Je glissai mon pas hésitant.
Tristesse du béton blafard.
Puis j’escaladai les tribunes.
Sur les gradins, des tas d’enfants.
Des kyrielles d’enfants assis, tous, sans exception, les mains jointes nichées entre leurs genoux serrés qui tous balançaient en cadence.
Des grappes d’enfants, aux regards moqueurs. Qui étincelaient d’ironie.
Brusquement, comme dans un cauchemar, je vis un des enfants sourire. Horreur ! Il arborait d’énormes, d’épaisses, de longues dents, très pointues,aussi pointues que des coutelas. Des canines de tigre à dents de sabre.
Son regard pétilla de plus belle, et je fus prise, derechef, d’un malaise salement ébranleur, qui s’assortit d’un mouvement de recul, d’un mouvement de pur réflexe. Et sur ce (par mimétisme ?), les autres enfants sourirent aussi. Leurs énormes, épaisses, longues dents très pointues de carnassiers se dévoilèrent.
Ils m’apostrophèrent, en se tortillant sur les gradins, d’un air gêné. Cependant, la lueur frondeuse de leurs yeux démentait leur attitude.
« Vas-y, monte ! » m’exhortaient-ils, de leurs voix rieuses et suraiguës.
Mais moi, je ne pouvais plus gravir, avancer ; je me statufiai. Quid de ces bambins au teint frais, mais à la dentition de fauves ?
Au bout d’un moment, je constatai qu’un filet de bave coulait de leurs dents. Plus ils me fixaient, plus leurs yeux devenaient pareils à des billes de verre…ou même à des pépites d’onyx : durs, d’une minéralité troublante !
Une onde de panique se répandit le long de ma colonne vertébrale, tandis que, dans mon esprit s’imposait l’idée d’une menace imminente.
La montée d’adrénaline me submergea, m’ordonna de déguerpir.
Je tournai les talons brutalement et me mis de suite à détaler en sens inverse, dévalant les gradins de toute la force dont étaient capables les muscles de mes jambes.
Une sinistre clameur – inhumaine – accompagnait ma fuite,et, tout en continuant à courir, je plaquai mes paumes sur mes oreilles : que n’aurai-je pas fait pour ne plus entendre cet insupportable grondement, cette horrible déferlante de son bestial, qui paraissait me poursuivre ?
Patricia Laranco.
(2009)
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