dimanche 6 décembre 2015

Et si nous tentions de réfléchir ?

Ce qu’on appelle une « révélation intuitive » ne serait-il pas, en réalité, un raisonnement logique, mais particulièrement fulgurant, si inhabituellement rapide et affûté que notre conscience immédiate ne saurait être en mesure de le percevoir comme tel ? Un raisonnement complet, fabuleusement mené à son terme qui vous tomberait tel quel dans la bouche, comme une caille rôtie toute seule ?
A ce compte-là, l’inspiration ne pourrait-elle pas apparaître comme le travail occulte de groupes de neurones plus performants que les autres, d’un cerveau sous-jacent qui travaillerait plus vite et surmonterait mieux les tâtonnements et les hésitations coutumières – en somme ?
Le cerveau possèderait-il plusieurs niveaux de fonctionnement, plusieurs vitesses, un peu à l’instar des automobiles ?





L’amour de soi est une chose saine – c’est le socle de notre équilibre. Il ne doit toutefois pas tourner à l’excès, se transformer en égocentrisme et en narcissisme – lesquels en constituent les deux boursouflures, les deux « cancers » et qui, malheureusement, la nature humaine étant ce qu’elle est, ont tendance à s’installer avec une rapidité confondante. S’aimer soi-même, ça n’implique pas forcément et automatiquement la vanité, le sentiment de supériorité, le mépris de l’autre et le désir de s’imposer à lui, de triompher de lui, de le dominer, de l’exclure. Dans ce domaine comme en tant d’autres en matière d’attitudes humaines, la propension à l’exagération, au « surdosage », à l’hypertrophie est le bât qui blesse. L’esprit humain semble se laisser toujours peu ou prou emporter dans son élan. Il parait sans cesse devoir, en quelque sorte, se surveiller lui-même, de crainte que les choses n’aillent trop loin.





L’Homme n’aime pas avoir à douter. A la fécondité du doute, de la remise en cause permanente, il préfère, le plus souvent, le granit des certitudes pensées pour lui et s’y amarre de toutes ses forces. Il aime les idées arrêtées. Leur profil minéral solide et net – qui confère un sens à sa vie. Ce que son cerveau réclame à corps et à cri, c’est du sens, du simple. Pour chasser de son existence tout doute, tout danger de déstabilisation.





L’idée d’avoir à penser par soi-même, comme celle d’avoir à assumer la liberté, cela peut faire très peur.
Cela peut provoquer, chez nombre de gens, une sensation de vertige, de griserie voisine de la sensation de vide.





« Le mieux est l’ennemi du bien » - et cela, pour une bonne raison : le mieux tend à s’approcher, de plus en plus, de la perfection, de la complétude. Or – comme le logicien autrichien Kurt GÖDEL l’a bien démontré – c’est l’incomplétude que le monde aime. Jusqu’en son soutènement mathématique. Les équations  elles-mêmes butent sur les fameuses « propositions indécidables ».





Chercher la perfection est bien. Ça a le mérite de nous occuper. Mais cela a, surtout, le mérite de donner un but (donc, un sens) à notre existence, en mettant à sa disposition un espace de quête illimité par nature, par essence (lequel saura bien nous occuper jusqu’à notre mort).
Car, en cherchant la perfection, le « mieux », nous courons après un mirage. Nous nous plaçons exactement dans la posture de ces chiens au-dessus desquels un gamin taquin (ou cruel) s’amuserait à faire pendre, entre son pouce et son index, un morceau de sucre, sans jamais le laisser tomber dans leur gueule. Ceux qui cherchent la perfection sont condamnés à l’état de manque.





Notre cerveau nous impose la tyrannie du sens.





Le renversement de perspective est la clé de la connaissance.





Toute affirmation – même la plus pragmatique – est susceptible d’être contestée, parce qu’elle résulte d’une approche, d’une certaine façon d’envisager les choses. Or, la multiplicité des angles d’approche, des façons d’envisager les choses n’a, virtuellement, pas de limites.
L’affirmation péremptoire, la rigidité des certitudes sont des réponses de l’Homme au fait que la quête du « vrai », de l’essence du réel, ne s’épuise jamais, et nous épuise.





Depuis 3,5 milliards d’années, des êtres vivants existent sans savoir qu’ils existent (ou, peut-être, sans le savoir de la même manière que nous).
Qu’apporte la conscience ? A-t-elle une « signification » ? Une conscience idéale, complète (si tant est qu’un phénomène, ou une chose, puisse être « complet »), que serait-ce ?
Exister, puis se regarder exister, savoir qu’on existe…à quels besoins cela répond-il ?
La conscience peut-elle être vue comme une sorte de « couronnement », d’apothéose de l’existence ?
L’Homme avait-il d’autre choix que celui de devenir « intelligent », conscient de sa propre existence ?
Mais, comme tout miroir, la conscience ne possède-t-elle pas ses pièges ?





Les affects entraînent les gens beaucoup trop loin. Ils ont une tendance à les dépasser qui peut devenir franchement catastrophique. Aussi suis-je convaincue qu’il nous faut apprendre à les contrôler, à les « parquer » dans des limites raisonnables. Tout ceci pour ne pas risquer de faire mal aux autres et de se faire mal à soi-même.





Avec l’Homme, il ne faut, en règle générale, jamais être sûr de rien. Sa complexité lui confère, même au plan individuel, un fouillis de visages. Son intelligence et son ingéniosité hors pair le dotent, spontanément, d’un grand sens de la manipulation et de la tromperie. Il invente, il ment (le mensonge est une forme d’invention, après tout), il dénie, il enjolive et, d’abord, il se ment à lui-même, dès lors que ça l’arrange.
Quand on se ment à soi, peut-on dire aux autres la vérité ?





Et si la véritable « cause des femmes » était la misogynie ?...On constate, en effet, que le féminisme n’a gommé que d’une façon assez modérée et somme toute superficielle leur fâcheuse tendance à se jalouser, à se détester et à se « pourrir la vie » entre elles.





Les hommes savent-ils avoir avec les femmes autre chose que des rapports…sexuels ?
L’omniprésence de leur attirance et de leur désir érotiques ne constitue-t-elle pas un sérieux obstacle à la saine communication entre les sexes ?





Tout début et toute existence impliquent qu’ils seront suivis d’une fin. Mais on a tellement de mal, tellement de réticence à l’admettre…
Notre âme s’enivre volontiers des commencements pétillants ; elle s’attache ensuite, non moins volontiers, à la durée des choses, qui installe une sorte de routine rassurante, de confortable « ronronnement » et, de fil en aiguille, induit presque le sentiment (ce sentiment que nous désirons tant, et pour cause) d’éternité. Mais cette impression de permanence n’est, dans les faits, que de pure surface. Elle nous trompe et ne nous prépare que très mal et très imparfaitement à la « brutalité » (à nos yeux) de ce qui va prendre la relève.





Les premières grandes civilisations qu’a compté le monde ont été orientales, ou afro-orientales : la Mésopotamie et l’Egypte ancienne, l’Inde, la Chine, l’ensemble Syrie/Liban/Palestine et l’Anatolie, la Crète, Mycènes et l’Egée.
La Grèce classique elle-même fut très fortement tournée vers l’orient (Asie mineure, Egypte, Empire perse qu’elle combattait) et, c’est attesté, considéraient les contrées européennes comme des contrées « barbares ». La civilisation de Rome elle-même était toute entière centrée sur le bassin méditerranéen (qu’elle appelait « mare nostrum ») et avait pris la Grèce classique et, secondairement, l’Egypte (qui la fascinait aussi) pour modèles culturels directs. Elle ne s’intéressait à l’Europe celtique, ou plus tard germanique, jugées également « barbares », que pour les coloniser (en raison de leurs richesses agricoles et du potentiel commercial qu’elles représentaient) ou pour contenir leur turbulence, potentiellement menaçante pour elle. Elle avait, ne l’oublions pas non plus, été fortement marquée, au départ, par l’empreinte civilisatrice puissante du mystérieux peuple étrusque, qui affichait nombre de traits culturels nettement orientaux et dont on sait maintenant, en particulier grâce à des données d’ordre génétique, qu’il était originaire d’Anatolie.
Contrairement à ce qu’elle chante à tous les échos, l’Europe chrétienne est loin d’être l’unique héritière de l’immense richesse culturelle qui fut, durant de longs millénaires, l’apanage du Proche orient et de la Méditerranée, et qui, nul ne peut le nier, alluma les tout premiers feux de la civilisation mondiale. Le monde musulman le fut aussi, à compter de la conquête qui conduisit les Arabes de leur berceau originel (la péninsule de l’Arabie) jusqu’à la Perse et même à l’Inde (à l’est) et, côté ouest, jusqu’à la quasi-totalité du territoire de la péninsule ibérique.
A l’époque de la Renaissance, l’Italie et l’Empire ottoman étaient encore des civilisations dynamiques extrêmement brillantes.
Cependant les historiens occidentaux actuels évitent en général soigneusement de mettre l’accent sur cet aspect-là des choses. Ils aiment à s’approprier des richesses, des brillances antiques, fondatrices qui ne sont pas réellement les leurs (ou à tout le moins, ne le sont parfois que très partiellement, très indirectement). Irritant à bien des égards, ce parti-pris d’eurocentrisme n’est, chez eux pas autre chose qu’un symptôme (au demeurant même pas conscient) lié à leur « chauvinisme » ainsi qu’à l’écrasante domination (financière, culturelle, technologique) qu’à présent, la civilisation originaire de l’Europe du nord-ouest exerce sur l’ensemble du monde.
L’objectivité, pourtant, exigerait qu’on nous rebatte un peu moins l’oreille sur « les fondements égyptiens et grecs de la civilisation occidentale ».
Il n’y a jamais eu, en réalité, de « plan préétabli », logique, naturel, qui eut voulu et fait en sorte que LA civilisation migre de l’Orient vers l’Occident, du sud en direction du nord. La civilisation, où qu’elle se trouve, ne fait que s’étendre de proche en proche, au gré des routes commerciales, des possibilités de contacts et au hasard des proximités géographiques, au gré, aussi, des séductions et des désirs d’imitation qu’elle ne manque pas de susciter (le fait qu’elle améliore notablement les conditions de vie des êtres la rendant très attractive).





Le moins doué pour apprécier le travail d’un artiste est peut-être….un autre artiste.
Les artistes ne veulent pas d’égaux, ce qu’ils veulent, c’est des admirateurs.
Un peu comme les cabotins, ils rêvent avant tout (bien qu’il ne faille pas, non plus, en ce domaine, trop généraliser) de se dénicher un PUBLIC. Critiquez-les (ne serait-ce qu’infimement) et vous aurez de grandes chances de les blesser, d’en faire vos pires ennemis.
En revanche, si vous êtes « des leurs » sans pour autant (très fâcheusement pour vous) compter parmi leurs proches amis, ils ne manqueront pas la plus petite occasion de vous ignorer, ou, si ce n’est pas ça, de vous « casser », de vous faire, souvent subtilement, douter du poids, de la qualité de ce que vous faites. Le moins qu’on puisse dire est qu’ils n’ont pas l’encouragement, ni la solidarité des plus faciles. En un mot comme un cent, les artistes et autres écrivains sont assez fréquemment des personnes qu’on peut qualifier d’ « infréquentables ». Leur vanité voisine souvent avec la mégalomanie. Leur fragilité de caniches est avide de soutien béat, de réassurance quasi maternante. Malgré le côté « panier de crabes », « marais à crocodiles » de leurs microcosmes, on ne leur trouve pas moins d’inévitables, de sempiternelles excuses, propres à rendre le monde indulgent : « bah, ils sont créatifs, par conséquent un peu foldingues. C’est le « psychotisme » ! ».







Dans les pays occidentaux, la richesse et l'embourgeoisement sont tels que la pauvreté est devenue, dans la perception publique, "obscène", invivable, associée (tant par les nantis que par les exclus eux-mêmes) à l'échec, à une sorte de maladie honteuse et donc, de plus en plus souvent, génératrice de repli sur soi, voire même de suicide.
Voilà ce qu'on comprend très bien à la lecture de l'ouvrage sociologique Suicide - l'envers de notre monde, écrit par Christian Baudelot et Roger Establet et publié au Seuil en 2006.






Hommes et femmes ont bien un sexe.
Seule, la misogynie n'en a point.






Le non-savoir est l'essence de notre condition.





Si les communautés, les familles et clans, les factions, les villages et quartiers, les régions, les nations, les îles et les religions, voire même les âges et les sexes sont "chauvins", c'est, je pense, d'abord parce que le Moi des créatures qui les constituent est démesurément chauvin. Le Moi est le premier chauvin, le tout premier à "accuser". Il se constitue à la fois par l'imitation et par le rejet de l'autre et il y a, dans cela, de nombreux germes de violence potentielle.






Qu'on le veuille ou non, le globe terrestre est maintenant devenu un tout; les différences culturelles, les particularismes tendent à s'entre-brasser, à s'estomper. La perception que l'humanité a d'elle-même est en train d'évoluer, du fait de plusieurs révolutions technologiques (facile mobilité due à des transports tels que la voiture, ou l'avion; télévision présente dans un nombre croissant de foyers; émergence de plus en plus prégnante de la communication par Internet, et donc, du lien virtuel). Qui ne connait, de nos jours, l'expression "village planétaire" ?
Tout cela - ajouté à la mondialisation libérale de l'économie et à la standardisation des modes de vie à l'échelle planétaire - menace l'idée même de nation, d'identité nationale. On ne peut plus vivre enfermé dans les frontières d'un pays, comme dans un enclos ou un cocon. Rien qu'à cause de cela, la notion même de "nation" n'est-elle pas d'ores et déjà dépassée ?
Mais cela heurte également un besoin fondamental de l'Homme : celui de "faire partie d'un camp" bien identifiable, bien net, autrement appelé "sentiment d'appartenance". Aussi assiste-t-on partout à maints soubresauts réactionnels, qu'ils soient de type nationalistes, de type régionaliste ou de type religieux. Il est encore trop tôt pour que la masse, la majorité du genre humain suive... Énormément de gens se sentent "largués", amputés de leurs références collectives, et, par conséquent, fins prêts à se raccrocher à n'importe quoi. Si nous sommes tous "sur le même bateau", où trouver désormais l'"ennemi" auquel s'opposer, autour duquel souder le groupe ? Extra-terrestres, venez vite, nous vous attendons avec impatience !









P. Laranco.



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