C'était un matin. Un matin parisien tout ce qu'il y avait de banal. Temps
gris et flou à la fenêtre. Rangs de buildings aux silhouettes crayeuses. Ciel
sans véritable couleur.
Maxime sortit du coaltar en avalant un plein bol de café corsé, lequel,
comme chaque matin, lui fit l'effet d'un véritable coup de cravache. Ensuite,
il se leva aussi vite qu'un bouchon de champagne qui fuse et prit, d'un pas
résolu, la direction de sa salle de bain.
Comme de coutume encore, il se planta, bien droit, juste en face du
lavabo, et examina, plutôt distraitement, sa tronche dans le miroir carré qui
surplombait la cuvette d'émail.
Rien de particulier à signaler, là non plus : Maxime avait la réputation
d'un "beau gosse", et , bien entendu, il n'était pas sans le savoir.
"Belle gueule", traits inimaginablement réguliers, denture
éblouissante, physique et assurance charismatique (quoique décontractée)
d'acteur ou de politicien américain.
Il s'ébroua brièvement puis, se sentant encore, tout de même,
insuffisamment réveillé, il résolut de chasser l'ultime reliquat de
chiffonnement nocturne qui s'attardait sur sa face en ouvrant d'un geste
brusque, quasi impatient, le robinet d'eau froide, et en s'aspergeant tout
aussi allègrement tête et visage d'eau vivifiante. Il dut ainsi rester quelques
trois bonnes minutes courbé sous le jet, qui s'abattait avec une violence
bienfaisante.
Après quoi il finit par tourner le bouton du robinet en sens
inverse, d'un coup
sec encore , et se redressa.
Presque à l'aveuglette (ses yeux étaient embués d'eau), il
réussit à attraper une serviette, et la colla avec une rare énergie contre son
visage revigoré.
Puis il frotta. Jusqu'à ce qu'il ne subsiste plus la plus infime gouttelette de
liquide.
Immédiatement après - pour ainsi dire par réflexe - il scruta alors une
nouvelle fois le miroir, en face.
Oups ! Il eut un tel choc qu'il crut, un court moment, que
son cœur s’était arrêté de battre.
Face à son torse et à son visage, le morceau de verre reflétait une
physionomie hideuse, aux traits grossiers, quasi simiesques, aux yeux enfoncés,
étincelants, dont la bouche, dépourvue de lèvres et affligée d'une longueur
énorme, entrouverte, révélait une paire de canines si épaisses et si pointues,
de dimensions si impressionnantes qu'elles n'étaient pas sans faire penser à
celles d'un redoutable babouin.
Avant même qu'il ait le temps de se mettre à cogiter pour essayer de
comprendre, il vit, par dessus le marché, s'élever, depuis le bas du miroir, un
gigantesque poing velu qui, avec une fulgurance de météore, se projeta hors du
reflet et vint directement s'abattre en plein centre de sa figure, laquelle lui
donna l'impression d'éclater.
Sur ce, toute lumière s'effaça sans attendre; ce fut le noir total.
Tout juste le malheureux Maxime se sentit-il perdre
l'équilibre, basculer en arrière; il tomba à la renverse et
perdit totalement connaissance.
Patricia Laranco
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