En se
servant de la grille de lecture psychanalytique classique, Annik HOUEL, dans ce
livre, décortique ce qu’elle appelle, assez justement, la misogynie d’appoint, à savoir la misogynie qui ternit si souvent –
quand elle ne les empoisonne pas – les relations entre les femmes dans le cadre
de l’entreprise et de l’espace public
français.
En cela,
elle s’attaque à un sujet encore assez tabou, du fait des grands credos qui
furent ceux du mouvement féministe dans la seconde moitié du XXe siècle.
Que l’on
soit « freudo-sceptique » ou non, il faut bien se livrer à ce triste
constat : c’est bien l’ensemble de notre société qui est misogyne, et pas
seulement ses mâles. Les femmes – instinctivement – ont toujours une sainte
horreur que l’une d’entre elles « se détache du rang », notamment si
c’est pour exercer une quelconque forme d’autorité sur elles. D’où le phénomène
si souvent signalé des « Dames de fer ». Autorité, pouvoir, aplomb,
poigne, ambition, énergie, sérieux, valeur sont toujours, dans l’inconscient
collectif, largement associés au masculin.
Les hommes
sont pénétrés, on le sait, de leur fameux « chauvinisme mâle », et
les femmes, mesquines, personnelles, frileusement « timides »
restent, au fond – malgré les grands principes et les grands mots qui les
accompagnent dans un pays où l’on aime à se gargariser de solennités et de
paroles – très attachées, voire agrippées aux rôles et stéréotypes
traditionnels liés au genre, lesquels les coupent les unes des autres. Qu’elles
travaillent ou non, à l’intérieur de leur tête même, l’essentiel de leur
investissement social demeure de nature familiale, amoureuse, maternelle.
« Maternelle »,
nous l’avons lâché : le problème central est la mère, la Grande Mère des
origines qui écrase complètement et obligatoirement le jeune enfant du fait de la
situation de dépendance très étendue qui est la sienne et, en conséquence,
ancre en lui, pour la vie et chez les
deux sexes, des sentiments hautement ambivalents, hautement passionnels, quelquefois volcaniques.
Annik
Houel dénonce le maternalisme et le familiarisme qui imprègnent fortement cette
société latine et, ma foi, conservatrice qu’est la société hexagonale. Elle
prône la constitution, entre femmes, de réseaux
qui feraient pendant aux fameux réseaux masculins, vecteurs de solidarité
virile et, de la sorte, commenceraient à rééquilibrer un peu les choses.
Le moins
qu’on puisse dire est qu’en France, il y a encore beaucoup de pain sur la
planche. Le « camp des femmes », c’est, encore, celui de la sphère
familiale, privée, vécue, en quelque sorte, comme une forme de « cocon
protecteur » - le « camp des mères ». Toute femme qui, de
quelque façon que ce soit, prend ses distances avec ce camp trahit le camp des femmes et occupe la
place d’un homme, par conséquent une place qui n’est pas légitimement sienne.
Curieuse tournure d’esprit si l’on y pense – mais c’est elle qui nous habite.
Et « Dames de fer » ou, à des échelons plus modestes et autrement
plus communs, « reines des abeilles » et autres « chipies »
s’en donnent à cœur-joie.
Inconscient
freudien ou, tout simplement, poids des conditionnements, empreintes précoces
et millénaires habitudes, le fait est là :
l’ « entre-femmes » demeure une sorte d’enfer sur terre où l’on
tourne en rond et où pas grand-chose ne nous stimule, ni au plan de l’action,
ni au plan de la créativité culturelle. Cependant que le plafond de verre masculin, même s’il recule avec une lenteur
géologique, demeure bien en place.
A la
limite, après avoir lu cet ouvrage, on serait presque tenté de penser et
d’avancer, en mode mi sérieux, mi boutade : « les hommes n’ont pas
besoin d’être misogynes ; les femmes le sont pour eux ». Ce qui, on
n’en doutera pas, leur facilite grandement les choses.
Malgré
quelques réserves, je ne peux que recommander vivement la lecture de ce livre.
P. Laranco.
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