Pieds nus dans le sable. Un foulard
d’étoiles fauves autour de mon cou. Libre. Sans défense. Je m’allonge à travers
des épis de rêves brûlés trop tôt. Je m’allonge solitaire dans le noir, tissant
le reste de mes espoirs en larmes sur les murs vétustes du ciel. Je ne suis
plus moi-même. Mon essence est livrée aux vagues et à la noirceur.
J’aurais pu être créateur de rêves,
courant partout dans les champs féeriques de l’enfance. Je n’aurais pas dû être
dispersé dans les quatre points cardinaux. Je n’aurais pas dû être cette
froideur. Ce soleil terne, cloitré au milieu d’un spectacle de plis.
Je porte désormais des flocons de neiges
dans mes yeux pour noyer les images dont je pense avoir peur. Elles me sont
aujourd’hui trop intimes et trop liées à mes blessures.
Je ne me fais plus de promesse. Je
m’allonge simplement dans la brume, ne donnant pas de mes nouvelles à la terre
qui semble être en chute libre depuis hier. À travers des passerelles
poussiéreuses, je me contente de crier. Simplement. Je crie pour dévêtir le
jour, et brûler ses vêtements de flots trop lourds à porter. Je crie à m’en
briser les cordes vocales, et les voix des opprimés semblent rejoindre ma
complainte.
Pourtant, je ne danse pas… ne chante pas
non plus. C’est l’espoir qui donne à mes cris une allure de musique. Une
musique comme ça, n’ayant aucune vibration : vague. Coagulée.
On m’a dit une fois : pleurer, c’est
arroser. Pourquoi arroser l’incertitude ? Le désespoir ? Quand je tente de
pleurer, je me sens en baisse. Je n’ai plus d’énergie. Alors que crier, c’est
bousculer les angoisses de la vie. Il m’arrive d’arranger quelques fragments de
mots. Mais je finis toujours par les éparpiller dans les cheveux de tous les
passants, marchant silencieux dans la nuit.
Je marche aussi. Je monte. Je descends…
remonte… redescends aussi. Comme tout le monde. La vie est un long et
interminable escalier. C’est un peu comme une queue de dragon : Longue,
brûlante. Mais personne ne voit rien. Car le jupon du temps balaie tous les
jours dans le sable la trace de nos pas.
Je m’interpelle. Parfois. Mais le feu
qui circule dans mes veines, me transforme en cris vertigineux.
Alors je glisse sur la nuque du temps
sans même laisser une trace capable de parler de moi après mon passage dans la
vie. Mais je m’en fous ! La vie est un cillement d’yeux et la mort, une
éternité. Moi, je me contente de flâner au milieu des algues, me racontant mon
histoire et celle des autres.
L’histoire de l’homme n’est que soupirs
masqués et quelquefois, des sourires déguisés. C’est pourquoi je n’aime pas
faire semblant de rire. Je préfère crier quand le soleil se glisse dans ma
poche. Le sourire en soi, c’est un aveugle qui cherche son chemin sur mes joues
larmoyantes, quand des bribes de tristesses s'entrecroisent dans mes poumons.
Je n’aime pas parler aux gens non plus,
parce que les paroles sont parfois des ballons en larmes. Je préfère le
silence. Comme ça, j’entrerai dans la mort en sens inverse. . .
La mort est un vent solitaire ; elle m’a
promis une fois de me ramener à mon enfance. C’est aussi ce voyage qu'on fait
dans de vaisseaux d'ondes silencieuses ; un peu comme ce souffle qui voudrait
fuir brutalement bien avant qu'on l'ait surpris sur sa langue. Mais fuir n’est
rien. Du moins, une façon simple de rejeter la faute. De ne rien assumer. Fuir,
c’est parfois oublier. Oublier des visages. Oublier des regards. Oublier des
blessures.
Solitaire dans la nuit. Je marche,
versant de l'eau fraîche au fond des pupilles de la terre, à chaque virage, à
chaque carrefour, où des ombres se dessinent sur les arbres, sur les murs et
sous les ailes du vent. Froid. Salé. Il n'est pas question que je t’oublie.
Toi. Vent du Sud.
Je ne t’oublie pas non plus, ma part
d’animal. Tu m’aides à tenir jusque-là.
Avant, je n'avais qu'une mallette sous
mon épaule gauche et un chemin inconnu, longé à mes pieds. J'étais seul.
Faible. Errant au milieu des arbres trop vieux pour pleurer. Les adultes
n'aiment pas pleurer aux heures trop ensoleillées. Une larme d'adulte a
beaucoup trop de chose à dire pour être brulée au soleil comme ça. Alors je ne
pleure pas. Mais je n’oublie pas mes regrets, mes doutes et mes blessures. Tout
ça m’aide un peu à faire mine de courage de vivre le jour, même si la douleur
me consume la nuit. C'est une façon de voir les choses. À un certain âge, c'est
comme ça : on doit savoir encaisser en silence. Mordre son oreiller et ne
pleurer que tout bas dans le silence de sa chambre.
Peter CÈNAS
In Les
insomnies de mon âme.
©
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire