vendredi 4 mars 2016

Le Mauricien Umar TIMOL se demande POURQUOI ECRIRE.

Pourquoi écrire finalement ? Alors qu’on bute à chaque instant sur un même sentiment d’incapacité ? Alors qu’on ne sait que trop bien l’impuissance des mots ? Alors que cette pratique est de la même famille que le tourment ? Alors que résonnent en soi les fracas de ses propres limites ? N’est-il pas préférable de se taire ? De vaquer à d’autres occupations ? Ne faut-il pas en finir avec cette misérable prétention, celle d’être auteur ? Il est une noblesse à la création artistique mais il est une encore plus grande noblesse à cette lucidité, qui découvre le paysage clairsemé de votre médiocrité, qui un véritable rappel à l’ordre, qui vous dit sans détours ce que vous êtes, qui grave dans votre crâne, déjà trop incendié par les euphories, que votre création ne vaut pas grand-chose. Pourquoi s’acharner alors ? Pourquoi revenir encore et encore aux mots ? Parce que vous ne pouvez faire autrement. Mais c’est un bien piètre alibi romantique. L’artiste possédé. L’artiste dont l’âme appartient à sa muse. Il faut trouver mieux. Vous avez utilisé le mot « lucidité » qui implique le contraire de tous les aveuglements. Non, vous écrivez parce que l’écriture est un acte de résistance. Le mot est certes grandiloquent. Il évoque de vastes combats, de vastes acharnements. Il ne convient à votre vie, cette réjouissante complémentarité d’une pseudo-marginalité et de la vie presque bourgeoise. Mais l’écriture est résistance. Elle l’est. Ecrire est d’abord la résistance à soi-même, à son être pétri de contradictions, à ses élans et à ses défaites, à sa dislocation et à sa réincarnation, écrire est résister à sa médiocrité mais plus encore résister à la médiocrité des autres, à une société inique, corrompue, qui nous épuise à force d’enfers, qui nous ravale au culte du pire, écrire est résister à l’ordre du monde, à l’oppression, à ses injustices, à sa folie, écrire est résister au temps, à la précarité, écrire est ce cri orgiaque qui dit la présence de l’être, écrire est résister aux fictions de la laideur en perpétuant la beauté, qu’importe qu’on ne puisse jamais la dévoiler, qu’importe qu’elle demeure inaccessible mais cette quête suffit, écrire est résister à la mort, à la gravité des rides et à son cortège de cendres, écrire est résister à la haine, l’écriture n’est peut-être pas œuvre d’amour mais elle en a les formes, les couleurs et la douceur. Ecrire est ainsi entrer en résistance. Pourquoi écrire ? Pour rien sans doute. Parce que vous ne pouvez faire autrement. Qu’importe. On s’en fout. Parce que vous résistez. Parce que cette résistance vous permet de cesser de mourir et d’être parfois.













Umar TIMOL.

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