vendredi 15 mars 2013

Réflexions (sur tout et rien).


Est-ce dû au fait que je trimbale en moi tant de sangs mêlés, tant d’origines et tant de cultures diverses ou à celui d’avoir vu mon frère aîné « mourir pour un pays » qui n’a jamais été avare de boucheries patriotiques et impérialistes ?
Toujours est-il que mon cœur – me semble-t-il – est foncièrement, fondamentalement apatride.
Ici ou là…là ou ailleurs…force m’est d’avouer en ce qui me concerne que cela ne fait pour ainsi dire pas de différence.
Apatride, cosmopolite, « citoyenne du monde »… l’idée de nation me pèse, me parait creuse.



Il y a, dans le fait même d’être, de vivre, quelque chose qui nous échappe sans cesse. Mais pourquoi ne comprenons-nous pas, pour quelles raisons admettons-nous si mal le fait que nos vies ne sont que suites, que déroulements d’images en mouvement perpétuel ? Que l’instabilité préside à tout, y compris à nous-mêmes ?
Que nous nageons dans la fiction de notre propre identité, de notre propre être en tant que nous nous le représentons et cherchons à le présenter comme une entité arrêtée, comme une unité compacte, fixe ?
Vivre en harmonie avec les choses, n’est-ce pas en premier lieu vivre en harmonie avec leur caractère changeant, mobile, fugitif, avec l’incessante métamorphose qui les habite et qui les pousse – du fait de leur nature même ?
Si nous étions vraiment dans un tel cas de figure, ressentirions-nous cette impression souvent si tenace, si insistante que l’entropie, que le mouvement temporel à l’œuvre au plus intime de toute chose sont une sorte de menace, de négation douloureuse de notre propre être ?



Les langues sont « vivantes » car produites par des individus vivants. A ce titre, elles ne sauraient échapper, elles n’échappent pas au grand principe d’évolution qui régit tous les phénomènes liés au vivant. Elles évoluent, plus ou moins lentement, par déformation, par changement de la prononciation des mots, par tendance à la simplification, au relâchement des règles, par emprunts dus au contact avec d’autres idiomes.
Une langue, au fil des millénaires, des siècles, se dégrade, se transforme, se mue en une ou des langues filles. Il n’est que de voir, par exemple, le rapport du Français au Latin, ou celui, plus proche encore de nous, du Français aux Créoles.
Vouloir figer une langue, lui garder sa pureté ad vitam aeternam est une vue de l’esprit, et d’un esprit particulièrement autoritaire, rigide et irréaliste.



Quand les émotions se déchaînent, elles ont souvent une force telle qu’elles balayent les mots à la manière des mascarets qui, en montant, balayent tout ce qui vit et tout ce qui se dresse sur leur passage. Ceux-ci deviennent inopérants, impuissants à dire, à rendre compte de ce que nous ressentons avec beaucoup trop de vigueur, de ce qui nous submerge, nous étrangle presque. Lorsqu’une émotion trop puissante s’attache encore à un souvenir, on peine à trouver les mots adéquats pour évoquer ce dernier, car l’émotion ne nous permet toujours pas d’adopter la distanciation indispensable à toute analyse, et à toute formulation langagière.
Difficile d’écrire sur une plaie lorsque cette dernière est encore à vif !



Les femmes, en général, n’aiment pas trop voir l’une des leurs réussir, sortir du lot, se projeter en pleine lumière.
Trop souvent, c’est leur jalousie qui les pousse à préférer la perpétuation de l’ordre machiste, lequel maintient les femmes « à égalité » entre elles dans l’ombre commune. Cela leur convient, et ce quelques soient par ailleurs les récriminations contre l’inégalité des sexes qu’elles peuvent émettre. Paradoxe ? Je ne sais, toujours est-il qu’elles supportent mieux, la plupart du temps, de se sentir « inférieures » à un homme plutôt qu’à une autre femme. Traditionnellement, leur solidarité, quand elle existe, a pour seul et unique cadre leur passivité d’opprimées, leurs souffrances.



L’Homme est un tissu de contradictions, de complexités. C’est ce qui explique qu’il puisse être tout à la fois supérieurement intelligent et suprêmement, insupportablement  con.



Le manque est un grand appel d’air.



Détruire l’enfance de quelqu’un, c’est détruire une bonne part de sa vie.



Les véritables fantômes sont dans notre mémoire…et peut-être, qui sait, dans la mémoire que gardent l’air, les lieux de ce qui fut.



On peut être légitimement fier de ce que l’on a accompli, mais ce n’est pas – cela ne sera jamais - pour autant  une raison pour inférioriser et pour mépriser ceux qui n’en ont pas autant accompli, car, à différents degrés et sous différents modes, nous accomplissons tous quelque chose.



La fatuité est un des apanages de la bêtise.



Il y a une véritable joie à aimer, à faire le bien, et à donner aux autres de la chaleur humaine.



Incomplets et inaccomplis sommes-nous et ainsi, toujours en quête.
Incomplet et inaccompli est le monde, toujours en devenir.



Chaque époque se croit affranchie du passé. Alors qu’elle n’en est, tout bonnement, que l’héritière.
Un jour, la nôtre sera aussi le « passé ringard » d’un autre « temps neuf ». Soi-disant plus glorieux, plus accompli, plus inventif, plus « avancé ».




Patricia Laranco.

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