samedi 31 mai 2014

MUR, un texte de Patricia LARANCO.

Des visages tout naturellement inscrits dans la lumière. Comme si c’était eux, et non le soleil, qui la produisaient.
Des visages comme tout naturellement taillés dans la joie de vivre; comme procédant directement de la luminosité des pierres.
Les gestes des enfants, dans l'innocence orangeâtre de l'air, le long des lignes de crêtes douces, mais durement ravinées, scarifiées, éventrées par les pelleteuses.
Leurs cris de joie, de peine et de colère. Qui sont toujours là.
La rondeur duveteuse de leurs joues-pêches bien rebondies, tout juste émergées de l'âge lacté, protégé, chaud, doré de la prime enfance.
La limpidité large, déconcertante, de leurs immenses yeux, de leurs interminables cils courbes, qui errent, qui interrogent sans relâche.
Leurs bondissements de farfadets, de garçonnets méditerranéens, qui n'ont d'autres horizons que la caillasse jaune, les rangs poussiéreux d'oliviers aux têtes grises de vieux penseurs grecs, le ciel trop bleu, bien trop fixe - qui n'est quelquefois guère plus qu'un haut et lent, lancinant ballet de vautours minuscules en rotation autour de la masse bulbeuse, orageuse de l'astre du jour - et le Mur. Ce Mur qui les exclut. Arrête leurs pas. Tétanise leurs bonds agiles, vifs de petits cabris dorés des collines douces et blondes.
Ce Mur, parfois grillage griffu, qu'ils empoignent, secouent avec hargne. Parfois, mur, au plein sens du terme : lisse, droit, compact, abrupt et nu. Stérile; plus brutal qu'un couperet. Laid. Irrémédiablement laid. A l'instar de tout ce qui nie. Comme tout ce qui arrête en plein vol l'élan du vent et de l'espace. Comme tout ce qui interrompt, fauche la course libre, confiante des enfants. Leur rire.






Patricia Laranco,
Le 29 mai 2014.

1 commentaire:

  1. Il a poussé , cette nuit
    Un mur , au fond de l’allée
    Il barre le jardin , de gris
    Et même l’allée dallée

    Si je ne peux pas passer au travers
    Et te voir de l’autre côté
    Comme d’une paroi en verre
    Avec l’échelle des songes , l’ôter

    —–> Je vais l’habiller de lierre
    Ou le peindre de ton visage,
    Enlevant une par une, ses pierres
    Qui bousculent le paysage.

    Je vais dessiner une fenêtre
    Pour que rentre la lumière
    C’est quand même , peut-être
    Somme toute, affaire d’imaginaire

    Le coucher sur le sol,
    Le mettre en suspension,
    Et faire que s’envole
    L’ombre et l’oppression…

    Tout ce que les murs murent,
    Et l’ennui, l’enfermement
    Ce que le prisonnier endure,
    Quand durement , le mur ment.

    Il n’y aura plus, sur place
    Que son dessin dans le jardin,
    –Ton sourire qui remplace,
    Tout ce que j’avais peint.

    -
    RC

    -----------> visible sur : http://ecritscrisdotcom.wordpress.com/2012/11/28/mur-ment-rc/

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