L’attachement d’un
enfant à sa mère est fusionnel, égocentrique.
Un jeune enfant, par
le fait que sa demande d’attention, de façon toute naturelle, est énorme,
insatiable, peut aisément devenir un tyran, si l’on n’y prend pas garde. Et sa
mère est la plus grande « victime » de cette avidité. La dépendance
affective sans mesure de l’enfant humain fait qu’il sera toujours, vis-à-vis de
sa mère, rempli d’exigences. Là est peut-être, au fond, l’origine même du drame
féminin ; le fondement psychologique du rejet de la liberté de la femme.
Aux yeux de tout
enfant – fille ou garçon – sa mère n’en fait jamais assez. Il l’idéalise à un
point tel qu’il ne lui reconnait aucune excuse. Elle doit être « toute à
lui », et centrée exclusivement sur sa personne. Ses moindres manquements,
ses moindres dérobades, ses moindres faux-pas font, à ses yeux, figure
d’atteintes gravissimes.
En revanche, il en va
tout autrement du père, de l’homme, plus lointain (moins essentiel ?).
Aucun « cordon ombilical » ne le relie à ce personnage.
La principale origine
de la sévérité de l’ensemble de la société envers les femmes et de son (assez
étonnante) indulgence vis-à-vis des hommes réside probablement ici.
Car l’être humain,
toute sa vie durant conserve en lui un enfant qui sommeille.
La psychose (connue
sous un autre nom moins savant : « la folie »), c’est la fusion
de la perception courante et de l’imaginaire. C’est l’abolition de la frontière
qui, d’ordinaire, se dresse entre les
deux.
Elle peut être induite
par certaines substances artificielles, comme, par exemple, le L.S.D.
Le L.S.D produit une
sorte de schizophrénie artificielle. Mais il a également le don de stimuler la
créativité.
Est-ce un
hasard ? Est-ce parce que la créativité se nourrit de l’imagination ?
Est-ce parce la créativité et la folie sont assez proches cousines ?
L’art d’engager la
conversation avec un(e) inconnu(e) n’est pas – du moins de nos jours – un art
des plus faciles.
Vue leur (plus ou
moins relative) gêne, les gens, dans une telle circonstance, ne savent, très
souvent, pas quoi réellement dire. Donc, il leur arrive fréquemment de
desservir des banalités, des réflexions d’une platitude consternante – quand ce
ne sont pas des phrases toutes prêtes, hérissées de clichés, d’idées reçues. Ô
maladresse hasardeuse, qui, non moins fréquemment hélas, débouche sur un
raidissement, une fermeture réciproque encore plus grande – soit sur l’exact
contraire de ce qu’on espérait : une mise en relation réussie.
Pourquoi le peuple
devrait-il être écarté de la poésie ? Pourquoi celle-ci devrait-elle
rester l’ «otage » d’un microcosme – quitte à ce qu’elle agonise
purement et simplement (ce qui est en train de se produire) ? Est-il
« normal » que les poètes se lisent exclusivement entre eux, le plus
souvent par l’entremise de crypto-revues et de crypto-recueils ?
Ne naissons-nous pas
tous avec, en nous, une fibre poétique liée à la sensibilité d’enfance – qu’il
ne tient qu’à nous, par la suite, de faire fructifier grâce aux lectures et au
travail ?
Je n’estime pas
« prétentieux » de vouloir « changer la poésie ». J’estime
prétentieux, au contraire, de la maintenir à l’état de « réserve »
microscopique, de société quasi « secrète ». Cela pouvait se
justifier au temps où la grande masse des personnes étaient et demeuraient
analphabètes. Cela ne peut en aucun cas, ce me semble, se justifier à celui de
l’instruction de masse où tous atteignent désormais (à tout le moins en France)
le « niveau BAC ». Une poésie élitiste est indigne de l’idéal
démocratique.
Et puis, à quoi cela
rime-t-il, de se sentir menacé par le changement ? Le changement, c’est
l’essence de la vie, l’essence même des choses. « Changer ou
disparaître ». N’en déplaise aux frilosités conservatrices et aux esprits
claniques.
Est-ce prétentieux de
refuser que la poésie disparaisse – faute de s’adapter tant soit peu à l’époque
(certes, mouvementée) qui est la nôtre ?
Est-ce prétentieux que de ne pas supporter qu’elle soit devenue –aux yeux de maints jeunes – une
sorte de « fossile vivant » (et là, je sais vraiment de quoi je parle !) ?
Le véritable artiste
cherche bien plus loin que son ego. S’il accorde quelque importance à son ego,
ce serait plutôt pour s’en servir comme d’un tremplin qui le projetterait vers
ce qu’il cherche, et rien de plus.
Dieu n’est jamais pleinement
accessible…il ne peut pas l’être, par essence.
Voilà pourquoi tant
d’Hommes se persuadent qu’il n’existe pas.
La diversité des
choses pourrait se comparer à un labyrinthe de mosaïques. Elle est complexe,
souvent trompeuse, et l’on s’y fourvoie facilement. Dans sa fragmentation
subtile, assortie de ruses de toutes sortes, dans les illusions qu’elle impose
à nos organes de perception et à notre conscience globale, elle prend l’allure
d’un voile – le voile du détail – qui nous égare et qui, surtout, nous
dissimule l’authentique nature du monde qui n’est autre que l’unité. Le détail
masque le global. Le tronçon s’imagine autonome. Le puzzle nous appelle à lui.
Le fragment hypnotise, cache l’ensemble. Et nous fonçons dans le panneau.
Mais pouvons-nous
faire autrement ?
Nous ne sommes
nous-mêmes que du partiel.
Le Tout tel que le
pensent, semble-t-il, un nombre croissant de physiciens, qui lui donnent le nom
de Multivers, est si incommensurablement, si inimaginablement étendu qu’on le
soupçonne fort d’être, tout bonnement, dénué de limite. Il serait, en quelque
sorte, égal à [(+l’infini) + (- l’infini)].
Dans un tel degré de
vastitude (irreprésentable pour nous), on peut à bon droit supposer qu’il y a
place pour toute la gamme des univers possibles.
Les mots – tout comme
ceux qui les produisent, les Hommes – sont des menteurs.
Comme est dérisoire
leur prétention à discerner, à décrire !
Tout artiste a
« un problème » avec le Réel.
Quelle puissance
supérieure tombée du ciel a décidé qu’il revenait à l’Occident – et à
l’Occident seul – le droit absolu de juger les valeurs des autres cultures
humaines, et d’imposer l’ordre mondial, tel qu’il le conçoit, en l’absence de
tout contre-pouvoir ? Aucune, me parait-il. Seule la force de l’argent et
celle des armes, seules celles de l’expansionnisme agressif et de l’intolérance
foncière (quoique, souvent, dissimulée derrière maints discours vertueux)
justifient cet état (cet étau ?) de fait.
Le fait que les
valeurs humanistes (qui, à raison, ne peuvent apparaître que comme
fondamentalement justes) soient répandues et « soutenues » par des
puissances profondément impérialistes et prédatrices à grande échelle, par des
« dominants » dans le sens classique, éthologique que revêt le terme,
jette sur elles une ombre considérable, fort fâcheuse. Il les
« salit », en quelque sorte.
Je ne suis jamais sûre
de rien. Trop de complexité partout. Trop de choses et de phénomènes sinueux,
cachés derrière les apparences. Embusqués sous les constats clairs. Trop
d’évidences au double jeu, quand ce n’est pas au triple, quadruple, octuple…et
infini, tant qu’on y est.
C’est peut-être pour
cela que je m’étonne. De tout. D’un rien. De ma propre présence. De ma propre
absence. De ma perception. De tout ce qui arrive. Peut arriver.
Rien ne va jamais de
soi. Donc, je doute.
Je plante mes
interrogations, mes points d’interrogation-tiges. Mes points de suspension,
aussi. Ce sont là mes points favoris. Car ils ne ferment jamais. Ils ouvrent.
Je suis perdue. Mais
je m’en régale.
Nier…à quoi cela
sert-il ?
On parle de plus en
plus de « plasticité cérébrale »…je veux bien.
Pourtant, les gens
s’encroûtent ; ils s’accrochent à leurs habitudes, à leurs points de vue,
à leurs points de repère traditionnels, comme des naufragés à une branche. Ce
qui les rend conservateurs, et hostiles à tout ce qui les remet en cause.
Ils ont appris à voir
le monde (et ce qu’il doit être) avec certains yeux, d’une certaine façon,
qu’ils justifient par les « lois de la nature » ou la « volonté
divine », ou encore la logique sociale, ou encore l’identité de leur
groupe (qu’ils ont intégrée à la leur).
La nouveauté, le
changement, l’évolution effraient les masses, surtout quand ils touchent à des
domaines d’ordre sociologique.
Les gens sont attachés
à leurs préjugés, leur pré-pensé, leurs lieux communs. La paresse mentale, la
crainte du présent et de l’avenir, l’automatisme les bloquent, les empêchent de
les remettre en cause.
Le « retour de
bâton » actuel en Europe – autrement appelé la « droitisation »
de l’opinion publique n’en porte-t-elle pas le (consternant) témoignage ?
Et, bien sûr, comme toujours, ce sont les groupes minoritaires ou
traditionnellement écartés du pouvoir (telles les femmes) qui risquent le plus
d’en pâtir. Les moutons de Panurge veulent continuer à suivre le même berger
(par réflexe et par mimétisme).
Vous avez dit
« plasticité » ?...
Jalouser recroqueville
l’Homme dans sa coque de médiocrité, de petitesse instinctive.
Nous sommes tous déjà
pour part et d’une certaine manière, bellement morts. En effet, des tas de
« versions », d’ « avatars », d’expressions
provisoires de notre propre être n’existent plus guère.
Où sont l’enfant,
l’adolescent, le jeune adulte que nous fûmes ? Où est resté, lorsqu’on a
dépassé 50 ans, l’individu « mûr », ou encore « dans la force de
l’âge » ? Lorsque la longue vue de notre mémoire attarde son regard
sur eux, les reconnaissons-nous vraiment ? Et eux, nous
reconnaissent-ils ?
Nous traînons aussi
avec nous et en nous, quelque part, non seulement les instants fantômes et les
fantômes des autres, mais (ce qui est peut-être le plus déconcertant) un nombre
presque aussi élevé de « fantômes » de nous-mêmes, de nous-mêmes à
l’état d’ébauches qui nous paraissent (comme dans le phénomène de la mue) comme
autant d’exuvies.
Jouer avec les mots,
c’est un peu les tourner en ridicule, se rire d’eux.
C’est en faire, en
quelque sorte, des clowns, des bouffons dont tourne la danse baroque,
acrobatique, burlesque.
C’est les dépouiller
de leur aura, de leur signification « sacrée » ; pour le grand
bénéfice de l’absurde.
Les mots ont trop
tendance à se prendre pour le monde ; à faire les importants. Renverser la
fameuse « magie du Verbe » de son piédestal, n’est-ce pas
iconoclaste ?
Il y a, dans le
« jeu avec les mots », dérision et révolution. Indiscutable
irrévérence. Volonté de suggérer combien ils sont, potentiellement, creux,
incomplets et, donc, « à côté de la plaque ».
Peut-on leur accorder
confiance autant qu’on le peut, qu’on est tenté de le faire, aux chiffres – et
au silence ? Voire…
Pour certains
physiciens, le « langage de Dieu » ne peut se trouver que dans la
mathématique.
Pour les vrais
mystiques, le silence absolu peut, seul, en être porteur.
La poésie ? Des
mots qui cherchent, plus ou moins secrètement, à frôler le silence.
Des mots qui RÊVENT
D’ÊTRE SILENCE.
L’être humain aime les
clans.
Spontanément, on le
voit former des petites coteries, qui se « ferment » très vite.
Cette tendance, qui
semble innée, l’amène souvent, en tant que membre de sa « clique », à
rejeter d’autres personnes parce qu’il les trouve trop différentes, trop
nouvelles, trop extérieures et inconnues – quitte ensuite, dans certains cas, à
reprocher aux mêmes gens leur distance et leur absence
d’ « intégration ». Quel paradoxe !
Être marginal (quelque
soit le degré ou la forme de cette marginalité), à côté des innombrables
inconvénients que l’on connait, présente aussi un certain nombre d’avantages,
parmi lesquels on peut compter, en très bonne place, celui de se trouver
installé dans une position qui vous éloigne, vous extériorise et vous permet
donc d’affûter votre regard, vos qualités d’observateur.
Votre pouvoir et votre
profondeur d’analyse peuvent y gagner.
Celui qui reste
« in » demeure si immergé dans la bulle de son groupe, il y adhère
tellement, y est, affectivement, tellement rivé qu’il n’a, pour ainsi dire,
aucune possibilité de le regarder avec un certain détachement ; il est, en
somme, myope. Pour mieux voir les choses, il faut souvent se mettre à les
regarder à distance, de l’extérieur, et donc rester « out ».
Où l’on voit, une fois
de plus, que le détachement est la clé de la « sagesse ».
Pourquoi les
« proches » sont-ils, souvent, ceux qui vous comprennent le
moins ?
Rimbaud et Camille Claudel
n’ont-ils pas lancé, tous deux, « famille, je vous
hais ! » ?
Les parents cherchent
à vous modeler à leur image, dans leur carcan (le plus souvent bourgeois et
terne) ; parfois, dans certains cas, ils vous vampirisent, vous
cannibalisent. Les rejetons, quant à eux, lorsqu’ils sont tout petits, vous
imitent, vous idolâtrent, pour, par la suite, avoir tendance à vous juger sans
merci et à prendre bellement leurs distances. Ils vous méprisent secrètement
(« le vieux », « la vieille ») et, fréquemment, ne vous
passent rien, ni pour ce qui est du passé, ni pour ce qui est d’aujourd’hui.
Ils ont « leur personnalité à eux », leur « propre vie » et
ils le clament.
L’image de la cellule
familiale en tant que « nid douillet » et rien que ça me laisse quelque
peu sceptique. Mais cela fait partie d’un mythe que la société cultive, et dont
nous avons fortement besoin.
Ce sont les hommes qui
tuent, qui violent, qui ont des pulsions pédophiles, qui enclenchent d’impitoyables
guerres, qui ont la passion de dominer, qui usent de la violence domestique,
qui terrorisent sans états d’âme, décident de tout, tranchent sur tout,
chassent et déciment les animaux, vouent un culte à la force physique et ont l’obsession
de tout maîtriser, d’obtenir la « soumission » du monde (à savoir de
tout ce qui n’est pas eux). Ce sont les hommes (à tout le moins le plus
souvent) qui terrorisent, humilient et méprisent ceux (celles ?) qui sont « trop
sensibles », ceux qui se dévouent pour eux, les aiment d’amour. Ce sont
les hommes qui « pensent » toujours en termes de pouvoir, d’argent et
de sexe (souvent sordide).
Et cependant ce sont
les femmes dont on se méfie toujours le plus (comme le prouve la misogynie).
Allez-vous me dire que
tout tourne bien rond, dans cette « espèce humaine » ?
Les gens qui cherchent
des réponses…ne trouvent jamais que des questions.
L’Homme, en acquérant
une pensée, une conscience, s’est dédoublé.
Si tu ne sais pas, tu
veux savoir. Ton ignorance te rend curieux. Du coup, tu te focalises sur l’objet
qui t’intrigue ; tu l’examines, tu l’étudies. C’est du terreau de l’ignorance
qu’émerge la grande forêt des questions. Et, sans doute, aussi, la conscience.
Être SÛR (de quelque
chose), c’est, bien souvent, le plus SÛR moyen de faire erreur.
Chacun d’entre les
êtres est un fruit de hasard. Ce qui nous tisse ? L’aléatoire d’un
brassage de chromosomes, de gènes, de mutations qui fait de chacun de nous une
spécificité, une « surprise ».
Les vies « sans
aventure », banales et tissées de monotonie, ont quand même à leur actif
un mérite de taille : elles abolissent le Temps. C’est peut-être pour
cette raison-là (entre autres) que les vieillards ou même certaines personnes
dites « d’âge mûr » les apprécient et les recherchent. Ne se « figent »-elles
pas plus ou moins (et, dans la plupart des cas, de façon inconsciente) dans le
gel résineux de la routine en proportion de l’avancée en âge de ceux qui les
vivent ? Est-ce un hasard ? N’est-ce pas une « défense »,
une espèce de ruse opposée à la fin, laquelle, pour ces individus-là,
se fait de plus en plus proche, de plus en plus « palpable » ?
Quel meilleur moyen
que celui d’ « engluer » le Temps (du moins en apparence, en illusion) pour
atténuer un peu la crainte ?
Beaucoup de choses,
dans notre nature humaine même, ressortissent du déni, voire du délire.
Nous portons tous en
nous des identités plurielles, complexes, changeantes, occultes. Mais l’esprit
humain, plus que tout au monde, aime à simplifier, à réduire.
Donc, il catalogue, il
juge, à partir des caractéristiques qui lui semblent les plus saillantes - un
peu comme le font les caricaturistes - et s’imagine, une fois l’affaire bien
faite, tout savoir, tout comprendre d’un être, une bonne fois pour toutes. Ce faisant,
il s’expose assez fréquemment à des surprises, des étonnements, des
ébranlements parfois de taille.
Mosaïque mentale,
étrange kaléidoscope, l’être humain ne peut être que, par essence, abyssal et
imprévisible. Jusques et y compris pour ses propres tentatives d’introspection.
L’expression « avenir
incertain » m’a de tout temps posé problème et paru quelque peu absurde.
L’avenir est toujours incertain.
Couvert d’un voile de brume ; ou de poudre.
La France ? Un
pays où les gens n’arrêtent pas de s’entre-traiter de prétentieux. Sans doute
un héritage de la vieille « moderatio » romaine, du sens exacerbé de
l’humilité catho (ou, si l’on aime mieux, « judéo-chrétien ») et du
(faux) culte de l’égalité que l’on doit à la fameuse devise républicaine. En France,
il y a « les prétentieux » et les autres. Pourtant, ce sempiternel goût
de la mesure et de la modestie – parfois bruyamment affiché -, ne parait,
curieusement, que très peu perceptible aux non-hexagonaux, lesquels, souvent,
reprochent aux citoyens français, justement (c’est rageant !), leur « arrogance ».
Qui croire ?
P. Laranco.