mardi 30 juin 2015

Réflexions éparses.

L’attachement d’un enfant à sa mère est fusionnel, égocentrique.
Un jeune enfant, par le fait que sa demande d’attention, de façon toute naturelle, est énorme, insatiable, peut aisément devenir un tyran, si l’on n’y prend pas garde. Et sa mère est la plus grande « victime » de cette avidité. La dépendance affective sans mesure de l’enfant humain fait qu’il sera toujours, vis-à-vis de sa mère, rempli d’exigences. Là est peut-être, au fond, l’origine même du drame féminin ; le fondement psychologique du rejet de la liberté de la femme.
Aux yeux de tout enfant – fille ou garçon – sa mère n’en fait jamais assez. Il l’idéalise à un point tel qu’il ne lui reconnait aucune excuse. Elle doit être « toute à lui », et centrée exclusivement sur sa personne. Ses moindres manquements, ses moindres dérobades, ses moindres faux-pas font, à ses yeux, figure d’atteintes gravissimes.
En revanche, il en va tout autrement du père, de l’homme, plus lointain (moins essentiel ?). Aucun « cordon ombilical » ne le relie à ce personnage.
La principale origine de la sévérité de l’ensemble de la société envers les femmes et de son (assez étonnante) indulgence vis-à-vis des hommes réside probablement ici.
Car l’être humain, toute sa vie durant conserve en lui un enfant qui sommeille.




La psychose (connue sous un autre nom moins savant : « la folie »), c’est la fusion de la perception courante et de l’imaginaire. C’est l’abolition de la frontière qui, d’ordinaire, se dresse entre les  deux.
Elle peut être induite par certaines substances artificielles, comme, par exemple, le L.S.D.
Le L.S.D produit une sorte de schizophrénie artificielle. Mais il a également le don de stimuler la créativité.
Est-ce un hasard ? Est-ce parce que la créativité se nourrit de l’imagination ? Est-ce parce la créativité et la folie sont assez proches cousines ?




L’art d’engager la conversation avec un(e) inconnu(e) n’est pas – du moins de nos jours – un art des plus faciles.
Vue leur (plus ou moins relative) gêne, les gens, dans une telle circonstance, ne savent, très souvent, pas quoi réellement dire. Donc, il leur arrive fréquemment de desservir des banalités, des réflexions d’une platitude consternante – quand ce ne sont pas des phrases toutes prêtes, hérissées de clichés, d’idées reçues. Ô maladresse hasardeuse, qui, non moins fréquemment hélas, débouche sur un raidissement, une fermeture réciproque encore plus grande – soit sur l’exact contraire de ce qu’on espérait : une mise en relation réussie.




Pourquoi le peuple devrait-il être écarté de la poésie ? Pourquoi celle-ci devrait-elle rester l’ «otage » d’un microcosme – quitte à ce qu’elle agonise purement et simplement (ce qui est en train de se produire) ? Est-il « normal » que les poètes se lisent exclusivement entre eux, le plus souvent par l’entremise de crypto-revues et de crypto-recueils ?
Ne naissons-nous pas tous avec, en nous, une fibre poétique liée à la sensibilité d’enfance – qu’il ne tient qu’à nous, par la suite, de faire fructifier grâce aux lectures et au travail ?
Je n’estime pas « prétentieux » de vouloir « changer la poésie ». J’estime prétentieux, au contraire, de la maintenir à l’état de « réserve » microscopique, de société quasi « secrète ». Cela pouvait se justifier au temps où la grande masse des personnes étaient et demeuraient analphabètes. Cela ne peut en aucun cas, ce me semble, se justifier à celui de l’instruction de masse où tous atteignent désormais (à tout le moins en France) le « niveau BAC ». Une poésie élitiste est indigne de l’idéal démocratique.
Et puis, à quoi cela rime-t-il, de se sentir menacé par le changement ? Le changement, c’est l’essence de la vie, l’essence même des choses. « Changer ou disparaître ». N’en déplaise aux frilosités conservatrices et aux esprits claniques.
Est-ce prétentieux de refuser que la poésie disparaisse – faute de s’adapter tant soit peu à l’époque (certes, mouvementée) qui est la nôtre ?
Est-ce prétentieux  que de ne pas supporter qu’elle soit devenue –aux yeux de maints jeunes – une sorte de « fossile vivant » (et là, je sais vraiment de quoi je parle !) ?




Le véritable artiste cherche bien plus loin que son ego. S’il accorde quelque importance à son ego, ce serait plutôt pour s’en servir comme d’un tremplin qui le projetterait vers ce qu’il cherche, et rien de plus.





Dieu n’est jamais pleinement accessible…il ne peut pas l’être, par essence.
Voilà pourquoi tant d’Hommes se persuadent qu’il n’existe pas.





La diversité des choses pourrait se comparer à un labyrinthe de mosaïques. Elle est complexe, souvent trompeuse, et l’on s’y fourvoie facilement. Dans sa fragmentation subtile, assortie de ruses de toutes sortes, dans les illusions qu’elle impose à nos organes de perception et à notre conscience globale, elle prend l’allure d’un voile – le voile du détail – qui nous égare et qui, surtout, nous dissimule l’authentique nature du monde qui n’est autre que l’unité. Le détail masque le global. Le tronçon s’imagine autonome. Le puzzle nous appelle à lui. Le fragment hypnotise, cache l’ensemble. Et nous fonçons dans le panneau.
Mais pouvons-nous faire autrement ?
Nous ne sommes nous-mêmes que du partiel.





Le Tout tel que le pensent, semble-t-il, un nombre croissant de physiciens, qui lui donnent le nom de Multivers, est si incommensurablement, si inimaginablement étendu qu’on le soupçonne fort d’être, tout bonnement, dénué de limite. Il serait, en quelque sorte, égal à [(+l’infini) + (- l’infini)].
Dans un tel degré de vastitude (irreprésentable pour nous), on peut à bon droit supposer qu’il y a place pour toute la gamme des univers possibles.





Les mots – tout comme ceux qui les produisent, les Hommes – sont des menteurs.
Comme est dérisoire leur prétention à discerner, à décrire !





Tout artiste a « un problème » avec le Réel.





Quelle puissance supérieure tombée du ciel a décidé qu’il revenait à l’Occident – et à l’Occident seul – le droit absolu de juger les valeurs des autres cultures humaines, et d’imposer l’ordre mondial, tel qu’il le conçoit, en l’absence de tout contre-pouvoir ? Aucune, me parait-il. Seule la force de l’argent et celle des armes, seules celles de l’expansionnisme agressif et de l’intolérance foncière (quoique, souvent, dissimulée derrière maints discours vertueux) justifient cet état (cet étau ?) de fait.
Le fait que les valeurs humanistes (qui, à raison, ne peuvent apparaître que comme fondamentalement justes) soient répandues et « soutenues » par des puissances profondément impérialistes et prédatrices à grande échelle, par des « dominants » dans le sens classique, éthologique que revêt le terme, jette sur elles une ombre considérable, fort fâcheuse. Il les « salit », en quelque sorte.




Je ne suis jamais sûre de rien. Trop de complexité partout. Trop de choses et de phénomènes sinueux, cachés derrière les apparences. Embusqués sous les constats clairs. Trop d’évidences au double jeu, quand ce n’est pas au triple, quadruple, octuple…et infini, tant qu’on y est.
C’est peut-être pour cela que je m’étonne. De tout. D’un rien. De ma propre présence. De ma propre absence. De ma perception. De tout ce qui arrive. Peut arriver.
Rien ne va jamais de soi. Donc, je doute.
Je plante mes interrogations, mes points d’interrogation-tiges. Mes points de suspension, aussi. Ce sont là mes points favoris. Car ils ne ferment jamais. Ils ouvrent.
Je suis perdue. Mais je m’en régale.





Nier…à quoi cela sert-il ?





On parle de plus en plus de « plasticité cérébrale »…je veux bien.
Pourtant, les gens s’encroûtent ; ils s’accrochent à leurs habitudes, à leurs points de vue, à leurs points de repère traditionnels, comme des naufragés à une branche. Ce qui les rend conservateurs, et hostiles à tout ce qui les remet en cause.
Ils ont appris à voir le monde (et ce qu’il doit être) avec certains yeux, d’une certaine façon, qu’ils justifient par les « lois de la nature » ou la « volonté divine », ou encore la logique sociale, ou encore l’identité de leur groupe (qu’ils ont intégrée à la leur).
La nouveauté, le changement, l’évolution effraient les masses, surtout quand ils touchent à des domaines d’ordre sociologique.
Les gens sont attachés à leurs préjugés, leur pré-pensé, leurs lieux communs. La paresse mentale, la crainte du présent et de l’avenir, l’automatisme les bloquent, les empêchent de les remettre en cause.
Le « retour de bâton » actuel en Europe – autrement appelé la « droitisation » de l’opinion publique n’en porte-t-elle pas le (consternant) témoignage ? Et, bien sûr, comme toujours, ce sont les groupes minoritaires ou traditionnellement écartés du pouvoir (telles les femmes) qui risquent le plus d’en pâtir. Les moutons de Panurge veulent continuer à suivre le même berger (par réflexe et par mimétisme).
Vous avez dit « plasticité » ?...





Jalouser recroqueville l’Homme dans sa coque de médiocrité, de petitesse instinctive.





Nous sommes tous déjà pour part et d’une certaine manière, bellement morts. En effet, des tas de « versions », d’ « avatars », d’expressions provisoires de notre propre être n’existent plus guère.
Où sont l’enfant, l’adolescent, le jeune adulte que nous fûmes ? Où est resté, lorsqu’on a dépassé 50 ans, l’individu « mûr », ou encore « dans la force de l’âge » ? Lorsque la longue vue de notre mémoire attarde son regard sur eux, les reconnaissons-nous vraiment ? Et eux, nous reconnaissent-ils ?
Nous traînons aussi avec nous et en nous, quelque part, non seulement les instants fantômes et les fantômes des autres, mais (ce qui est peut-être le plus déconcertant) un nombre presque aussi élevé de « fantômes » de nous-mêmes, de nous-mêmes à l’état d’ébauches qui nous paraissent (comme dans le phénomène de la mue) comme autant d’exuvies.





Jouer avec les mots, c’est un peu les tourner en ridicule, se rire d’eux.
C’est en faire, en quelque sorte, des clowns, des bouffons dont tourne la danse baroque, acrobatique, burlesque.
C’est les dépouiller de leur aura, de leur signification « sacrée » ; pour le grand bénéfice de l’absurde.
Les mots ont trop tendance à se prendre pour le monde ; à faire les importants. Renverser la fameuse « magie du Verbe » de son piédestal, n’est-ce pas iconoclaste ?
Il y a, dans le « jeu avec les mots », dérision et révolution. Indiscutable irrévérence. Volonté de suggérer combien ils sont, potentiellement, creux, incomplets et, donc, « à côté de la plaque ».
Peut-on leur accorder confiance autant qu’on le peut, qu’on est tenté de le faire, aux chiffres – et au silence ? Voire…
Pour certains physiciens, le « langage de Dieu » ne peut se trouver que dans la mathématique.
Pour les vrais mystiques, le silence absolu peut, seul, en être porteur.





La poésie ? Des mots qui cherchent, plus ou moins secrètement, à frôler le silence.
Des mots qui RÊVENT D’ÊTRE SILENCE.





L’être humain aime les clans.
Spontanément, on le voit former des petites coteries, qui se « ferment » très vite.
Cette tendance, qui semble innée, l’amène souvent, en tant que membre de sa « clique », à rejeter d’autres personnes parce qu’il les trouve trop différentes, trop nouvelles, trop extérieures et inconnues – quitte ensuite, dans certains cas, à reprocher aux mêmes gens leur distance et leur absence d’ « intégration ». Quel paradoxe !





Être marginal (quelque soit le degré ou la forme de cette marginalité), à côté des innombrables inconvénients que l’on connait, présente aussi un certain nombre d’avantages, parmi lesquels on peut compter, en très bonne place, celui de se trouver installé dans une position qui vous éloigne, vous extériorise et vous permet donc d’affûter votre regard, vos qualités d’observateur.
Votre pouvoir et votre profondeur d’analyse peuvent y gagner.
Celui qui reste « in » demeure si immergé dans la bulle de son groupe, il y adhère tellement, y est, affectivement, tellement rivé qu’il n’a, pour ainsi dire, aucune possibilité de le regarder avec un certain détachement ; il est, en somme, myope. Pour mieux voir les choses, il faut souvent se mettre à les regarder à distance, de l’extérieur, et donc rester « out ».
Où l’on voit, une fois de plus, que le détachement est la clé de la « sagesse ».





Pourquoi les « proches » sont-ils, souvent, ceux qui vous comprennent le moins ?
Rimbaud et Camille Claudel n’ont-ils pas lancé, tous deux, « famille, je vous hais ! » ?
Les parents cherchent à vous modeler à leur image, dans leur carcan (le plus souvent bourgeois et terne) ; parfois, dans certains cas, ils vous vampirisent, vous cannibalisent. Les rejetons, quant à eux, lorsqu’ils sont tout petits, vous imitent, vous idolâtrent, pour, par la suite, avoir tendance à vous juger sans merci et à prendre bellement leurs distances. Ils vous méprisent secrètement (« le vieux », « la vieille ») et, fréquemment, ne vous passent rien, ni pour ce qui est du passé, ni pour ce qui est d’aujourd’hui. Ils ont « leur personnalité à eux », leur « propre vie » et ils le clament.
L’image de la cellule familiale en tant que « nid douillet » et rien que ça me laisse quelque peu sceptique. Mais cela fait partie d’un mythe que la société cultive, et dont nous avons fortement besoin.






Ce sont les hommes qui tuent, qui violent, qui ont des pulsions pédophiles, qui enclenchent d’impitoyables guerres, qui ont la passion de dominer, qui usent de la violence domestique, qui terrorisent sans états d’âme, décident de tout, tranchent sur tout, chassent et déciment les animaux, vouent un culte à la force physique et ont l’obsession de tout maîtriser, d’obtenir la « soumission » du monde (à savoir de tout ce qui n’est pas eux). Ce sont les hommes (à tout le moins le plus souvent) qui terrorisent, humilient et méprisent ceux (celles ?) qui sont « trop sensibles », ceux qui se dévouent pour eux, les aiment d’amour. Ce sont les hommes qui « pensent » toujours en termes de pouvoir, d’argent et de sexe (souvent sordide).
Et cependant ce sont les femmes dont on se méfie toujours le plus (comme le prouve la misogynie).
Allez-vous me dire que tout tourne bien rond, dans cette « espèce humaine » ?





Les gens qui cherchent des réponses…ne trouvent jamais que des questions.




L’Homme, en acquérant une pensée, une conscience, s’est dédoublé.





Si tu ne sais pas, tu veux savoir. Ton ignorance te rend curieux. Du coup, tu te focalises sur l’objet qui t’intrigue ; tu l’examines, tu l’étudies. C’est du terreau de l’ignorance qu’émerge la grande forêt des questions. Et, sans doute, aussi, la conscience.





Être SÛR (de quelque chose), c’est, bien souvent, le plus SÛR moyen de faire erreur.





Chacun d’entre les êtres est un fruit de hasard. Ce qui nous tisse ? L’aléatoire d’un brassage de chromosomes, de gènes, de mutations qui fait de chacun de nous une spécificité, une « surprise ».





Les vies « sans aventure », banales et tissées de monotonie, ont quand même à leur actif un mérite de taille : elles abolissent le Temps. C’est peut-être pour cette raison-là (entre autres) que les vieillards ou même certaines personnes dites « d’âge mûr » les apprécient et les recherchent. Ne se « figent »-elles pas plus ou moins (et, dans la plupart des cas, de façon inconsciente) dans le gel résineux de la routine en proportion de l’avancée en âge de ceux qui les vivent ? Est-ce un hasard ? N’est-ce pas une « défense », une espèce de ruse opposée à la fin, laquelle, pour ces individus-là, se fait de plus en plus proche, de plus en plus « palpable » ?
Quel meilleur moyen que celui d’ « engluer » le Temps (du moins en apparence, en illusion) pour atténuer un peu la crainte ?





Beaucoup de choses, dans notre nature humaine même, ressortissent du déni, voire du délire.





Nous portons tous en nous des identités plurielles, complexes, changeantes, occultes. Mais l’esprit humain, plus que tout au monde, aime à simplifier, à réduire.
Donc, il catalogue, il juge, à partir des caractéristiques qui lui semblent les plus saillantes - un peu comme le font les caricaturistes - et s’imagine, une fois l’affaire bien faite, tout savoir, tout comprendre d’un être, une bonne fois pour toutes. Ce faisant, il s’expose assez fréquemment à des surprises, des étonnements, des ébranlements parfois de taille.
Mosaïque mentale, étrange kaléidoscope, l’être humain ne peut être que, par essence, abyssal et imprévisible. Jusques et y compris pour ses propres tentatives d’introspection.





L’expression « avenir incertain » m’a de tout temps posé problème et paru quelque peu absurde.
L’avenir est toujours incertain. Couvert d’un voile de brume ; ou de poudre.





La France ? Un pays où les gens n’arrêtent pas de s’entre-traiter de prétentieux. Sans doute un héritage de la vieille « moderatio » romaine, du sens exacerbé de l’humilité catho (ou, si l’on aime mieux, « judéo-chrétien ») et du (faux) culte de l’égalité que l’on doit à la fameuse devise républicaine. En France, il y a « les prétentieux » et les autres. Pourtant, ce sempiternel goût de la mesure et de la modestie – parfois bruyamment affiché -, ne parait, curieusement, que très peu perceptible aux non-hexagonaux, lesquels, souvent, reprochent aux citoyens français, justement (c’est rageant !), leur « arrogance ». Qui croire ?






P. Laranco.










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