L’aphorisme
est un art difficile, percutant, qui n’admet pas l’erreur. Il doit « frapper »
tout de suite, de façon fulgurante, et, aussitôt, faire mouche. Car, selon l’heureuse
définition qu’en donne l’auteur (et dont il a fait le titre de cette minuscule
plaquette), il n’est pas autre chose que de la poésie pour gens pressés.
On connaissait
déjà les talents de poète, et ceux, plus récents, de romancier, de l’écrivain
mauricien Umar TIMOL. Le voilà maintenant qui révèle une toute autre facette de
lui-même.
Loin du
bouillonnement lyrique, tragique et dense de sa poésie, loin aussi de l’atmosphère
tourmentée, de la virulence également très lyrique et poétique que recèlent ses
deux récits romanesques, il met ici à contribution son esprit vif, piquant, mordant
et facétieux, son regard singulièrement aiguisé, si prompt à débusquer les « bancaleries »
et autres « grotesqueries » du monde pour nous donner ce livre,
véritable petit bijou d’observation, de savoureuse rosserie et de sagesse
désabusée.
Sa
vision du monde est, sans conteste, dominée par un certain pessimisme. Mais l’humour
décapant, le sens de la formule qui fait ici des étincelles, compensent
largement ce fond plutôt sombre.
Cynique,
blasé, parfois volontiers féroce et quelque peu misogyne, Umar Timol ?
Certes,
mais comme il sait bien « déshabiller le monde », en faire ressortir
les aspects, si ce n’est l’essence, tragicomiques !
Comme il
a l’art de nous surprendre, de nous déstabiliser, mais aussi de nous détendre,
de nous arracher des éclats de rire !
Ce mince
ouvrage – facilement transportable dans un sac à main – est un authentique feu
d’artifice de maximes parfois d’une justesse confondante : La sagesse
est œuvre d’équilibriste ; Amour sans les supercheries de l’apparence
et les malentendus du désir ? De l’amitié ; Poète : révolté du dimanche ;
Fanatique :
être que l'ambiguïté terrorise ; Petit-bourgeois : personnes
qui imitent désespérément les riches et qui fuient désespérément les pauvres ; Nous avons tous des préférences
musicales mais nous chérissons surtout les concerts de nos louanges.
Il n’a rien à envier au niveau des plus grands auteurs en la matière :
Oscar Wilde, Sacha Guitry ou Malcolm de Chazal.
On y distingue
un certain nombre de préoccupations, de thèmes, dont beaucoup se retrouvent
également dans le reste de l’œuvre de cet auteur : l’amour, la beauté, la
littérature, l’innocence, la lucidité, la finitude, le narcissisme, la comédie
sociale, la frustration.
Poète et
philosophe, Umar Timol est, on le sent fort bien dans ce livre, pleinement
immergé dans le monde, pleinement sensible, redoutablement attentif. Quoique
distancié (par la force des choses : c’est une des exigences de l’exercice),
il fait pleinement corps avec son temps ; et ce brillant mélange d’attention
et de distanciation observatrice atteint – là aussi on ne peut plus pleinement –
son objectif. Il nous touche, il nous régale et il nous procure un grand
plaisir intellectuel.
Peu de
choses échappent à cet esprit subtil, à cette sensibilité perpétuellement en
éveil, portée tant à l’introspection qu’à la mise à nu de ses semblables, qui
dissimule la profonde humanité de ses sentiments, ainsi que son idéalisme
foncier sous des dehors souvent légers
et, comme je l’ai signalé déjà, volontiers sarcastiques.
Le mariage
et la routine se ressemblent comme deux gouttes de cyanure.
Marée :
lune qui aguiche la mer.
La jeune
fille est une fleur bleue qui ingurgite de l’eau de rose.
Humaniste :
homme de salon plutôt que de terrain.
Le cynisme
est l’âme-sœur de la dépression.
La voiture
véhicule l’égo, le cercueil son trépas.
L’amour est
un hasard qui s’aventure sur le chemin du destin.
La conversation,
c’est s’écouter avec les oreilles des autres.
P.
Laranco.
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