Rien de plus banal que les nuages qui nous cachent la cruauté du ciel et la force du soleil.
Rien
de plus banal que le chemin crevassé qui dans le froid césure le passage de nos
pas chaque matin.
Rien
de plus banal que le flux et reflux des voitures emmenant des passagers hagards
au cœur de leur quotidien.
Rien
de plus banal qu'un petit garçon qui s'émerveille devant des escargots endormis
et la beauté des fleurs sauvages.
Rien
de plus banal que ses courses à contre-champ des lignes de fuite de l'horizon,
et l'inquiétude de sa mère, et le sourire de son père.
Rien
de plus banal qu'un au revoir qui se glisse dans les arcanes du temps pour se
confondre avec la plume du poète.
Rien
de plus banal que la lumière et ses offrandes.
Rien
de plus banal que le poème et ces mots arrachés à la vérité de l'instant.
Mais
il faut la banalité d'un cœur qui tressaille pour que le jour soit; il faut la
banalité d'un regard autre pour écrire les prémisses du possible.
Alors,
ne ferme pas les yeux, passant; ne ferme pas les yeux: j'ai besoin de m'y
perdre pour que ne cesse la possibilité du songe, pour que dans ses méandres je
retrouve l'ivraie de l'écrit, pour que dans mes strophes je puisse élaguer le
mal et la beauté, pour que dans le poème, un court instant, je retrouve le
désir et le souffle.
Rien
de plus banal que le poète qui ne retrouve plus ses rimes; rien de plus banal
que le triomphe de l'insensé.
Alors,
ne ferme pas les yeux, passant; j'ai encore quelques vers à écrire.
Gillian GENEVIÈVE.
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