Et il y aura
donc cet acharnement. Le seul dont il soit capable. Il ne s’arrêtera pas
d’écrire, il écrira tous les jours, systématiquement, il plongera en soi, dans
son corps revêtu de lagunes, il plongera dans ses méandres, ses contradictions,
ses folies, il fera de la matière de son corps et du corps de celle qu’il aime
des mots, il fera de tous les visages de son corps des mots, il fera de son
corps un prétexte à la littérature. Et cet acharnement ne cédera à aucun compromis. Il doit aller au bout de cette chose qui est en lui, cet indicible,
ce qu’il ne peut nommer, cette chose qui l’habite depuis toujours, cette chose
qui a la faculté de se transmuer en mots et de devenir beauté. Il est en quête
de cette beauté, il désire cette beauté, beauté qui communie avec le corps des
autres, beauté qui est une possible immortalité. Il sait cette beauté mais il
ne sait s’il en est capable. Ou si parfois. C’est ce qu’on lui dit. Quand la
grâce veut bien le toucher. Mais il est une autre beauté, beauté céleste, faite
de mots mais qui va au-delà des mots, beauté inaccessible, à tout jamais
peut-être mais il s’efforcera de l’étreindre, de l’accaparer. Cette quête a un
prix. On n’y parvient qu’en faisant l’offrande de son corps, en le sacrifiant
sur l’autel de la discipline, de l’acharnement. Mais il est prêt désormais. Son
désir a subi sa mue. Il a éloigné ses démons, le doute, la comparaison, la
peur, il les a relégués dans ses obscurités. Ils surgiront de temps à autre
mais il est désormais bien armé pour les dissiper. Il en va après tout du sens
de sa vie. Il s’agit donc parfois de douter mais le doute doit être le ferment
de l’écriture. Il s’agit de comparer mais de se comparer avec soi-même. Il
s’agit d’avoir peur mais une peur qui génère les mots. Il est désormais prêt.
Il est rendu à la nudité de son désir. Il est désormais un enfant. Il est au
seuil des mots, cette étendue sans frontières et il délasse son corps, corps
devenu fluide qui se mêle au fluide des mots, corps devenu mots, mots devenus
corps.
Umar TIMOL.
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