JE VEUX PAR-DELA LE CIEL.
1
Il serait surprenant que l’univers se soit matérialisé par hasard. Mais peu importe ! Ou alors, c’est la seule question que l’on devrait peut-être se poser. Chaque matin je vois naître la marée, et chaque soir se retirer.
La tourmente les emporte
Dans cet énorme tourbillon d’un cœur qui bat.
Dieu ou pas, je ne sais pas
Je n’y pense pas encore
Je suis dans les entre-deux d’une vague
Qui tôt ou tard m’engloutira sans état d’âme
2
Il est évident que le cosmos porte la marque d’un destin intelligent. Il n’y a pas de hasard dans ce gigantesque désordre des choses. Partout dans le monde, c’est au nom de ce questionnement, que les êtres humains s’entre-tuent et persistent d’imposer une imposture vision révélée. Qui ne voudrait pas connaître les secrets du passé, mais les statues restent muettes face au soleil qui cogne et nous aveugle.
Ne m’en veuillez pas
Le monde est un vieux théâtre
Où se jouent d’incestueuses parodies fratricides.
On me reconnut
Pour celui que je n’étais pas
Je n’ai pas démenti
3
Panthères et tigres rugissent tout le long du chemin. Vérité, mensonge et certitude, la réalité n’a pas besoin de nous pour exister. Aucune force suprême ne demande autant de sacrifices, de soumissions. La beauté de la terre est remarquable. Seuls les milliards de galaxies, de soleils, d’étoiles que l’on peut observer à des années-lumière, devraient atteindre le cœur de nos âmes et nous réjouir. Chaque matin, ce petit geste insouciant sur ton épaule nue, t’accompagne sur la rive du grand fleuve et te rassure.
Ce grand trou noir inaudible,
Qui contient tout l’univers et ton sourire du matin.
Peut-être vaut-il mieux
Vivre sans rien savoir
Mourir sans comprendre
4
L’origine de l’humanité, c’est l’origine d’une entité globale et unique. Hors du temps, hors de tout espace, dans le silence de ce point infime de lumière où tout a commencé et où tout finira.
On est malade d’un Dieu sans forme et inaccessible que nous vénérons comme de petits soldats de plomb, figés dans des cerveaux bien trop étroits pour une si grande cause.
Il semble que le créateur
Joue parfois comme un galopin.
Je veux par-delà le ciel
Quelle que soit la brise
Tourbillonner à mon gré
5
« Si un Dieu existe », nous ne le rencontrerons jamais, il a bien d’autres affaires à s’occuper que de nos égoïstes petites personnes. Il y a quelque chose d’un peu ridicule de prétendre que cette créature improbable ait pu se faire homme. Ce qui fut chair retournera inexorablement à la poussière. Pourquoi, ne se serait-il pas incarné en indigène de Sirius, d’ Andromède ou plus humblement en nuage intergalactique.
Les barbes grises
Se moquent bien de ma vieille canne de bois.
Près de la porte
Dans la neige et le vent
J’entends les aboiements du chien
6
La croyance, le sacré, la prière sont de l’ordre de l’intime, à chacun d’y trouver une réponse. L’originalité de la vie n’est pas un gage d’immortalité. Tranquille turbulence que cette sensation d’être ou pas.
Face au miroir
La gorge diffuse
Ce reste de douleur.
Ce soir la lune,
Depuis ma fenêtre
Commence à être réelle.
7
Je veille, comme un vieux loup solitaire au pied de ce miroir sans fond qui me nargue sans vergogne. Dire simplement ces choses si complexes qui nous séparent peu à peu les uns des autres. Ne serions-nous que de funestes girouettes, voués et dévoués aux palabres d’un violon désarticulé ?
Ouvre tes yeux
Fais la nique à tous ces marchands du temple.
Parfois
Une étoile filante
Traverse la Voie Lactée
Rendez-vous aussi beau qu’un rêve fugitif
8
Qu’une voie lactée m’ouvre le chemin. Ce rêve de la nuit où brille une petite lumière. Vastes champs de solitude au carrefour de mes pages. Je cherche l’essentiel, peu importe le mystère. L’ombre d’un poème universel oublié entre les maux. Immenses trous noirs qui m’absorbent dans un dernier murmure avant l’obscurité.
Dans l’embrasure de la poutre centenaire
Une toile d’araignée en plein soleil.
Tes pas oscillent
Entre vie et trépas
Mais tu as encore tant d’espérance en toi.
9
Je crois au corps bien plus qu’à l’âme. Le corps est réel, l’âme muette et diffuse. Je touche du doigt tout ce que je vois. Peu importe d’où je viens, puisque je ne sais où je vais.
Chacun rentre chez soi
Ne pense qu’à lui-même
Je pense à celle que j’aime
Qui m’aime et qui m’attend.
Toute aventure ne vaut que par sa halte.
Richard TAILLEFER.
In Les Invisibles. éditions Gros Textes. 2024.
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