jeudi 27 juin 2013

"LES GRAVATS", texte poétique de Patricia LARANCO.

LES GRAVATS.




Je gravis
les gravats
nuages de poussière –
essaims de talc gris, las, particules de chaux,
soupirs solidifiés
lévitations
de plâtre
et de chaleur griffue.
Crevasses. Angles béants
Les décombres
empilés
qui
me tendent leurs
pièges.
Le temps. Qui
 paraît lent. Et
comme cotonneux.
Le temps qui acquiert une texture huileuse.
Brusquement, le chaos se met à fredonner. Une espèce de chant, de murmure flûté
qui me guide.
Et qui ne semble pas avoir de lieu d’origine précis.
Fugacité, faible pulsation, son d’errance.
Intermittence.
Qui finit par se faire sifflante.
Je gravis les gravats.
Entassés sur la pente.
L’effervescence de poussière me masque.
M’efface.
Elle se referme sur le mouvement de mon corps.

Ce sont là solfatares de poudre âcre, qui fument.
Qui, lentement, labourent ma gorge, aveuglent mes yeux.
Pourtant, je n’en continue pas moins
à sinuer.
A me faufiler, à escalader
gauchement.
A grimper, en manquant souvent me tordre la cheville.
Je ne cherche pas à comprendre pourquoi ces gravats béent.
Ils me fascinent sans que le besoin de comprendre se fasse sentir.
Ils reposent pêle-mêle, à terre, en un tas informe.
Un immense tas qui couvre des hectares, peut-être…
Et je respire le parfum
-hideux- de la destruction. De l’affaissement, de la lèpre abandonnés à eux-mêmes.
Les angles béants deviennent, brusquement, des mâchoires.
Des mâchoires qui bâillent, claquent, tentent de m’agripper, de me mordre.
Sous les gravats, qu’y a-t-il ?
Un gouffre, peut-être ?                                                                                            



P.Laranco.




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