Ce qu’on appelle
une « révélation intuitive » ne serait-il pas, en réalité, un
raisonnement logique, mais particulièrement fulgurant, si inhabituellement
rapide et affûté que notre conscience immédiate ne saurait être en mesure de le
percevoir comme tel ? Un raisonnement complet, fabuleusement mené à son
terme qui vous tomberait tel quel dans la bouche, comme une caille rôtie toute
seule ?
A ce compte-là,
l’inspiration ne pourrait-elle pas apparaître comme le travail occulte de
groupes de neurones plus performants que les autres, d’un cerveau sous-jacent
qui travaillerait plus vite et surmonterait mieux les tâtonnements et les
hésitations coutumières – en somme ?
Le cerveau
possèderait-il plusieurs niveaux de fonctionnement, plusieurs vitesses, un peu
à l’instar des automobiles ?
L’amour de soi
est une chose saine – c’est le socle de notre équilibre. Il ne doit toutefois
pas tourner à l’excès, se transformer en égocentrisme et en narcissisme –
lesquels en constituent les deux boursouflures, les deux « cancers »
et qui, malheureusement, la nature humaine étant ce qu’elle est, ont tendance à
s’installer avec une rapidité confondante. S’aimer soi-même, ça n’implique pas
forcément et automatiquement la vanité, le sentiment de supériorité, le mépris
de l’autre et le désir de s’imposer à lui, de triompher de lui, de le dominer,
de l’exclure. Dans ce domaine comme en tant d’autres en matière d’attitudes
humaines, la propension à l’exagération, au « surdosage », à
l’hypertrophie est le bât qui blesse. L’esprit humain semble se laisser
toujours peu ou prou emporter dans son élan. Il parait sans cesse devoir, en
quelque sorte, se surveiller lui-même, de crainte que les choses n’aillent trop
loin.
L’Homme n’aime
pas avoir à douter. A la fécondité du doute, de la remise en cause permanente,
il préfère, le plus souvent, le granit des certitudes pensées pour lui et s’y
amarre de toutes ses forces. Il aime les idées arrêtées. Leur profil minéral
solide et net – qui confère un sens à sa vie. Ce que son cerveau réclame à
corps et à cri, c’est du sens, du simple. Pour chasser de son existence tout
doute, tout danger de déstabilisation.
L’idée d’avoir à
penser par soi-même, comme celle d’avoir à assumer la liberté, cela peut faire
très peur.
Cela peut
provoquer, chez nombre de gens, une sensation de vertige, de griserie voisine
de la sensation de vide.
« Le mieux
est l’ennemi du bien » - et cela, pour une bonne raison : le mieux
tend à s’approcher, de plus en plus, de la perfection, de la complétude. Or –
comme le logicien autrichien Kurt GÖDEL l’a bien démontré – c’est
l’incomplétude que le monde aime. Jusqu’en son soutènement mathématique. Les
équations elles-mêmes butent sur les
fameuses « propositions indécidables ».
Chercher la
perfection est bien. Ça a le mérite de nous occuper. Mais cela a, surtout, le
mérite de donner un but (donc, un sens) à notre existence, en mettant à sa
disposition un espace de quête illimité par nature, par essence (lequel saura
bien nous occuper jusqu’à notre mort).
Car, en
cherchant la perfection, le « mieux », nous courons après un mirage.
Nous nous plaçons exactement dans la posture de ces chiens au-dessus desquels
un gamin taquin (ou cruel) s’amuserait à faire pendre, entre son pouce et son
index, un morceau de sucre, sans jamais le laisser tomber dans leur gueule.
Ceux qui cherchent la perfection sont condamnés à l’état de manque.
Notre cerveau
nous impose la tyrannie du sens.
Le renversement
de perspective est la clé de la connaissance.
Toute
affirmation – même la plus pragmatique – est susceptible d’être contestée,
parce qu’elle résulte d’une approche, d’une certaine façon d’envisager les
choses. Or, la multiplicité des angles d’approche, des façons d’envisager les
choses n’a, virtuellement, pas de limites.
L’affirmation
péremptoire, la rigidité des certitudes sont des réponses de l’Homme au fait
que la quête du « vrai », de l’essence du réel, ne s’épuise jamais,
et nous épuise.
Depuis 3,5
milliards d’années, des êtres vivants existent sans savoir qu’ils existent (ou,
peut-être, sans le savoir de la même manière que nous).
Qu’apporte la
conscience ? A-t-elle une « signification » ? Une
conscience idéale, complète (si tant est qu’un phénomène, ou une chose, puisse
être « complet »), que serait-ce ?
Exister, puis se
regarder exister, savoir qu’on existe…à quels besoins cela répond-il ?
La conscience
peut-elle être vue comme une sorte de « couronnement », d’apothéose
de l’existence ?
L’Homme avait-il
d’autre choix que celui de devenir « intelligent », conscient de sa
propre existence ?
Mais, comme tout
miroir, la conscience ne possède-t-elle pas ses pièges ?
Les affects
entraînent les gens beaucoup trop loin. Ils ont une tendance à les dépasser qui
peut devenir franchement catastrophique. Aussi suis-je convaincue qu’il nous
faut apprendre à les contrôler, à les « parquer » dans des limites
raisonnables. Tout ceci pour ne pas risquer de faire mal aux autres et de se
faire mal à soi-même.
Avec l’Homme, il
ne faut, en règle générale, jamais être sûr de rien. Sa complexité lui confère,
même au plan individuel, un fouillis de visages. Son intelligence et son
ingéniosité hors pair le dotent, spontanément, d’un grand sens de la
manipulation et de la tromperie. Il invente, il ment (le mensonge est une forme
d’invention, après tout), il dénie, il enjolive et, d’abord, il se ment à
lui-même, dès lors que ça l’arrange.
Quand on se ment
à soi, peut-on dire aux autres la vérité ?
Et si la
véritable « cause des femmes » était la misogynie ?...On
constate, en effet, que le féminisme n’a gommé que d’une façon assez modérée et
somme toute superficielle leur fâcheuse tendance à se jalouser, à se détester
et à se « pourrir la vie » entre elles.
Les hommes
savent-ils avoir avec les femmes autre chose que des rapports…sexuels ?
L’omniprésence
de leur attirance et de leur désir érotiques ne constitue-t-elle pas un sérieux
obstacle à la saine communication entre les sexes ?
Tout début et
toute existence impliquent qu’ils seront suivis d’une fin. Mais on a tellement
de mal, tellement de réticence à l’admettre…
Notre âme
s’enivre volontiers des commencements pétillants ; elle s’attache ensuite,
non moins volontiers, à la durée des choses, qui installe une sorte de routine
rassurante, de confortable « ronronnement » et, de fil en aiguille,
induit presque le sentiment (ce sentiment que nous désirons tant, et pour
cause) d’éternité. Mais cette impression de permanence n’est, dans les faits,
que de pure surface. Elle nous trompe et ne nous prépare que très mal et très
imparfaitement à la « brutalité » (à nos yeux) de ce qui va prendre
la relève.
Les premières
grandes civilisations qu’a compté le monde ont été orientales, ou
afro-orientales : la Mésopotamie et l’Egypte ancienne, l’Inde, la Chine,
l’ensemble Syrie/Liban/Palestine et l’Anatolie, la Crète, Mycènes et l’Egée.
La Grèce
classique elle-même fut très fortement tournée vers l’orient (Asie mineure,
Egypte, Empire perse qu’elle combattait) et, c’est attesté, considéraient les
contrées européennes comme des contrées « barbares ». La civilisation
de Rome elle-même était toute entière centrée sur le bassin méditerranéen
(qu’elle appelait « mare nostrum ») et avait pris la Grèce classique
et, secondairement, l’Egypte (qui la fascinait aussi) pour modèles culturels
directs. Elle ne s’intéressait à l’Europe celtique, ou plus tard germanique,
jugées également « barbares », que pour les coloniser (en raison de
leurs richesses agricoles et du potentiel commercial qu’elles représentaient)
ou pour contenir leur turbulence, potentiellement menaçante pour elle. Elle
avait, ne l’oublions pas non plus, été fortement marquée, au départ, par
l’empreinte civilisatrice puissante du mystérieux peuple étrusque, qui
affichait nombre de traits culturels nettement orientaux et dont on sait
maintenant, en particulier grâce à des données d’ordre génétique, qu’il était
originaire d’Anatolie.
Contrairement à
ce qu’elle chante à tous les échos, l’Europe chrétienne est loin d’être
l’unique héritière de l’immense richesse culturelle qui fut, durant de longs
millénaires, l’apanage du Proche orient et de la Méditerranée, et qui, nul ne
peut le nier, alluma les tout premiers feux de la civilisation mondiale. Le
monde musulman le fut aussi, à compter de la conquête qui conduisit les Arabes
de leur berceau originel (la péninsule de l’Arabie) jusqu’à la Perse et même à
l’Inde (à l’est) et, côté ouest, jusqu’à la quasi-totalité du territoire de la
péninsule ibérique.
A l’époque de la
Renaissance, l’Italie et l’Empire ottoman étaient encore des civilisations
dynamiques extrêmement brillantes.
Cependant les
historiens occidentaux actuels évitent en général soigneusement de mettre
l’accent sur cet aspect-là des choses. Ils aiment à s’approprier des richesses,
des brillances antiques, fondatrices qui ne sont pas réellement les leurs (ou à
tout le moins, ne le sont parfois que très partiellement, très indirectement).
Irritant à bien des égards, ce parti-pris d’eurocentrisme n’est, chez eux pas
autre chose qu’un symptôme (au demeurant même pas conscient) lié à leur
« chauvinisme » ainsi qu’à l’écrasante domination (financière, culturelle,
technologique) qu’à présent, la civilisation originaire de l’Europe du
nord-ouest exerce sur l’ensemble du monde.
L’objectivité,
pourtant, exigerait qu’on nous rebatte un peu moins l’oreille sur « les
fondements égyptiens et grecs de la civilisation occidentale ».
Il n’y a jamais
eu, en réalité, de « plan préétabli », logique, naturel, qui eut
voulu et fait en sorte que LA civilisation migre de l’Orient vers l’Occident,
du sud en direction du nord. La civilisation, où qu’elle se trouve, ne fait que
s’étendre de proche en proche, au gré des routes commerciales, des possibilités
de contacts et au hasard des proximités géographiques, au gré, aussi, des
séductions et des désirs d’imitation qu’elle ne manque pas de susciter (le fait
qu’elle améliore notablement les conditions de vie des êtres la rendant très
attractive).
Le moins doué
pour apprécier le travail d’un artiste est peut-être….un autre artiste.
Les artistes ne
veulent pas d’égaux, ce qu’ils veulent, c’est des admirateurs.
Un peu comme les
cabotins, ils rêvent avant tout (bien qu’il ne faille pas, non plus, en ce
domaine, trop généraliser) de se dénicher un PUBLIC. Critiquez-les (ne
serait-ce qu’infimement) et vous aurez de grandes chances de les blesser, d’en
faire vos pires ennemis.
En revanche, si
vous êtes « des leurs » sans pour autant (très fâcheusement pour
vous) compter parmi leurs proches amis, ils ne manqueront pas la plus petite
occasion de vous ignorer, ou, si ce n’est pas ça, de vous « casser »,
de vous faire, souvent subtilement, douter du poids, de la qualité de ce que
vous faites. Le moins qu’on puisse dire est qu’ils n’ont pas l’encouragement,
ni la solidarité des plus faciles. En un mot comme un cent, les artistes et
autres écrivains sont assez fréquemment des personnes qu’on peut qualifier
d’ « infréquentables ». Leur vanité voisine souvent avec la
mégalomanie. Leur fragilité de caniches est avide de soutien béat, de
réassurance quasi maternante. Malgré le côté « panier de crabes »,
« marais à crocodiles » de leurs microcosmes, on ne leur trouve pas
moins d’inévitables, de sempiternelles excuses, propres à rendre le monde
indulgent : « bah, ils sont créatifs, par conséquent un peu
foldingues. C’est le « psychotisme » ! ».
Dans les pays
occidentaux, la richesse et l'embourgeoisement sont tels que la pauvreté est
devenue, dans la perception publique, "obscène", invivable, associée
(tant par les nantis que par les exclus eux-mêmes) à l'échec, à une sorte de
maladie honteuse et donc, de plus en plus souvent, génératrice de repli sur
soi, voire même de suicide.
Voilà ce qu'on comprend très bien à la lecture de l'ouvrage sociologique Suicide - l'envers de notre monde, écrit par Christian Baudelot et Roger Establet et publié au Seuil en 2006.
Voilà ce qu'on comprend très bien à la lecture de l'ouvrage sociologique Suicide - l'envers de notre monde, écrit par Christian Baudelot et Roger Establet et publié au Seuil en 2006.
Hommes et femmes
ont bien un sexe.
Seule, la misogynie n'en a point.
Seule, la misogynie n'en a point.
Le non-savoir
est l'essence de notre condition.
Si les
communautés, les familles et clans, les factions, les villages et quartiers,
les régions, les nations, les îles et les religions, voire même les âges et les
sexes sont "chauvins", c'est, je pense, d'abord parce que le Moi des
créatures qui les constituent est démesurément chauvin. Le Moi est le premier
chauvin, le tout premier à "accuser". Il se constitue à la fois par
l'imitation et par le rejet de l'autre et il y a, dans cela, de nombreux germes
de violence potentielle.
Qu'on le veuille
ou non, le globe terrestre est maintenant devenu un tout; les différences
culturelles, les particularismes tendent à s'entre-brasser, à s'estomper. La
perception que l'humanité a d'elle-même est en train d'évoluer, du fait de
plusieurs révolutions technologiques (facile mobilité due à des transports tels
que la voiture, ou l'avion; télévision présente dans un nombre croissant de
foyers; émergence de plus en plus prégnante de la communication par Internet,
et donc,
du lien virtuel). Qui ne connait, de nos jours, l'expression "village
planétaire" ?
Tout cela - ajouté à la mondialisation libérale de l'économie et à la standardisation des modes de vie à l'échelle planétaire - menace l'idée même de nation, d'identité nationale. On ne peut plus vivre enfermé dans les frontières d'un pays, comme dans un enclos ou un cocon. Rien qu'à cause de cela, la notion même de "nation" n'est-elle pas d'ores et déjà dépassée ?
Mais cela heurte également un besoin fondamental de l'Homme : celui de "faire partie d'un camp" bien identifiable, bien net, autrement appelé "sentiment d'appartenance". Aussi assiste-t-on partout à maints soubresauts réactionnels, qu'ils soient de type nationalistes, de type régionaliste ou de type religieux. Il est encore trop tôt pour que la masse, la majorité du genre humain suive... Énormément de gens se sentent "largués", amputés de leurs références collectives, et, par conséquent, fins prêts à se raccrocher à n'importe quoi. Si nous sommes tous "sur le même bateau", où trouver désormais l'"ennemi" auquel s'opposer, autour duquel souder le groupe ? Extra-terrestres, venez vite, nous vous attendons avec impatience !
Tout cela - ajouté à la mondialisation libérale de l'économie et à la standardisation des modes de vie à l'échelle planétaire - menace l'idée même de nation, d'identité nationale. On ne peut plus vivre enfermé dans les frontières d'un pays, comme dans un enclos ou un cocon. Rien qu'à cause de cela, la notion même de "nation" n'est-elle pas d'ores et déjà dépassée ?
Mais cela heurte également un besoin fondamental de l'Homme : celui de "faire partie d'un camp" bien identifiable, bien net, autrement appelé "sentiment d'appartenance". Aussi assiste-t-on partout à maints soubresauts réactionnels, qu'ils soient de type nationalistes, de type régionaliste ou de type religieux. Il est encore trop tôt pour que la masse, la majorité du genre humain suive... Énormément de gens se sentent "largués", amputés de leurs références collectives, et, par conséquent, fins prêts à se raccrocher à n'importe quoi. Si nous sommes tous "sur le même bateau", où trouver désormais l'"ennemi" auquel s'opposer, autour duquel souder le groupe ? Extra-terrestres, venez vite, nous vous attendons avec impatience !
P. Laranco.
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