Mon cœur est un bazar sans index
Sur leur lit de fatigue ils guettent le chant du coq.
Insondable la profondeur des âmes. Mais mon cœur n'est ni de bois ni de pierre.
Sur chaque bourg s’estompent de lentes fumées et les chiens vont jappant dans
les rues désertes. Encore un jour qui se lève. Je pense à ceux que j'aime et à
tous ceux qui ont perdu l’essence même d'exister. Si dur est le sort des gens
dont les noms ne sont plus que de simples numéros de détresse sur des registres anonymes. On a fait lever le mendiant de son banc,
Square des Abbesses. On a battu l'enfant abandonné dans un bidonville de
Kolkata. L'orage tombera sur un monde indifférent au monde. Oh ! Cruelles
douleurs où tout et tous se dérobent. On déplore le voleur de grand chemin. Le
pickpocket du métro Barbès-Rochechouart. Le corsaire des mers abordant le
passant sur les anciennes routes des voies de la soie. On ignore les naufragés
d’un siècle à l’agonie. On baisse les yeux sur les lèvres de toutes les prostituées.
Mais qui sont les monstres ? Mon cœur n'est plus qu’une immense blessure
rebelle. Le verdict détourné d’un absurde tribunal de pacotille. Dans mon
lupanar des illusions perdues, ne trouveront jamais place: Vos salles
boursières, vos comptoirs de banques masqués, vos guichets incongrus, vos
ventes aux enchères de la misère.
Mon cœur est un bazar sans index
Richard TAILLEFER.
In PoéVie Blues, éditions Prem’Edit, 2015.
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