vendredi 9 mai 2014

RÉFLÉCHISSONS UN PEU...

Plus les gens seront narcissiques, plus ils seront nombrilistes, moins ils auront tendance à accepter de se remettre en cause et, donc, à accepter d’évoluer. Ils y perdront en lucidité, cependant qu’ils y gagneront grandement en mauvaise foi et en malhonnêteté intellectuelle. Mais, à terme, au-delà de l’immédiat gain en confort moral, cela leur profitera-t-il ?





Si l’on part du principe que l’humanité est une, et ne forme donc qu’un unique et gigantesque « corps social », il est, en soi, intolérable qu’en son sein, certains individus et certains groupes d’individus se trouvent, au plan des moyens de survie et des conditions d’existence, outrageusement favorisés par rapport à d’autres individus et à d’autres groupes.





Ce que nous voyons, ce n’est que ce que notre cerveau nous dépeint du monde. Or, il le fait à sa manière. Conformément à sa structure et à sa façon de fonctionner.
Il ne faut jamais le perdre de vue.
Notre perception n’est – et ne sera jamais – que notre perception.
C’est sans doute pour cela que nous avons tant besoin des mathématiques et de la technologie, pour mieux voir, pour mieux connaître.





La « vie d’artiste », ce n’est qu’une fuite en avant sans mesure, permanente.





La réalité est toujours, peu ou prou, fâchée avec le poète.





L’heure ne serait-elle pas un leurre ?









Ecrire, c'est, d'abord, une hésitation, un tâtonnement. Un jeu de hasard, dans lequel chaque texte, à tout prendre, n'est qu'une approximation de ce qu'il devrait être.
Ecrire, cela se brode autour du manque, du hasard et de l'interstice. Cela se trame toujours autour de la rage fugace propre à l'éclair. Un peu comme une chasse aux lucioles au beau milieu de la nuit noire.





Ce que la poésie se propose de faire, au fond, c'est d'habiller les mots de chair. C'est de lutter, pied à pied, pour leur conférer enfin relief.
Comme en réponse à l'infini vide qui sous-tend, irrigue et décolore la vie.





Qui devinerait que l'ossature, l'armature du monde, sa charpente n'est, en fait, qu'un immense vide, qui résonne si creux- si infiniment creux ?




Nous apprécions que les réponses à nos questions soient nettes et claires. Mais, hélas pour nous, combien d’entre elles ne sont ni « oui », ni « non », mais « oui et non », « plus ou moins » ?





On ne peut pas réussir- on ne peut pas même vivre – sans un minimum de confiance en soi. « Casser » un être dans son âge tendre, c’est, presque automatiquement, l’amoindrir, le faucher dans son élan vers la vie et vers l’avenir et donc, le vouer à un échec certain.
Ce qui caractérise, en tout premier lieu, les individus appartenant à des groupes dominés (tels, par exemple, les femmes et les gens issus de populations placées sous le joug d’autres peuples), c’est le manque patent de confiance en eux-mêmes, de CROYANCE en eux-mêmes. Il ne suffit, hélas, pas d’ « être là » pour prendre, et pour tenir, de plein droit, sa place dans le monde. La foi que nous avons – ou non – en nous-mêmes, elle nait dans le regard des autres. Lui-même déterminé par toute une société, toute une Histoire.





S’il nous arrive si souvent de préférer le passé à l’avenir, c’est qu’il a, à nos yeux, l’avantage d’être arrêté, d’être fixé une bonne fois pour toutes. On le connait. Il a points de repères, couleurs et contours bien précis. On peut le regarder sans craindre  de lui la moindre surprise, ni la moindre incertitude.





La « gentillesse » d’une femme, le soutien et la sollicitude qu’elle pourra apporter à telle ou telle personne sont, dans notre société, considérés comme « naturels » et par conséquent comme un droit, un dû. Ainsi, les femmes sont-elles presque automatiquement, tôt ou tard, condamnées à une certaine dose, à une certaine forme d’amertume.
C’est, le plus souvent, au moment où elle s’aperçoit qu’elle n’est pas véritablement considérée comme un être humain à part entière que la femme se métamorphose en « veille sorcière » ou en « harpie hystérique ».




Ce qui est dommage, ce qui est sans doute l’une des choses les plus regrettables qui soient au monde, c’est de voir le savoir assimilé par beaucoup à une forme de pouvoir. De ce fait, les gens peu instruits finissent par rejeter en bloc la notion même de culture. Par orgueil blessé, ils font de l’instruction un objet de méfiance, voir carrément, dans certains cas, le motif d’une sorte d’ « allergie ». En sus, leur paresse intellectuelle et leur doute profond vis-à-vis de la démarche d’apprendre se trouvent fréquemment flattés par des démagogues populistes tels, pour prendre des exemples historiques bien connus, Mao Zedong, Pol Pot ou Hermann Goering (« quand j’entends le mot « culture », je sors mon revolver »). On encense un idéal d’inculture qui serait forcément lié à toute culture populaire et qui serait donc, par essence, « anti-aristocratique » et « anti-bourgeois ». De ce fait, on favorise le cloisonnement social et l’élitisme millénaire (quoique ce soit dans l’autre sens).
Non, la culture n’appartient en propre à aucun « milieu », je le soutiens. Apprendre est un réflexe inné, directement issu de la curiosité humaine, laquelle est une donnée fondamentale, inhérente à notre nature même. Seules, les contraintes sociales pèsent, qui mettent bien fréquemment des barrières (c’est dans les environnements bourgeois que l’on stimule le plus et le plus efficacement la curiosité intellectuelle des enfants et des jeunes).
Ce n’est pas la culture qui fait le bourgeois, ou la créature embourgeoisée. C’est l’argent, le mode de vie, et une certaine tournure d’esprit.
Voir dans son instruction un « plus », une espèce de « capital » qui serait lié à la « classe », un prétexte à « regarder de haut » la « masse » des incultes et des frustes est, justement, quelque chose de profondément « anti-culturel ». Parce que c’est, tout bonnement, l’indice d’une imbécillité crasse, doublée d’une fierté stupide.
Mais il est vrai, aussi, que les gens se regroupent par « affinités ». Ils ont une nette et naturelle tendance à se fréquenter entre individus parlant « le même langage », partageant les mêmes codes. Communiquer avec ses « pairs » demande nettement moins d’effort qu’aller vers des gens de milieux trop différents. Il en résulte, presque automatiquement, des « entre soi » qui n’ont aucun mal à se « greffer » sur les divisions et séparations sociales traditionnelles. C’est comme cela, sans doute, que la (les) « culture(s) de classe » se perpétuent, du moins dans nos sociétés postmodernes, qui cultivent pourtant une relative fluidité sociale.





Est-ce que l’hédonisme et l’égoïsme donnent un sens à la vie ?
L’Homme a besoin, certes, de vivre mieux, de moins subir de frustrations, de manques, mais n’a-t-il pas également un impérieux besoin de SENS ?
L’abondance pour l’abondance et le plaisir pour le plaisir, à longueur de temps, ne font-ils pas que nous abrutir, quand, au bout du compte, ils ne nous plongent pas dans une certaine forme d’ennui, de vie où le désir, à force d’être comblé,  à force d’être anticipé, s’annihile de lui-même ; l’hyper-sécurité ne débouche-telle pas sur un monde qui, purgé de toute surprise, en devient incolore, « stone » comme disait une certaine chanson ?
Le nombrilisme ne fait-il pas le lit d’une dangereuse vacuité sociale ?
Le « trop » n’encourage-t-il pas la ronde sans fin des « états d’âme » ?
Comment expliquer que ce soit dans les pays et sur les continents les plus sécures - les plus acquis aux valeurs néo-libérales du capitalisme occidental que l’on constate les plus forts taux de dépression, d’addictions, d’angoisse chronique et de suicide ?





L’image de nous-mêmes que nous laisserons après notre mort sera forcément terriblement  incomplète, tronquée et déformée. Et cependant elle sera le seul reflet de cet ensemble si complexe, si riche, si mobile que nous avons été. Rien qu’un frêle reflet, affaibli, opacifié par le tamis du souvenir d’autres personnes. Dénaturé par la tendance que possèdent tous les cerveaux humains à exagérer ; à broder ; à se méprendre ; à ne se fier qu’à l’écume toute superficielle de l’affleurement, de l’apparence. Aussi ténu aussi tremblant, somme toute, que le reflet fantôme de quelque astre mort sous forme de minuscule étoile.





Depuis que le monde est monde, il en va ainsi : le pauvre, le défavorisé demeure solidaire des siens, revendicateur et contestataire du « système » tant qu’il « rame » et continue de « ramer » péniblement dans sa « galère » ; mais parvient-il à s’en extraire, à s’embourgeoiser tant soit peu qu’il devient instantanément un « petit-bourgeois » très attaché aux valeurs du même « système », et désireux – dans une mesure parfois presque indécente – d’oublier tout de la condition pénurique et humiliante qui fut la sienne auparavant. Il devient, en un mot comme en cent, ce qu’il est convenu d’appeler un « parvenu ». Loin de l’inciter à persister dans sa fidélité à son milieu, à ses solidarités d’origine et /ou à son rêve de justice sociale, sa réussite (si modeste soit-elle) l’encourage, tout au contraire, à cultiver l’amnésie sélective des « mauvais moments » et le voilà qui, calmé, reconduit, reproduit ledit « système » sans états d’âme. Sa position nouvellement acquise et les nombreux avantages d’ordre matériel qu’elle lui apporte en font, subitement, un être d’abord avide de jouir de tout ce qu’il a acquis, y compris du « prestige ».
Et le « système » - un système injuste – peut bien continuer à dormir sur ses deux oreilles.
L’ascension sociale et l’espoir puissant qu’elle suscite et qu’elle entretient sans cesse fonctionnent comme ces morceaux de sucre tentateurs ou ces dragées qu’on tient bien haut au-dessus de la gueule grande ouverte et bavante de convoitise d’un malheureux chien.
Le cortège d’inégalités, de mépris et de rabaissements qu’entretient ce système, fondé sur la domination et sur la hiérarchie se perpétue avec constance.
L’individualisme, dans toute son horreur, dans toute sa bêtise à courte vue, est bel et bien la clé de voûte de l’organisation capitaliste.
Le « chacun pour sa pomme », l’oubli –jusqu’à l’aspiration molle et bêlante au « peace and love » et au « vivre ensemble » généralisés (excluant, donc, toute lutte des classes), convergent tous vers le même résultat : le maintien têtu du statu quo et l’invalidation de toute démarche visant à remettre en cause et à modifier la donne.
On pourrait rêver d’un système plus juste, d’un authentique système de répartition des richesses, de PARTAGE, et œuvrer à sa mise en place. Mais l’avidité, le narcissisme, l’attachement invétéré au superflu et au sentiment de « rehaussement », voire de puissance que procure l’acquisition des positions sociales dominantes sont trop inébranlables pour que cela dépasse le stade nébuleux du songe, du vœu pieux de pure poésie. Chacun veut plus. Toujours plus. Au détriment des autres (qui sont, parfois, des millions). Ça n’en est que meilleur.
Et l’injustice perpétue sa loterie ; ses vieux socles inamovibles ; ses formes neuves.





Les mots nomment les choses et dédoublent le monde. Ils sont un réel ajouté, superposé à celui-ci.
Tout à la fois, ils lui confèrent un surcroit d’être et un moins de présence.





Nous rêvons de « machine à remonter le temps », la plupart du temps sans savoir que nous la possédons déjà – et ce depuis belle lurette, cette fameuse « machine ». Que faites-vous de notre mémoire ?
Nous évoquons également, toujours au détour de nos rêves – et cette fois dans le registre spatial – l’ubiquité. Mais ce don-là ne nous est-il pas déjà conféré par notre mental même ?








P. Laranco.




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