Dans mon jardin, il n’y a que des
roses. Mais elles sont toutes les unes différentes des autres. De magnifiques
roses rouges intenses à double boutons. Une rose très foncée presque noire au
col jaune. Rosier orangé au parfum d’agrume, esseulé dans la tiédeur
flamboyante d’un fuchsia à la cravate striée de blanc.
Les fleurs des champs de mon
enfance, je les aime tout autant.
Parfois, lorsque la nuit
m'enveloppe peu à peu, je chante à haute voix les couleurs de mon modeste pré
carré en admirant la lune guincher sur le toit. J’en oublierai presque les
embarras du monde. La vie n’est pas toujours ce qu’on voudrait qu’elle soit. J’entends
tonner l’orage des maux de ceux qui en haut du belvédère bredouillent leurs
statistiques multicolores. Chant d’apothéose d'une névrose collective.
J’incline le front jusqu’à en perdre mon latin et le nom des choses.
Mes rêves ne peuvent ignorer le
chemin des autres. Il en va de nous comme de ces fleurs qui se croisent dans
mon jardin ouvert aux quatre vents. Avec des yeux tout ronds et mon gros nez
rouge, je fais la nique aux tyrans d’arc en ciel. Tristes hommes qui mettent
partout de l’ordre.
Même la couleur des roses n’est
pas identique au soleil.
Richard
TAILLEFER.
In PoéVie Blues, éditions Prem'édit, 2015.
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