Ainsi celui qui écrit puise dans les tréfonds de son
être, il ne récuse aucune impudeur, il sait toutes ses obscénités, il sait
toutes ses absences, il y puise une substance, boueuse, confuse, pétrie de
caillots et de débris, la substance de son corps et il en fait la matière de
ses mots, substance macérée qui se mue, lors du rituel de la poésie, en
matière, la matière des mots, mots tissés dans la page, mots qui sont le
prolongement d’un corps, non dans ce qu’il a de superficiel ou d’anodin mais
prolongement de ses abîmes, corps sans censure devenu substance, devenu
matière, devenu mots, mots inscrits dans les pages d’un livre, livre en quête
d’un regard, d’un autre, un regard qui parfois survient, un regard qui se
reconnaît dans le livre, livre-miroir, miroir-livre, regard qui s’imprègne de
ces mots parce qu’ils lui parlent, parce que ces mots le touchent, ces mots
l’émeuvent, ces mots parfois le brisent, mots qui pénètrent dans son corps,
mots qui sont la substance de celui qui écrit, qui se dispersent dans son
corps, dans le corps de celui qui lit, qui se mêlent à sa mémoire, ses larmes,
ses rêves, mots désormais si présents en lui qu’ils lui sont invisibles, les
mots de l’autre, de celui qui écrit, mots qui proviennent d’un corps et qui se
transvasent dans un autre corps, la substance de l’un qui devient celle de
l’autre, écrire est ainsi transmuer son corps en des mots qui deviennent, par
la force d’un regard, d’un désir, les mots des autres, c’est un corps à corps
par l’entremise de la littérature, alchimie des corps, alchimie des mots,
alchimie d’un être, celui qui écrit, de sa substance en beauté, beauté des
mots, beauté qui ne cesse de renaître en l’autre, celui qui lit, beauté qui ne
cesse de vagabonder dans le corps de l’autre, alchimie de sa substance qui
devient la substance de l’autre, alchimie qui réunit le corps de celui qui
écrit au corps de celui qui lit.
Umar TIMOL.
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