La
question posée ici – et abordée tout le long de ce documentaire – est une
question essentielle autant que fascinante : « qu’est-ce qui nous
rend bons, ou mauvais ? ».
Dans le
but d’y trouver enfin une réponse, « quelques scientifiques essaient de
percer le secret des TUEURS PSYCHOPATHES ».
Que
sait-on de ces « monstres » qu’il est convenu d’appeler « tueurs
en série » et qui font, à notre époque, couler tellement d’encre ?
Un
scientifique, formel, nous lance : « ces gens n’ont pas de
conscience ». Mais encore ? De quelle manière peut-on creuser la
question plus avant ?
Depuis
quelques temps, l’on assiste à l’émergence, encore discrète, d’une
« science nouvelle, d’un nouveau type » ; une science qui mène «
des recherches révolutionnaires », relatives aux facteurs qui
détermineraient notre sens du bien et du mal.
Pour cerner
ce qui, en cette matière, relève de l’inné ou bien de l’acquis, des
spécialistes chevronnés du comportement humain, Karen WYNN et Paul BLOOM, ont
entrepris, à l’université de YALE (USA) des expériences auxquelles ont
participé « des centaines de BÉBÉS ». Ces expériences avaient pour
but, par le biais de l’ « observation », de déterminer si, oui
ou non, le sens moral était détectable (donc présent) dans la petite enfance,
chez des bébés âgés de « un an ».
Wynn et
Bloom ont fait en sorte que leurs bébés, l’un après l’autre, assistent à « un petit spectacle »
au cours duquel « trois marionnettes se lançaient des balles ». La
marionnette qui rendait la balle à sa « camarade » figurait « le
gentil » ; celle qui, par contre, refusait de la rendre incarnait
« le méchant ». Les bébés devaient, juste après le spectacle,
désigner la marionnette qu’ils avaient préférée.
Résultat
des courses : « 70% DES BÉBÉS CHOISISSENT LE GENTIL ». Mieux
encore : les expérimentateurs nous assurent que leurs sujets d’étude
« réagissent fortement ». Aucun doute là-dessus : « les
résultats sont clairs et se répètent ».
Tout
indique donc que LES BÉBÉS SONT DOTES D’UNE ÉBAUCHE DE MORALE.
La morale
serait par conséquent quelque chose de spontané, d’inhérent à la nature
humaine.
Reste le
fait qu’on compte tout de même 30% de bébés qui « choisissent le méchant ».
Que penser d’un pareil pourcentage ? Dubitatifs, les promoteurs de
l’expérience hasardent certaines hypothèses : les bébés testés
« peuvent avoir sommeil, ou être distraits, déconcentrés »…à moins
qu’ils ne soient encore, tout simplement, des « bébés différents ».
Quoiqu’il
en soit, le score largement majoritaire qui se dégage en faveur de la
préférence pour le « bon héros » est suffisant pour mettre en
évidence, pour la première fois dans l’histoire de la recherche sur le
comportement humain, que la morale apparaît extrêmement tôt dans une vie
d’Homme, ce qui accréditerait solidement l’existence d’un INSTINCT MORAL.
Au reste,
tous ceux qui ont eu affaire, dans la vie courante, à des bébés, ont eu
l’occasion de remarquer à quel point ceux-ci, spontanément, « aiment
aider, et sont sensibles à la douleur des autres », faisant ainsi
apparaître « l’envie d’aider les autres et l’empathie » comme de
nature innée chez l’Homme.
Jeunes ou
adultes, « le humains sont obnubilés par la morale ». Fort bien. Mais
reste à savoir où de pareilles « obsessions » trouvent leurs racines.
Chercheur
en neurosciences, le britannique Paul ZACH s’intéresse, pour sa part, de très
près à « la base chimique de ces comportements ». Il nous le
certifie : « on s’entraide pour une raison biologique ».
Cette
raison biologique, on la connait, elle porte un nom : celui d’une hormone,
l’OCYTOCINE.
L’ocytocine,
explique Zach, a pour fonction et pour pouvoir de « CRÉER DES LIENS
D’ATTACHEMENT AU SEIN D’UN GROUPE ». Elle est, par exemple, particulièrement
présente là où les liens entre les êtres humains sont les plus puissants :
« dans les familles ».
Dans le
but d’étudier « les liens d’entraide et de collaboration » qui
peuvent cimenter un groupe de gens tendus vers le même objectif de réussite,
Paul Zach a mis au point et mené « une expérience inédite », au cours
de laquelle des hommes « qui ne se connaissaient pas très bien » au
départ ont constitué deux équipes de rugby opposées dans un match. En premier
lieu, il a noté que, dès avant la rencontre, « pendant l’échauffement
musculaire », les hommes composant chaque équipe avaient déjà « des
mouvements synchrones », signe évident à ses yeux qu’ils étaient « en
train de constituer un groupe ». Un premier prélèvement sanguin fut
effectué, avant l’échauffement, sur chaque joueur. Il a été suivi, après
l’échauffement cette fois, d’un second prélèvement, aux fins d’analyses
hormonales. Les résultats sont parvenus deux semaines plus tard, très
parlants : dans le même temps que « les taux d’ocytocine des
joueurs » augmentaient et convergeaient de manière significative
« afin qu’ils soient en phase », leurs taux de testostérone se
trouvaient aussi augmentés. Explication : l’ocytocine visait à renforcer
l’esprit d’entraide et de collaboration, autrement désigné par le nom
d’ « esprit d’équipe » (« L’ OCYTOCINE EST LA MOLÉCULE MORALE », aux dires de Paul Zach) ; la testostérone, elle, se
trouvait sollicitée pour de toutes autres fonctions : elle stimulait en
effet l’égoïsme et l’agressivité, « contre les adversaires » (« LA TESTOSTÉRONE NOUS REND ÉGOÏSTES toujours selon Paul Zach). Conclusion :
« le rugby est une société en miniature », à savoir, d’après le
savant britannique, une « combinaison d’ocytocine et de
testostérone ». Elle reposerait donc, en tout et pour tout, sur un
« équilibre chimique » entre pulsion d’opposition et pulsion de
solidarité, qui serait l’essence de la morale.
Alors, que
penser du cas des psychopathes et autres serial killers, ces grands déviants
par excellence ?
Robert
HAIR s’intéresse à ces cas hautement problématiques « depuis trente
ans ». Il a, entre autre, eu l’occasion de rencontrer des
« cas » comme Jeffrey DAHMER et Ted BUNDY. De ces deux êtres
radicalement hors norme, il avoue avoir retiré des impressions assez
contrastées : d’une part, il ne peut nier qu’ils ressemblaient à
« des gens ordinaires », facilement passe-partout ; d’autre
part, « il y avait [aussi] quelque chose d’étrange chez eux ; ils
avaient un côté prédateur, un air méchant ». Robert Hair s’est vite
demandé si de pareils individus possédaient « des traits en
commun »…et il en a trouvé (il en a même dressé une liste) !
Leurs
principales caractéristiques communes seraient, d’après lui, « le manque
d’empathie » et « une grande froideur ». A cela viendrait
s’ajouter un autre trait, un autre signe d’inadaptation non moins
glaçant : « il n’y a qu’eux au monde : les autres ne comptent
pas ».
Robert
Hair s’est également livré, sur ces hommes, à des expériences d’observation
directe du cerveau. Elles ont consisté à réquisitionner un tueur détenu dans
une prison américaine, Anthony FRAZELL, et à lui faire « lire des
mots » dans le même temps que, grâce à des électrodes, l’expérimentateur enregistrait
la charge émotionnelle qui accompagnait, chez le sujet, la lecture de chaque
vocable proposé. Le résultat fut sans appel : à ces sombres individus, le
mot « viol » fait rigoureusement le même effet que le mot
« table » ou le mot « arbre ». Ainsi en déduit-on que
« LES PSYCHOPATHES NE RESSENTENT AUCUNE ÉMOTION ».
C’est
cette carence, cette absence d’émotion qui les rend totalement inaptes à
séparer le bien du mal.
L’étude de
Robert Hair a, par la suite, servi de base à d’autres travaux. Parmi ceux-ci,
on compte ceux menés en CALIFORNIE par
le neurologue spécialiste des anomalies cérébrales James FALLON.
FALLON a
procédé à des analyses de scanners du cerveau de différents patients atteints
de troubles mentaux et comportementaux : des schizophrènes, des dépressifs
et des tueurs. Chez chacun de ces derniers, il pu repérer « UNE LÉSION DU
CORTEX ORBIFRONTAL », situé « juste au-dessus des yeux », ainsi
qu’une « LÉSION DE L’AMYGDALE », toutes anomalies qui concernent
L’ IMPULSIVITÉ ET L’ ÉMOTION Verdict : la « nécessité de
tuer » qui caractérise, de manière si terrifiante, les serial killers a
bel et bien « une cause biologique ». Les différences
perceptibles dans leur cerveau sont proprement « hallucinantes ».
Mais d’où
ces écarts proviennent-ils ?
De
nouvelles pistes s’ouvrent, cette fois « sur le terrain de la
GENETIQUE ».
En 1993,
le Docteur Hair se penche sur le cas d’une famille entière d’hommes violents.
Grâce aux analyses génétiques poussées qui furent menées, l’on découvrit que
tous les membres de ce groupe familial étaient porteurs d’une « VARIANTE
DU GÈNE MAOA », encore appelée « GÈNE DU GUERRIER ». Ainsi, non
content d’être visible dans le cerveau, le mal est visible dans les
gènes !
Le Dr
Fallon a lui-même « un cousin qui a tué son père et sa mère ».
Intrigué – et alerté – par le fait qu’ « au moins 16 membres »
de sa famille avaient été impliqués dans des mésaventures à caractère violent,
le savant leur a fait passer, ainsi qu’à lui-même, des scanners cérébraux.
Ceux-ci, à sa grande consternation, révélèrent d’indéniables anomalies du
cortex orbifrontal et des lobes temporaux. De toute évidence, le système
limbique de toutes ces malheureuses gens « ne fonctionnait pas » et,
pire encore, lui-même ne se trouvait nullement exclu du lot !
Dans la
foulée, le scientifique fit procéder à une « étude génétique »
d’ensemble de sa famille. Il s’avéra que ladite famille présentait « un
mélange de gènes » qui incluait, dans certains cas, des gènes « à
haut risque » pour ce qui est de la prédisposition violente. Mais, dans
tout l’échantillon familial analysé, il n’y avait qu’un seul et unique cas de
concentration extrême de gènes « maléfiques » en un seul
caryotype : le sien !
On imagine
l’ébranlement que tout ceci causa au malheureux docteur Fallon :
« j’ai en moi tous les éléments de la psychopathie, mais je ne suis pas
psychopathe ! »
Il
s’étonne. Pourtant, la nouvelle, chez ses proches, ne donne lieu à aucune
réelle stupeur : « il a le sang chaud », vient même, sur ce,
renchérir un membre de sa parentèle. Et deux autres de s’empresser d’ajouter :
« oui, il a deux facettes en lui », et « il y a [en lui] un côté
inquiétant, qu’il a toujours eu ».
Si, de
lui-même, le savant finit par reconnaître, tout de même, qu’il sait [qu’en lui]
« quelque chose ne va pas », il n’en a pas moins vite fait, non plus,
de dénicher une explication : « LES GÈNES PRENNENT DE L’IMPORTANCE OU
PAS SELON L’ENFANCE QU’ON A VÉCUE », selon les traumatismes qui l’ont – ou
non – émaillée. Or, constate, non sans un certain soulagement, le Dr Fallon,
« j’ai eu une enfance merveilleuse », une enfance qui a été
suffisamment épanouissante et heureuse pour « balayer » les autres
facteurs, tant cérébraux que génétiques.
Une
conclusion, d’ailleurs, s’impose : les psychopathes ne sont pas tous en
prison. Et les traits de caractère psychopathiques, sans courir les rues,
s’avèrent moins rares et moins réservés à la seule catégorie des déviants et
autres grands criminels qu’on serait tenté de le penser à première vue.
Paul PABIAK,
le plus sérieusement du monde, nous soutient mordicus que « le premier psychopathe »
qu’il a rencontré « n’était pas en prison », puisqu’il « travaillait
dans mon entreprise ».
Eh oui,
figurez-vous qu’on a identifié aussi des « psychopathes qui ont réussi ».
A ceci, deux raisons : non seulement « la psychopathie n’empêche pas
de travailler », mais, bien souvent, le comportement d’un psychopathe
dépendra « du contexte ».
Indubitablement,
le psychopathe a à son actif certains atouts, qui peuvent lui être fort
utiles : d’un « naturel charmeur », il est on ne peut plus « capable
de s’adapter ». De plus, ces êtres ont la faculté, dans l’ensemble peu
répandue de déchiffrer les pensées des gens, en décryptant le langage du corps.
C’est de la sorte qu’en dépit de leur grand déficit empathique, ils parviennent,
néanmoins à comprendre les autres, non pas émotionnellement, mais
intellectuellement.
On a
récemment découvert, à la lumière de recherches, qu’il y avait « quatre
fois plus de psychopathes à la tête des grandes entreprises » de la planète
que dans la moyenne de la population humaine…troublant, n’est-ce pas ?
Ils ont
également pour eux d’être soucieux de leur apparence et dotés d’un CHARISME que
personne ne remet en question, ce qui leur facilite grandement la vie. Par ailleurs,
s’ils sont « lamentables au plan des résultats » dans l’entreprise,
le fait qu’ils « s’ennuient vite » les rend très à l’aise dans les
milieux et les univers « constamment en changement » qui
caractérisent notre vie postmoderne.
Ainsi que
nous venons de le voir, cette « nouvelle science » qu’est l’étude de
la psychopathie ne manque pas d’être « déconcertante ».
Nous allons
voir que, non contente de nous révéler des vérités assez dérangeantes et assez
inimaginables, elle va jusqu’à « remettre en cause notre conception
commune du bien et du mal, voire même notre idée du crime et du châtiment ».
En 2006 survient un « crime barbare », qui choque le TENNESSEE. Un
homme nommé WALDROP se livre, sur la personne de son épouse, à « un acte
de violence hors du commun ».
Cet individu,
bien évidemment, encourt la peine de mort.
Mais c’est
compter sans un scientifique, le Pr BERNETT, qui va réussir à sauver sa tête.
Comment ?
Eh bien, en le soumettant à des tests génétiques, suite à une « controverse »
quant à l’éventuelle présence, chez lui, du fameux « gène du guerrier ».
Outre que Waldrop « avait l’air normal, ouvert » et « tout à
fait sensé », il était bel et bien porteur de la « variante à base
autorité du gène MAOA » et, au surplus, avait été, étant enfant, victime d’une
réelle maltraitance, sous forme de « violentes corrections ». Bernett
commente : « un gène composé de quatre segments est sans risque, mais
s’il n’a que trois segments, il y a un risque ».
Et voilà !
L’affreux déchaînement de violence hors de tout contrôle s’expliquait.
Pourtant,
le témoignage du Pr Bernett, au départ, n’allait pas de soi ; il confie :
« on se demandait si le juge nous demanderait de témoigner ». Reste
que cela « fonctionna » : le témoignage du savant constitua « un
moment historique ». A sa grande joie, pour la première fois, les gènes et
l’environnement étaient invoqués et pris en considération lors d’un procès. Et
le résultat fut encore plus « étonnant », puisque Waldrop échappa à
la peine capitale en voyant son crime brutal qualifié d’ « homicide
non prémédité ». Un des jurés alla même jusqu’à dire : « un
mauvais gène, c’est un mauvais gène ».
Il s’agit
là, répétons-le, d’un verdict totalement dénué de précédent, car redevable,
uniquement, à la « GÉNOMIQUE COMPORTEMENTALE ».
Mais, dans
de telles conditions, que devient le libre-arbitre ? A-t-il encore droit
de cité ?
Que penser
d’une science, toute récente, qui « ébranle » à ce point « nos
certitudes, nos positions morales et philosophiques » ?
« Qu’en
est-il vraiment, à cette lumière, de notre liberté ? ».
Si la
biologie fait l’Homme, l’Homme est-il à même de la transcender ?
Une fois
de plus, la science effleure (ou plutôt titille) les confins de la philosophie.
P.
Laranco.
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