jeudi 18 avril 2013

Encore quelques sujets de réflexion...


En un sens, on peut dire que la croyance en une chose la rend réelle.



Un être dont on a esquinté l’enfance peut, à bon droit, se dire, lorsque vient l’hiver de sa vie : « elle se finit sans avoir jamais commencé ; n’est-ce pas étrange ? »



La science et la philosophie sont, par essence, subversives. Car elles contournent sans cesse les croyances, les certitudes, d’un « pourquoi ? » retors. Sans trêve, leur curiosité, leur sens de l’observation et leur ingéniosité élaborent des angles d’approche inédits et des perspectives nouvelles, un peu comme un photographe qui jouerait avec la lumière, la suivrait dans ses variantes, ses facettes innombrables, mobiles, pleines de surprises toujours renouvelées.
La complexité de la pensée humaine et celle du monde se répondent.
Elles ont entamé un dialogue qui, en un certain sens, tient beaucoup du jeu de miroir.
En un certain sens, l’univers avait besoin du cerveau humain.



A travers la vieillesse, ce que les êtres humains ne tolèrent pas, c’est le spectacle universel de l’entropie, de la dégradation à l’œuvre au plus intime d’eux-mêmes.


Les choses qui dérangent et donc, surtout, il faut éviter de parler autrement que sur le ton apitoyé et lointain de la « dame patronnesse » : il y a des pauvres. Il y a des gens qui baignent dans une opulence qu’on pourrait qualifier d’ « obscène » et des gens qui, par la faim, sont réduits à l’état de squelettes. Il y a des gens qui volent et qui se prostituent – quand ils ne prostituent pas, même, leurs enfants – pour se nourrir. Il y a des gens qui vivent sans eau courante, sans électricité, sans l’indispensable hygiène obsessionnelle, sans le « confort moderne » qu’on croit indispensable à toute vie humaine. Il y a des milliers de gens que l’ensemble de la société accule au rabaissement, à la honte d’être pauvre, et les abreuve, au surplus, de leur mépris à peine voilé !
A l’heure où tout le monde sait tout, du fait de la circulation fulgurante de l’information, de sa diffusion en temps record aux quatre coins de la planète, il y a –inexorable état de fait – des choses comme ça qu’on prend le parti d’ignorer ou de banaliser. L’égoïsme ordinaire est si facile à solliciter, à mobiliser, à manipuler. L’intérêt personnel, l’indifférence, la peur sont si aisés à mobiliser, dans des sociétés d’hyper abondance et de protection maximale qui entretiennent, pour les besoins du système marchand – si intensément les cultes du jouir individuel «  sans entraves » et du « self development » !
Au fond, « humanisme «  et amoralité semblent plutôt faire bon ménage… les vocables « libéralisme » et « libertaire » n’ont-ils pas la même racine ?
Quoiqu’il en soit, les démunis, les « damnés de la terre », ceux dont un véritable (et vertigineux) fossé entre deux niveaux de vie nous sépare, ne vivent pas « sur une autre planète » mais bel et bien sur la nôtre. Loin de souffrir d’une « inaptitude », ni d’une « inadaptation », ni d’une « carence » congénitale qui en ferait des êtres « sous-développés » par nature (ou bien par leur faute), ils possèdent la même essence humaine que nous. Le fait que nous ne les regardions jamais autrement qu’avec gêne, avec une sorte d’horreur « sacrée » n’y change strictement rien.



Les bobos ont des préoccupations superficielles et naïves d’enfants gâtés façonnés par les modes et les médias de la société d’abondance capitaliste (ou social-capitaliste), qu’ils voudraient imposer au monde (si persuadés qu’ils sont que leur façon de vivre est, par essence, la meilleure). Ils s’imaginent que ce dernier ressemble à leur petite tour d’ivoire pleine d’états d’âme, à la pointe de la « branchitude ». Mais ce qu’ils ne savent pas, c’est qu’entre eux et le reste de l’univers, le fossé se creuse.



L’Homme, dans son entier, est lien. C’est dans le lien qu’il se façonne. D’où le fameux « je est un autre ».
C’est le lien social fort, étroit qui a façonné son intelligence avancée, unique dans le règne animal. Son cerveau possède en son sein une multitude de neurones-miroirs jamais égalée jusqu’à présent dans l’ordre des mammifères, même « supérieurs ».
L’être humain est sans doute « l’animal communiquant » par excellence, et son besoin de proximité avec ses congénères est tel que la solitude, l’isolement, l’absence d’échange avec eux le font basculer dans la désespérance profonde, voire dans la folie.
Le cas des « enfants sauvages » est là, d’ailleurs, pour le démontrer : si, à un certain âge (très tendre et très limité dans le temps), il se trouve privé du contact avec ses semblables, il rate jusqu’à son humanisation même, sans qu’il y ait vraiment possibilité, par la suite, de rééducation, de « rattrapage ».



Qu’on ne vienne pas me chanter que les fantômes n’existent pas.
Les fantômes, ce sont des disparus, des perdus, des manquants qui, à l’intérieur d’un groupe, d’une famille, peuvent quelquefois, nonobstant ce fait, prendre la presque totalité de la place. Des entités qui, à partir de l’éraflure de vide qu’elles laissent dans leur sillage, en viennent, dans certains cas, à atteindre les proportions monstrueuses d’une sorte de trou noir grand ouvert, dont l’immense plaie suppurante n’en finit pas de s’enfler, de balayer, de jouer les aspirateurs, d’attirer vers sa rotation folle, vorace, jamais rassasiée la plus grande partie de la matière vive qui demeure disponible aux alentours.
Un fantôme, c’est une turbulence du passé, de sa masse nébuleuse, qui se convertit en cyclone. C’est une hypertrophie du manque, de l’amputation secrète des êtres, qui en arrive à se hisser aux dimensions mortifères d’un vortex.
C’est une intensité de perte qui empiète, envahit. Déborde. Une densité, une manière de masse tumorale en creux qui, sans discontinuer, capte, happe les forces restées intactes de la substance vivante. Qui nous parasite, jusqu’à nous laminer, nous sucer, nous vider de nous-mêmes.
Oui, c’est bel et bien exact, les vrais spectres ressemblent au Comte Dracula : ils ont besoin, pour alimenter leur ombre, leur faux-semblant, de sang bien rouge, comme de vie et de chair bien fraîches ; de ce fait, ils détournent vers eux l’eau dynamique, féconde du présent, tout à fait comme on détourne le cours naturel d’une rivière. Ils monopolisent tout ce qui peut être monopolisé ; ils réclament, telles des couvées d’oisillons aussi piailleurs que pilleurs qui en désirent toujours davantage…
Si l’on n’y prend pas garde, ils sont susceptible de nous entraîner avec eux « là-bas », sur l’autre versant du monde, là où ils sont ( là où leur absence, leur exil insupportable les maintient, les relègue) en tous points de la même manière que les anciens tyrans obligeaient leurs fidèles serviteurs, leurs cohortes de courtisans et de concubines à les suivre au tombeau  par processions entières, lors de sacrifices humains aux cérémonies aussi solennelles, sacrées que barbares.
Avant d’avoir peur de la mort, l’humanité a eu peur DES MORTS.
Et n’avait-elle pas raison ?...








Patricia Laranco.

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