Est-ce
dû au fait que je trimbale en moi tant de sangs mêlés, tant d’origines et tant
de cultures diverses ou à celui d’avoir vu mon frère aîné « mourir pour un
pays » qui n’a jamais été avare de boucheries patriotiques et
impérialistes ?
Toujours
est-il que mon cœur – me semble-t-il – est foncièrement, fondamentalement
apatride.
Ici
ou là…là ou ailleurs…force m’est d’avouer en ce qui me concerne que cela ne
fait pour ainsi dire pas de différence.
Apatride,
cosmopolite, « citoyenne du monde »… l’idée de nation me pèse, me
parait creuse.
Il
y a, dans le fait même d’être, de vivre, quelque chose qui nous échappe sans
cesse. Mais pourquoi ne comprenons-nous pas, pour quelles raisons
admettons-nous si mal le fait que nos vies ne sont que suites, que déroulements
d’images en mouvement perpétuel ? Que l’instabilité préside à tout, y
compris à nous-mêmes ?
Que
nous nageons dans la fiction de notre propre identité, de notre propre être en
tant que nous nous le représentons et cherchons à le présenter comme une entité
arrêtée, comme une unité compacte, fixe ?
Vivre
en harmonie avec les choses, n’est-ce pas en premier lieu vivre en harmonie
avec leur caractère changeant, mobile, fugitif, avec l’incessante métamorphose qui les
habite et qui les pousse – du fait de leur nature même ?
Si
nous étions vraiment dans un tel cas de figure, ressentirions-nous cette
impression souvent si tenace, si insistante que l’entropie, que le mouvement
temporel à l’œuvre au plus intime de toute chose sont une sorte de menace, de
négation douloureuse de notre propre être ?
Les
langues sont « vivantes » car produites par des individus vivants. A
ce titre, elles ne sauraient échapper, elles n’échappent pas au grand principe
d’évolution qui régit tous les phénomènes liés au vivant. Elles évoluent, plus
ou moins lentement, par déformation, par changement de la prononciation des
mots, par tendance à la simplification, au relâchement des règles, par emprunts
dus au contact avec d’autres idiomes.
Une
langue, au fil des millénaires, des siècles, se dégrade, se transforme, se mue
en une ou des langues filles. Il n’est que de voir, par exemple, le rapport du
Français au Latin, ou celui, plus proche encore de nous, du Français aux
Créoles.
Vouloir
figer une langue, lui garder sa pureté ad vitam aeternam est une vue de l’esprit,
et d’un esprit particulièrement autoritaire, rigide et irréaliste.
Quand
les émotions se déchaînent, elles ont souvent une force telle qu’elles balayent
les mots à la manière des mascarets qui, en montant, balayent tout ce qui vit
et tout ce qui se dresse sur leur passage. Ceux-ci deviennent inopérants,
impuissants à dire, à rendre compte de ce que nous ressentons avec beaucoup
trop de vigueur, de ce qui nous submerge, nous étrangle presque. Lorsqu’une
émotion trop puissante s’attache encore à un souvenir, on peine à trouver les
mots adéquats pour évoquer ce dernier, car l’émotion ne nous permet toujours
pas d’adopter la distanciation indispensable à toute analyse, et à toute
formulation langagière.
Difficile
d’écrire sur une plaie lorsque cette dernière est encore à vif !
Les
femmes, en général, n’aiment pas trop voir l’une des leurs réussir, sortir du lot,
se projeter en pleine lumière.
Trop
souvent, c’est leur jalousie qui les pousse à préférer la perpétuation de l’ordre
machiste, lequel maintient les femmes « à égalité » entre elles dans
l’ombre commune. Cela leur convient, et ce quelques soient par ailleurs les
récriminations contre l’inégalité des sexes qu’elles peuvent émettre. Paradoxe ?
Je ne sais, toujours est-il qu’elles supportent mieux, la plupart du temps, de
se sentir « inférieures » à un homme plutôt qu’à une autre femme.
Traditionnellement, leur solidarité, quand elle existe, a pour seul et unique
cadre leur passivité d’opprimées, leurs souffrances.
L’Homme
est un tissu de contradictions, de complexités. C’est ce qui explique qu’il
puisse être tout à la fois supérieurement intelligent et suprêmement,
insupportablement con.
Le
manque est un grand appel d’air.
Détruire
l’enfance de quelqu’un, c’est détruire une bonne part de sa vie.
Les
véritables fantômes sont dans notre mémoire…et peut-être, qui sait, dans la
mémoire que gardent l’air, les lieux de ce qui fut.
On
peut être légitimement fier de ce que l’on a accompli, mais ce n’est pas – cela
ne sera jamais - pour autant une raison pour inférioriser et pour mépriser ceux
qui n’en ont pas autant accompli, car, à différents degrés et sous différents
modes, nous accomplissons tous quelque chose.
La
fatuité est un des apanages de la bêtise.
Il
y a une véritable joie à aimer, à faire le bien, et à donner aux autres de la
chaleur humaine.
Incomplets
et inaccomplis sommes-nous et ainsi, toujours en quête.
Incomplet
et inaccompli est le monde, toujours en devenir.
Chaque
époque se croit affranchie du passé. Alors qu’elle n’en est, tout bonnement,
que l’héritière.
Un
jour, la nôtre sera aussi le « passé ringard » d’un autre « temps
neuf ». Soi-disant plus glorieux, plus accompli, plus inventif, plus « avancé ».
Patricia
Laranco.
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