vendredi 27 mai 2022

Plus nostalgique que jamais, le poète français Richard TAILLEFER...

 

 

 

RUE DE LAPPE.

 

 

 

Rue de Lappe, toujours le même bistrot, à l'heure des rendez-vous noctambules. Elle t’attend, adossée au bar, son blouson de cuir perfecto assorti à ses rangers Panama. Depuis le vieux juke-box, la voix ténébreuse de Bashung envoie le tempo.

«Si loin de moi, nos envies nos amours nos héros…»

C’est ringard d’avoir l’air sentimental. Peu m’importe le regard des gros loubards, descendus de leur cheval Harley-Davidson, avec ces étranges gueules de tatoo, accoudés au comptoir, le casque sous le bras. Me suffit qu’elle soit là, que nos yeux se croisent dans le tourbillon des volutes de tabac froid.

Si tu franchis ce lieu ne te retourne pas

Garde en toi cet infime silence.

Elle me murmure des poèmes de Franck Venaille, comme si elle déballait son sac d’un trop-plein de djinns. Sans elle, mes rires sont vides de toute lucidité. Me voilà petit oiseau rebelle, égaré dans la banlieue du vivre, tombé entre les mailles irrésistibles de ses filets de soie.

J’imagine l’autre, les autres, seuls,

À la recherche d’un impossible corps à corps.

Peut-être

Qu’un dernier geste de la main

Suffirait encore pour apaiser ta peur.

Les billes du flipper cognent dans ma tête comme un marteau piqueur à vous fendre le cœur. Elle posera sa brune chevelure sur mon épaule. J’oublierai un instant le bitume toxique de l’âme, l’érosion dévastatrice de mon corps, mes atermoiements de narcotises.

On construit ses rêves

Dans le regard de l’autre.

Demain, tu t’accommoderas de cette lancinante sensation de solitude. Tu t’incarneras encore une fois dans tes nocturnes déambulations, à l’écart des vivants. Tu oublieras jusqu’à son nom. Le souffle chaud de ses lèvres déposé sur ta bouche.

« Pour vivre il faut savoir aimer ».

 

 

 

 


Richard TAILLEFER.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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