Même si on peut ne pas forcément adhérer à tout ce qu’il énonce
et propose, ce livre de 336 pages a, au moins, le mérite d’attirer, de
focaliser notre attention sur une découverte capitale au plan anthropologique,
mais récente, et par conséquent encore assez largement ignorée du grand public,
même « cultivé » : celle du rôle que joue le MIMETISME propre
aux primates dans le fonctionnement de la psyché humaine (qui fut pointé du
doigt, d’abord, par les thèses du philosophe français René GIRARD dans les
années 1960) ainsi que de son soubassement biologique, les NEURONES-MIROIRS
(effectuée en 1996, en Italie, par Giacomo RIZZOLATTI, par le truchement du PET scan et de l’IRM fonctionnelle),
répartis tout aussi bien dans notre cerveau limbique (Le deuxième cerveau, émotionnel et affectif) que dans notre cerveau
« raisonnant » (Le premier cerveau,
cognitif et rationnel).
Pour la toute première fois, une réalité d’ordre psychologique
se trouve solidement étayée scientifiquement par des confirmations d’ordre
strictement biologique ! Et ce, au moment même où la psychiatrie se trouve
dans une certaine impasse…
Audacieusement, le psychiatre français Jean-Michel OUGHOURLIAN (
lequel travailla avec René GIRARD) s’attelle à la tâche d’essayer de la faire sortir
de cette ornière en suggérant non seulement une explication mimétique de l’humain,
mais aussi un mode d’appréhension et de traitement « miméticien » des
diverses maladies mentales, qui, toutes, seraient dues à un dérèglement de l’harmonie
entre nos trois cerveaux : le cortex, le cerveau limbique et le cerveau
social (mimétique et relationnel), à
savoir le troisième cerveau que
constituent les neurones-miroirs.
Selon Oughourlian, ce troisième cerveau serait tout puissant.
On soupçonne déjà très fortement qu’il détermine aussi bien nos
facultés de solidarité, de compassion et de communion (grâce à l’empathie, à la
THEORIE DE L’ESPRIT) et nos facultés d’apprentissage que notre esprit de rivalité, quelquefois si pesant et si
lourd de conséquences (imiter, dans le sens de « détrôner » le modèle, s’approprier ce qu’il est et ce
qu’il a ou, si l’on ne peut l’obtenir, tenter de le détruire).
Et il faut bien avouer que, pour peu que l’on y regarder avec
plus d’attention, cela saute aux yeux : chez l’Homme (encore plus que chez
les singes, ses plus proches parents animaux), tout est affaire d’identification
et d’imitation.
Parce que nous sommes des êtres ultra-sociaux, ultra-dépendants
à la base, on peut dire qu’en un certain sens, nous sommes tous des imitateurs,
des êtres programmés pour mimer, très perméables, au moi propre par voie de
conséquence instable et illusoire.
Mais pourquoi avons-nous mis tant de temps (historique) pour nous
en aviser ?
Pourquoi le fait de l’accepter, de l’admettre individuellement
provoque-t-il, en nous, autant de résistances ?...
Cela signifie-t-il que nous sommes, dans notre grande majorité,
affligés de troubles mentaux (plus ou moins graves) ?
A sa façon, ce livre tente d’apporter, à ces questions, des
éléments de réponse.
De son propre aveu, l’auteur nous propose une nouvelle grille de lecture.
Alors, une révolution copernicienne version psy est-elle sur le
point d’éclater ?
C’est ce qu’appelle vivement de ses vœux l’auteur de cet ouvrage
manifestement porté par l’enthousiasme et d’une remarquable ambition.
Reste que la recherche sur les neurones-miroirs et leur nature
est encore loin d’être terminée. La complexité extrême de notre cerveau, d’autre
part, peut-elle se réduire à des « schémas », des grilles de lecture
uniques et simples, comme celle qu’on nous présente ici ?
Bon. Malgré ce qu’en dit le neurologue américain Robert
Sylvester [cité page 122] : La
découverte des neurones-miroirs est absolument renversante. C’est aussi la découverte
la plus importante et elle est pratiquement négligée parce qu’elle est si
monumentale que nul ne sait qu’en faire, fions-nous, avec J.M Oughourlian,
à V.S RAMACHANDRAN, autre éminent chercheur qui, en l’an 2 000, a postulé :
Je prédis que les neurones-miroirs feront
pour la psychologie ce que l’ADN a fait pour la biologie.
Pourquoi pas ?
Nous sommes peut-être, sur ce plan-là, à l’aube d’une nouvelle
époque.
P. Laranco.