Dans son
ouvrage, paru en 2013 et intitulé Les
Petits Blancs, Aymeric PATRICOT signale le peu d’empressement manifeste qu’on
a, en France, à s’intéresser à la "France d’en bas" de souche européenne. Le
spectacle de ce ramassis de gagne-petit et de marginaux qui tire le diable par
la queue dans les campagnes profondes du « désert » français ou dans
les quartiers déshérités hantés par les « immigrés » et hérissés de
barres de HLM, visiblement, n’y a pas réussi, encore, à susciter une
fascination comparable à celle que suscitent les « white trash » et
autres « rednecks » dans l’imaginaire culturel britannique ou
américain. Bien sûr, il y a des figures comme le chanteur Renaud, ou l’acteur
Gérard Depardieu dans le rôle qu’il joua dans son tout premier film, Les Valseuses. Bien sûr, il y a Les Bidochons, et leur bidoche
faisandée. Mais croupir dans sa crasse de « sans-dents » n’en
continue pas moins de rebuter profondément, tripalement les « bonnes âmes »
dans un pays dont les mentalités s’embourgeoisent de plus en plus.
L’inconscient
collectif de l’ensemble de la société française et, surtout peut-être, l’image
qu’elle s’est construite d’elle-même (via l’opinion publique) peinent à
évoquer, à se représenter seulement, l’ existence de tels « cas ».
Bien évidemment,
il y a, à cela, des raisons complexes et multiples que Patricot met fort bien
en évidence – et parmi lesquelles l’image de la France en tant qu’état-providence,
en tant qu’état social « maternant » à vocation éradicatrice de toute
misère entre pour une assez grande part.
Compter dans
ses rangs – et l’admettre, vouloir le regarder en face – une assez large frange
de « petits Blancs miteux et mesquins » qui renâclent devant la
mondialisation et devant la sacro-sainte « branchitude », cela
demeure une honte, une « tare ».
Entre une
bourgeoisie et une middle-class rayonnantes qui, de plus en plus, entretiennent
le mythe (pour le moins angélique, naïf et aveugle) d’une société idéale, « sans
races et sans classes » où tout le monde serait beau, bobo et gentil dans
la plus pure tradition « peace and love » et ces bas-fonds crades,
décalés, mais persistants où continuent opiniâtrement de prospérer beaufs et
losers, le fossé est devenu énorme…peut-être encore plus énorme, au fond, que
celui qui sépare ladite bourgeoisie et ses médias des gens qu’ils qualifient d’ « issus
de l’immigration et de la diversité », lesquels ont, au moins, pour eux, l’atout
considérable de l’exotisme.
En France,
l’Homme Blanc est, et reste, dans les esprits, viscéralement et intimement associé à l’image flatteuse du « peuple
élu » détenteur de la civilisation, de la Culture avec un grand « C »
écrit en lettres majuscules. Il est, aux yeux de l’opinion, l’ « être
éclairé », éduqué et éducateur par excellence. Celui qui ne saurait choir,
déchoir. Tout déclassement, toute chute dans les abîmes de la médiocrité morale
et de l’insuffisance financière est vu comme, par essence, indigne de lui, et
de son prestige.
Alors,
fidèle à une vieille tradition de déni, l’on préfère se poser des œillères, ou
stigmatiser. On méprise, on dédaigne, dans nombre de cas, on lance des
anathèmes bien sentis.
Oui, les « petits
Blancs » sont devenus coupables de ternir l’image hautement idéalisée de l’Homme
Blanc. Ils attentent au Modèle. C’est là que réside leur faille. Leur faute.
Leur péché « ontologique ».
Et beaucoup
– apparemment, un nombre croissant – de Petits Blancs réagissent au dédain qui
leur est sans discontinuer jeté au visage ( quand on daigne, toutefois, les
regarder) en nourrissant de leur colère et de leur rancœur, fort bien mises en relief
par Patricot, un vote qui constitue, pour l’ensemble du pays, un réel danger.
Quand à ce
livre, il se contente de témoigner, sans chercher à jouer au manuel de
sociologie. Vous n’y trouverez pas de chiffres, de statistiques, ni de
diagrammes…rien que du vécu. Un éclairage sur un univers encore assez largement
tabou, et nettement plus complexe qu’on ne se l’imagine. Pour sortir des idées
reçues et des clichés. Toujours bon à prendre…
P. Laranco.
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