / c’est ton aile qui m’entoure du vide protecteur et
frais.
A l’instar du phénix, il
faut renaître de ses cendres ; et ces cendres résultent de l’ « incendie
musical ».
Il est d’ailleurs
frappant (en tous les cas en ce qui me concerne) de constater combien les
textes de la fin du livre (à partir de la page 40 environ) apparaissent moins
exaspérés, moins luxuriants et bouillonnants, moins spasmodiques, plus
maîtrisés, plus apaisés et sobres, plus philosophiques que ceux du début. On y
débusque, par exemple, des « aphorismes » de nature souvent
paradoxale ou plus profonde qu’elle n’en a l’air que, pour ma part, je goûte
fort : c’est le rêve comme souvenir
/ de ce qui ne s’est jamais passé ; rien jamais ne peut arrêter / un commencement ; ce qui commence commence toujours / ce qui s’achève
ne s’achève jamais ; dieu de mes
doutes de mes redoutes (in Prière,
p. 61) ; vies morts résurrections /
de tous les jours de toutes les heures ; oubliez-moi / j’ai besoin du néant réparateur / l’être non merci / plus
maintenant.
De cet ouvrage, je dirai
volontiers : « c’est un livre de métamorphose(s) ».
P. Laranco.
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