La pluie s’éloigne
à pas de loup.
Le silence, peu
à peu, lui succède. Silence mouillé, en suspens sur chaque lourd paquet de
feuilles assombries formant comme un hématome vert…
On sent s’étirer
un immense vide, une énorme distanciation. Une solution de continuité où rien
ne peut plus venir prendre place. On peut lui choisir n’importe quel
qualificatif pour nom de baptême : manque, rupture, interruption, pourquoi
pas même « no man’s land »…en fait, cela importe peu.
Aucun mot n’a
prise sur elle.
C’est un peu
comme si le fil invisible de l’espace s’était soudain tendu… tendu à l’extrême
à la manière d’un élastique que l’on tirerait…et puis, ensuite, s’était,
toujours à la façon de cette ligne de caoutchouc si férocement étirée, rompu
dans un claquement brutal.
Et en voici le
résultat : cet affaissement, cette longue béance linéaire, cette série
implicite, complètement intangible de pointillés qui flotte, dérive en lieu et
place de ce qui, auparavant, remplissait le rien de quelque chose.
Maintenant, ne
subsiste plus qu’une sorte d’ample vibration qui se prolonge. S’autoféconde en
une suite sans fin d’élargissements fractals.
Un grand
éventail d’ondes (bien sûr à peine discernables) dont on croirait qu’il cherche,
en se répandant, en s’évasant, en s’élargissant de la sorte, à suturer envers
et contre tout les deux extrémités de plus en plus désespérément distantes l’une
de l’autre, du vaste intervalle voué au vide.
Le silence met
au défi les oreilles attentives de l’entendre. Mais, en un sens, nous le
captons, oui, nous le décelons déjà.
Il s’exprime au
travers de ce flottement d’hébétude sans mesure.
Il est là ;
contenu dans la masse ouatée, blanche et vague du silence elle-même.
Le silence est
peut-être une séquelle, un résidu du son des pluies.
Quoiqu’il en
soit, quelque chose s’est modifié ; s’est fracturé.
Une bonne part
de la substance, de la présence du monde a fui. Une part importante de la
pesanteur du monde s’est évaporée.
Le silence est
une flèche oblique, pointée vers les confins, les brèches.
Son souffle
froid, informe, atteint le stade du moutonnement. Et pour cause…puisqu’il
marche en crabe.
Que mettre en
lieu et place des désertions, des
reflux, sinon l’étendue de sa douceur molle ? Qu’insérer, hors sa massive
attente ventrue, digestive de bête brute, lorsque planent, stagnent l’incertain
et ses profils tout pâles, tout gauchis, tout nimbés d’hésitation ?
Qui sait
pourquoi, en s’éclipsant, la pluie laisse un dépôt de silence ?
P.
Laranco.
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