Vers les icebergs, de J.M.G Le Clézio, Editions Fata Morgana.
Lors d’un entretien télévisé avec J.M.G. Le Clézio, je lui ai demandé pourquoi il n’a jamais écrit de poèmes. Il me répondit par une boutade: Comment peut-on en écrire après la lecture de Rimbaud ? Il faudrait peut-être ajouter : après la lecture d’Henri Michaux, aussi. En effet, dans Vers les icebergs, on découvre la fascination qu’exerce sur lui l’œuvre d’Henri Michaux, en particulier Iniji et Icebergs, deux poèmes
« extrêmes » de la langue française.
Il faudrait rappeler que Henri Michaux (1899-1984), écrivain et peintre, est l’auteur de nombreux livres, dont Cas de folie circulaire, Les Rêves et la Jambe, Qui je fus, Un barbare en Asie , La nuit remue, Plume et Poteaux d'angle. Parmi ses œuvres d’art : Les Trois Graces, Le Prince de la nuit et Mouvement .
Ce qui étonne, dans la poésie d’Henri Michaux, écrit J.M.G. Le Clézio, c’est la force, jointe au silence. Il pense qu’il n’y a sans doute aucun autre poète du monde occidental - car l’on trouve naturellement plus d’affinité avec l’Orient, et la science de l’économie des Haïkaï-Hokku - qui sache dire tant de choses en si peu de mots.
Le pouvoir de cette parole, précise J.M.G Le Clézio, est d’action, parce qu’elle n’est pas illustration, ni prétexte, mais création immédiate à la manière d’un geste, à la manière d’une danse. On est pris, dit-il, par l’urgence de ce qui est montré : choses cachées, choses sacrées parfois, que l’on n’avait pas su voir et qui étaient restées à l’arrière-plan de la conscience. Choses que l’on gardait, sans le savoir, comme derrière l’occiput, et dont on ressentait confusément la douleur. Choses neuves, inouïes, trop rapides pour nos yeux, trop lointaines pour nos sens. Choses au bord de l’infini, à la limite du son, de la couleur, du goût, de la chaleur :
La foudre n’est pas faite pour les têtes d’enfant / mais elle est là / jouant, pour elle, pour rien, pour faire tonnerre / Les montagnes de Niniji sont condamnées / Creux, décroissances, puits / à l’unisson le monde, les maux / la porte des voyages s’est refermée / Iniji est dans le tombeau. (… ) Autrefois, autrefois / le fleuve de joie n’avait pas son lit desséché / Iniji n’habitait pas alors derrière les portes de plomb / Ce n’était pas arrivé/ Vie, extrémité d’une branche / Ah le terrible, le tremblant qui dissipe tout l’univers si aisément / Ces grimaçants autour de moi / sans jamais disparaître / que veulent-ils ? (Iniji).
Issa ASGARALLY.
Source : Issa ASGARALLY.
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