Le texte n’est pas aussi ambitieux que ce que nous souhaitions mais il marque une sérieuse avancée. Il impose aux entreprises de réaliser une traçabilité, c’est-à-dire de connaître l’origine de leurs produits. Elles doivent ensuite vérifier que leurs approvisionnements ne viennent pas de zones déforestées, dégradées, et qu’ils ne sont pas associés à des violations de droits humains. Et elles doivent aussi transmettre ces informations, chose que beaucoup refusent de faire pour l’instant. Sans ça, elles peuvent dire adieu au marché européen ! Cette loi pourrait vraiment changer la donne car cette déforestation, même si elle a lieu dans des pays lointains comme le Brésil ou l’Indonésie, on la retrouve dans nos assiettes, à travers nos importations de soja, d’huile de palme, de cacao, ou de bœuf. En tout, 10% de la déforestation mondiale est liée à la consommation européenne. Et comme ce sont les mêmes entreprises qui approvisionnent le marché européen et chinois, leur imposer des exigences de durabilité pourrait avoir un effet de levier considérable !
Les lobbies se déchainent
Forcément, qui dit texte ambitieux, dit tentatives de s’y opposer. Et si les représentants de certaines industries ont fait du lobby pendant les négociations de ce texte, ce n’est rien comparé à ce qui se passe en ce moment. La loi doit normalement s’appliquer dès le 30 décembre 2024 et avec l’arrivée de la date fatidique, certains ont commencé à s’inquiéter. Des entreprises du cacao, du papier, de l’huile de palme, du bois, du soja, etc. ont commencé à marteler qu’ils n’étaient pas prêts (bizarre, ça fait des années qu’ils nous disent qu’ils vont mettre fin à la déforestation dans leurs chaînes d’approvisionnements…). Les pays producteurs de ces matières premières s’y sont aussi mis. L’Indonésie, la Malaisie, le Brésil notamment ont demandé à ce que certains éléments du texte soient supprimés, en particulier une classification des pays en fonction du risque de déforestation, qui détermine la quantité de contrôles qui seront réalisés (forcément, ça n’arrangeait pas ces pays-là !). Et puis certains pays européens comme l’Autriche, l’Allemagne, l’Italie, la Finlande ou le Portugal ont eux aussi commencé à manifester leur opposition à cette loi – oui, oui, les mêmes que ceux qui l’ont votée il y a deux ans… Et ça a marché : Ursula Von der Leyen, la présidente de la Commission européenne a cédé. Elle a annoncé au début du mois vouloir repousser d’un an la date d’application de la loi. Le Conseil de l’Union européenne lui a emboité le pas le 16 octobre dernier et a validé la proposition de report. Vous pouvez lire notre analyse ici. Trop compliquée ? Vraiment ? On a entendu tout et n’importe quoi comme arguments avancés contre la loi : elle serait une contrainte pour les agriculteurs européens, elle entrainerait une exclusion des petits producteurs des filières concernées, elle entrainerait une augmentation des prix des produits, ce serait trop compliqué de la respecter… Alors on a voulu comprendre si ces craintes étaient fondées. Vous pouvez trouver tout le détail dans ce rapport que nous venons de publier. Je vous spoile un peu, mais la réponse est non ! Et on s’est surtout rendu compte, que pendant que certaines entreprises mettent toute leur énergie à essayer de saboter la loi, d’autres se préparent. Nous avons étudié les 22 plus grandes entreprises qui vont être concernées par la loi dans les filières de l’huile de palme, du cacao et du soja. Et le constat est parlant : une bonne partie des entreprises est prête ! Pour qu’on entende aussi leur voix, et pas simplement celles des mauvais élèves, nous avons organisé un grand séminaire à l’Université de la Sorbonne. Vous pouvez le revoir ici. |
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