jeudi 15 janvier 2015

L'écrivain mauricien Umar TIMOL s'exprime de nouveau...

COMPRENDRE.



Comprendre d’abord la douleur des proches des victimes de ces actes barbares. Comprendre que des journalistes, qui n’avaient pour armes que leurs plumes, ont été assassinés par des monstres. Comprendre que la liberté d’expression est un droit fondamental, que chacun est libre d’exprimer son opinion, quelle qu’elle soit. Comprendre qu’il faut aussi savoir manier cette liberté car il est essentiel de respecter les autres. Comprendre que rien ne peut justifier de tels crimes. Comprendre le sentiment de révolte des Français face à une violence qui s’en prend à leurs valeurs. Comprendre ceux qui disent être Charlie car ils tissent ainsi un lien de solidarité avec les victimes et réclament le droit à la liberté d’expression. Comprendre ceux qui, tout en condamnant ces actes, disent ne pas être Charlie car ils n'aiment pas le contenu de cette publication. Comprendre la peur des Occidentaux qui voient en l’Islam une menace qui guette leur civilisation, leur manière d’être. Comprendre que ces actes sont le fait de fanatiques qui ne représentent en rien les musulmans. Comprendre que la vie d’un Européen n’est pas moindre que celle d’un musulman, ou d’un habitant du tiers-monde et que la vie de ce dernier a droit de cité dans les médias. Comprendre le sentiment de frustration des musulmans face à la violence symbolique des médias dominants, face à une situation coloniale qui perdure (Iraq, Israël). Comprendre que des forces obscures sont à l’œuvre pour semer la haine et la zizanie et qu’il nous faut faire preuve de la plus grande vigilance, qu’il ne faut pas céder à l’émotivité et à l’hystérie. Comprendre que faire de l’autre un bouc-émissaire est ouvrir la porte à tous les excès. Comprendre que la politique du blâme, celle qui consiste à rendre l’autre responsable de ses échecs, est dangereuse. Comprendre qu’on ne peut perpétuellement pratiquer une politique de deux poids, deux mesures. Comprendre la nécessité de l’autocritique, on doit ainsi avoir un rapport critique à soi-même, à son identité, à sa « civilisation ». Comprendre qu'on ne peut résoudre les problèmes à coup de slogans faciles. Comprendre que la violence engendre la violence, qu'on ne peut se battre ici pour les droits des hommes et là-bas soutenir des dictateurs sanguinaires. Comprendre que cet aveuglement qui consiste à croire que sa « civilisation » ou sa « religion » est supérieure à celle de l’autre a de graves conséquences. Comprendre qu'il faut en finir avec tous les terrorismes, ceux de l'état (souvent légitimé par certains medias) et ceux des extrémistes. Comprendre qu’il faut éviter les raccourcis de l’esprit, les stéréotypes, la caricature, qu'on ne peut se dispenser d'analyser le monde dans sa complexité. Comprendre que notre impératif est celui de la raison, qu’elle doit être la lumière qui guide notre réflexion. Comprendre qu’il ne faut pas se tromper d’ennemi, que nous avons plus de choses en commun qu’on ne le croit et qu’il faut s’engager contre les « vrais » problèmes, qui concernent tout le monde. Comprendre qu’on met sur pied des stratégies complexes et subtiles afin de détourner l’attention des peuples de ces « vrais » problèmes. Comprendre qu’on ne parviendra à rien sans le dialogue et que ce dialogue suppose une faculté d’écoute de l’autre, d’empathie. Comprendre que nous sommes, au-delà de toutes les différences, des humains et que nous sommes, plus que jamais, liés à un seul destin et à un même partage et qu’il n’est, au bout du compte, qu’une seule permission, celle de la paix, autrement nous nous acheminons vers l’anéantissement.




Umar TIMOL



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