La démarche de ce livre est celle de la déconstruction d’un
mythe. Et d’un mythe qui a la peau dure, d’un mythe profondément enraciné dans
toutes les sociétés et toutes les consciences humaines : la sexuation de
la violence et des conduites dominatrices.
Le point de vue adopté par l’auteur, historien de
formation, est, résolument, celui des sciences humaines – sans aucune
référence, par exemple, à l’éthologie de notre espèce.
Christophe REGINA l’annonce clairement : sa
perspective est féministe et « badintérienne » et, en ce sens, il
récuse totalement toute vision féministe trop idéaliste de la femme, telle, par
exemple, celle que professe l’école de la féminitude.
Non, la femme n’est pas un ange exempt de toute capacité à
nuire – pas plus qu’elle ne doit être regardée (avec la condescendance
masculine coutumière et en vigueur depuis des millénaires) comme un pauvre être
automatiquement sans défense, appelant
attendrissement et protection – la « victime »-type !
Dans nos sociétés, (n’en déplaise aux rêves de bobos) la Vallée
Toutamour des Bisounours n’existe pas. L’être humain – quelque soit son sexe
–est capable du meilleur comme du pire.
Il existe, à l’intérieur des couples, des maris et des
compagnons qui peuvent, à bon droit, se dire violentés et dont la parole, ces
temps-ci, semble enfin commencer à sourdre.
Il existe des enfants qui subissent, intensément, l’abus
maternel (parfois même sous forme d’agressions sexuelles), et notre auteur
s’emploie, d’une manière très convaincante, à démonter que les responsables de ces
abus ne sont ni des « folles », ni des êtres si exceptionnels que
l’on tendrait à le penser, que l’on VOUDRAIT se le représenter.
Régina assène des exemples, puisés tant dans les
statistiques les plus récentes (malheureusement, nous signale-t-il, de nature
encore très parcellaire, très incomplète, puisque le sujet commence seulement à
émerger dans le champ de la sociologie, et encore, non sans réticences,
qu’elles soient conscientes ou inconscientes) que dans des témoignages fournis
par les victimes de cette violence au féminin, et souvent assez bouleversants.
La violence (physique, morale) est un des moyens que
l’Homme utilise pour obtenir directement et sûrement ce à quoi il aspire. Si
elle tient une place encore si importante dans la vie humaine, c’est,
probablement, parce que toute vie en société implique une (violente) tension
entre les besoins et les désirs proprement individuels et la nécessité,
l’obligation qu’a également tout individu de se soumettre, bon gré mal gré, aux
impératifs et aux pressions d’ordre collectif.
A la lecture d’un tel ouvrage, la question serait de savoir
si les femmes, dans l’hypothèse où elles cesseraient de subir la violence
masculine institutionnelle, ne se révéleraient pas, au fond, tout aussi
enclines à s’affronter et à affronter, à violenter et à imposer l’étau de leur emprise, en un mot
comme en cent, à « faire mal » que le sont les individus de sexe
masculin.
On pourrait, certes, lui répondre : « et les taux
de testostérone ? » ; et l’éthologie des grands primates qui
laisse, déjà à ce stade-là, apparaître un rôle assez fortement régulateur des
conflits joué par l’élément femelle à l’intérieur des groupes – notamment chez
les Bonobo ?
L’auteur n’aborde pas ces perspectives, et c’est peut-être
assez dommage.
Cependant, l’auteur de ce livre reconnait lui-même qu’il
faut poursuivre les recherches, les approfondir.
Il faut sortir de cette ornière, de ce pli qu’est la
« sous-estimation » systématique et générale du pouvoir d’agression
et de nuisance féminin, elle-même consécutive à une « vision stéréotypée
de la féminité ».
Dans la droite ligne des thèses percutantes d’Elisabeth
BADINTER, il martèle que « toute femme n’est pas une mère et toute femme
qui donne la vie n’est pas obligatoirement mère […] Le lien mère/enfant est une
consécration du biologique », un plus, mais guère davantage. Encore aujourd’hui, c’est une thèse profondément révolutionnaire, puisqu’elle met à
mal le principe du lien millénaire et d’essence quasi sacrée qui, aux yeux de
la société, existerait, de façon automatique, entre la femme et sa prétendue
« raison d’être » : sa fonction maternelle. Or, ce lien, les
hommes ne sont pas les seuls à y être attachés, voire cramponnés. Les femmes
aussi, et pas seulement les femmes traditionnelles et/ou
« ordinaires » ; même les féministes…
Ce lien est le fondement de la division de toute société
humaine en deux GENRES, aux fonctions radicalement distinctes. Il est donc
ambigu et, surtout, il nous imprègne, dans notre trame même.
Ce livre a, entre autre, le mérite de mettre les féministes
au pied du mur. « Allez jusqu’au bout de votre logique, de votre
raisonnement… », semble-t-il, aussi, leur dire.
Le livre d’un homme profondément attaché à l’égalité des
sexes, qui n’a pas peur de déranger.
A découvrir, de toute urgence…
P. Laranco.
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