jeudi 12 septembre 2013

Lecture (sciences, physique) : grâce à la GUERRE DU TROU NOIR, on sait maintenant que l'UNIVERS EST UN HOLOGRAMME.

Leonard SUSSKIND : « TROUS NOIRS – La guerre des savants », Folio essais, 2010.


Les savants ont aussi leurs guerres.
Ce gros livre de vulgarisation scientifique (pas moins de 565 pages en ne comptant pas les « appendices ») se veut à la fois un récit anecdotique animé et une plongée on ne peut plus rigoureuse dans l’univers (abstrait, sinon même aride, un peu rébarbatif et souvent déconcertant pour notre sens commun) des lois de la physique. L’auteur, Leonard SUSSKIND, est un très grand savant, un professeur de physique théorique américain membre de l’élite de la recherche internationale en la matière. De 1976 à nos jours, il a  activement participé à une « offensive » (ce sont ses propres termes) visant à démolir un postulat théorique audacieusement émis par le célébrissime physicien britannique Stephen HAWKING : l’information qui tombe dans un trou noir est irrémédiablement perdue. Au nom de quoi ? D’un autre axiome –un postulat véritablement fondamental et intouchable régissant la réalité physique - : LE PRINCIPE DE CONSERVATION DE L’INFORMATION selon lequel l’information ne disparaît jamais (p. 114) et est éternelle.
Qu’est-ce à dire ?
Grâce à Susskind (et quoiqu’il faille tout de même « s’accrocher » si l’on veut plus ou moins comprendre), nous apprenons qu’à son stade ultime, notre réalité physique est constituée d’INFORMATION, sous la forme de BITS élémentaires, ce qui est, en soi, assez  fascinant. Je cite : Plus petit qu’un atome, qu’un quark et même qu’un neutrino, le bit élémentaire pourrait bien être la brique la plus fondamentale. Sans aucune structure, le bit est simplement là – ou pas (p. 177). Ne croit-on pas rêver ?
Mais ce n’est pas tout : les savants, par leurs savants calculs, ont réussi à établir que la quantité maximale d’information qui peut être emmagasinée dans une région de l’espace [donnée] est égale à l’aire de cette dernière et non à son volume (p. 181). Ce théorème trouve, notamment, son application dans le cas qui intéresse cet ouvrage, celui des TROUS NOIRS : à la page 150, Susskind se livre au constat que l’horizon d’un trou noir [c'est-à-dire le cercle qui le limite] est tapissé d’un réseau serré de bits d’information, de bribes d’information à l’échelle de Planck, à savoir la plus petite échelle qui soit pour nous, dans le domaine de l’observable.
L’ENTROPIE, quant à elle, n’est autre que de l’information cachée. Ainsi, la désintégration, donc la dégradation (productrice d’une CHALEUR énorme, car qui dit entropie dit chaleur) que subit la matière lorsqu’elle se trouve avalée par ce gigantesque aspirateur cosmique qu’est un trou noir n’élimine en rien les constituants les plus extrêmes, les constituants ultimes des objets en apparence annihilés et « perdus » : les bits.
Tout ceci n’aurait pu rester qu’une polémique de laboratoire et de congrès entre d’obscurs théoriciens de la physique si les cogitations que, de fil en aiguille, les physiciens opposés à Stephen Hawking, en l’occurrence le néerlandais Gerhard T’HOOFT et l’auteur de ce livre lui-même, n’avaient mené à ce que Susskind nomme un véritable changement de paradigme.
En partant de l’idée, du principe que La quantité maximale d’information que peut contenir n’importe quelle région de l’espace [y compris l’Univers dans son ensemble] ne peut être plus grande que ce qui peut être stocké sur son bord, ce qui veut dire que toute l’information concernant l’ensemble de notre Univers (codée en bits comme nous l’avons vu) se trouve agglutinée sur ses bords, à sa périphérie – et en s’appuyant sur le « langage » particulier de la THÉORIE DES CORDES, ces brillants cerveaux sont parvenus à mettre en lumière le fait hallucinant que NOTRE UNIVERS EST UN HOLOGRAMME.
Explication : tous les familiers de l’informatique savent que la base de cette dernière est le bit. Appliquée à l’image, l’informatique traduit les bits en PIXELS et en VOXELS. Les simples pixels permettent d’obtenir une image en deux dimensions (2D) ; c’est le principe de la photo numérique. Les voxels, eux, permettent d’obtenir des images en 3D, à l’image de notre monde (L’information à deux dimensions peut être emmagasinée dans un ensemble de pixels bidimensionnels tandis que celle à trois dimensions ne peut être emmagasinée que dans un ensemble de voxels tridimensionnels).
Comte tenu de ce qu’on a appris plus haut, il s’avère que l’univers […] est un hologramme, une représentation de la réalité [en 3D] codée sur une surface bidimensionnelle éloignée. Cette nouvelle loi de la physique, connue sous le nom de principe holographique, affirme que ce qui est contenu dans toute portion de l’espace peut être décrit par des bits d’information limités au bord de cette dernière (p.381). La théorie des cordes elle-même est, fait remarquable, une théorie holographique décrivant un univers pixélisé.
Un hologramme est une projection tridimensionnelle développée à partir d’un ensemble de pixels bidimensionnels où se trouvent stockés tous ses détails. C’est un « effet » que la technique humaine sait parfaitement réaliser. Mais nos hologrammes humains nous apparaissent comme des illusions sans substance…de même, d’ailleurs, que tout le « virtuel » produit par nos ordinateurs. Et voilà que le cosmos lui-même pourrait se révéler de la même nature !
Commencerions-nous à y voir un peu plus clair dans ce qui se situe « au-delà » du réel connaissable ?
Et comment interpréter en termes moins techniques, moins mathématiques, ces fabuleuses découvertes ?
Nous approcherions-nous enfin du « principe ultime » de toutes les choses que nous connaissons ?
Il est certain que les implications philosophiques de ce nouveau concept que constitue le PRINCIPE HOLOGRAPHIQUE sont importantes.
Si nous sommes d’une nature « holographique », nous sommes une forme d’illusion. Et nous avons été créés par autre chose que nous-mêmes. Qu’est-ce que tout cela signifie ?
Bien évidemment, le savant qu’est Leonard Susskind ne se prononce pas. Il se contente, pour le moment, d’être passablement perplexe et de le laisser filtrer, en demi-teinte.
La physique théorique fourmille de « théories » qui sont autant de « langages ».
Quel est le bon, quel est celui qui colle vraiment à notre réel ? Théorie quantique des champs, théorie des cordes, principe holographique ?
Toute ces théories « fonctionnent » mais, souvent, se contredisent et débouchent sur des paradoxes, qu’il faut à tout prix dépasser.
Là encore, comment voir ceci ?
Est-ce, par exemple, le reflet de la complexité extrême de tout ce qui nous entoure ?



P. Laranco.

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