Le Temps n’est qu’une série de
soubresauts, de convulsions au cours desquelles les secondes-mères,
inlassablement, expulsent les secondes-filles de leurs entrailles avant de
mourir d’épuisement, tuées par leur effort de parturientes – ou bien,
peut-être, d’animal invertébré soumis à la mue.
Chaque instant n’est que
l’éphémère matrice de l’instant qui va suivre. Tout comme les êtres vivants,
les instants passent leur temps à se reproduire – à jeter dans le vide le
crachat de l’immédiat après qui les continue. Ils sont, en quelque sorte, des
« cellules vivantes » qui se dupliquent. Chaque grain de temps est
lourd non seulement de lui-même, mais du grain de temps qui s’apprête à lui succéder.
Le sexisme masculin – désigné
aussi sous le vocable, plus classique, de « misogynie » - ne se
nourrit pas seulement de « malaise face à la différence ». Il
témoigne aussi – et infiniment – de l’immense difficulté qu’ont les hommes à
faire le lien entre les choses de la sexualité et les « choses de
l’esprit ».
La gêne que leur cause à presque
tout coup toute présence féminine – et d’où procède, pour une bonne part, ce
fameux désir/besoin de « rester entre hommes » - se rapporte non
tellement à « la Femme » en elle-même qu’à la pulsion sexuelle que
celle-ci éveille (réveille) en eux. Au-delà de la femme, ce qu’ils voient,
c’est la Chair ; l’anti-esprit par excellence.
C’est ce qu’ils craignent,
désirent et rejettent, exilent de la culture ; avec passion. Et pour cette
raison ils aiment à croire que la culture est « une affaire
d’hommes ». Ils « règnent » dessus, faisant volontiers
abstraction de leur propre dimension sexuée. Les femmes doivent porter tout le
poids du « péché originel ». Une façon, parmi d’autres, de repousser,
de nier sa condition d’animal. Alors que leur autorité même – au combien
pesante, écrasante, quand ce n’est pas même destructrice – est celle du mâle
dominant, bourré de testostérone, donc…sexuée en diable !
On a même été jusqu’à prétendre
que l’humanité de sexe masculin aurait créé la culture dans le but
d’impressionner et de séduire la gent femelle. Que l’augmentation en taille et
en complexité qui a touché le cerveau humain n’aurait été qu’un simple outil de
sélection sexuelle, de séduction mâle, au même titre que les couleurs
« flashy » du plumage et le chant de certains oiseaux mâles qui,
comme chacun le sait, adorent se « donner en spectacle », ou encore
les bois des cerfs.
La femme (Femme ?) exerce
sur l’homme un réel pouvoir fascinateur. Elle l’ « hypnotise »
et, avouons-le, ce pouvoir lui brouille souvent les idées.
C’est parce qu’il y a sexe, qu’il
y a sexualité que la gent masculine, dans sa très grande majorité, craint les
femmes et leur attribue soit des « pouvoirs sacrés », soit d’autres
pouvoirs, quasi diaboliques.
L’Homme est, par essence, un
animal qui se vit dans et par le dédoublement. L’édifice que constitue sa
pensée (sa conscience réflexive, ou encore, dit un peu plus familièrement, son
« crâne plein ») forme désormais une espèce de bloc, susceptible de
mener sa vie propre, car recelant des abîmes de complexité.
A elles deux, la pensée et la
créativité propres à l’espèce humaine ont distancié leur porteur non seulement
du réel qui l’entoure (puisqu’il le sonde sans cesse) mais encore de lui-même,
puisqu’il a fait même de lui-même son propre objet d’étude et de
questionnement.
Rien, pas même sa propre
personne, sa propre nature, n’échappe au « pourquoi ? »
envahissant de l’être humain.
Au stade où nous en sommes
arrivés, nous avons atteint une position où non seulement nous observons et
analysons sans relâche notre environnement (la nature physique) mais où, en
sus, nous observons et analysons nos propres démarches d’observation et
d’analyse.
Grâce à la conscience, cette
étrange chose, nous nous regardons regarder. Notre conscience, à son tour, se
dédouble, comme une poupée-gigogne.
En « sécrétant » de la
pensée, l’Homo sapiens a créé un plan d’existence totalement inédit.
Il s’est peu à peu transformé en
véhicule d’une véritable émergence, en support d’une sorte de nouvelle
dimension, immatérielle : celle des idées, mais aussi celle des
représentations et des images.
Sa maîtrise de l’abstraction l’a
irrémédiablement entraîné vers une dématérialisation de son être, sans cesse
croissante.
La pensée, ce n’est pas autre
chose qu’une autre dimension. Une dimension supplémentaire, et dégagée du
matériel.
Grâce à la pensée, à
l’abstraction, nous échappons à la matière.
La pensée ne fait pas que nous
dédoubler. Elle nous dématérialise.
La vie nous confronte de manière
récurrente – voire incessante – à la nécessité de renoncer, de métaboliser la
« frustration ». Savoir bien renoncer et sublimer est donc, dans
cette perspective, un indéniable avantage.
Impressionner les femmes ;
se faire admirer d’elles.
Pour la plupart des garçons et
des hommes, c’est une seconde nature.
Ils confondent trop souvent amour
avec soumission, avec allégeance. Si ce n’est avec domination.
En sorte que la plupart des
femmes – ne serait-ce que pour ne pas avoir affaire à leur contrariété, assez
fréquemment et assez rapidement relayée par de la colère (quand ce n’est pas,
même, par de la violence) – en sont réduites, lorsqu’elles en aiment un, à une
véritable et passablement grotesque comédie. Elles soutiennent, elles
maternent, elles s’effacent (comme on leur a si bien appris à le faire), car
elles savent, plus ou moins confusément, que c’est à ce seul prix qu’elles
obtiennent ce qu’elles veulent : la paix (relative), l’harmonie du couple
et, par-dessus tout, un cadre de vie équilibré pour leurs enfants.
Nous ne serons vraiment
nous-mêmes – c'est-à-dire nous en tant qu’identité globale, fixée et
définitive, donc pleinement repérable – qu’au seul moment de notre fin.
Car tant que nous nous bornons à
être ce que nous ne cessons d’être entre la naissance et la mort, à savoir des
créatures en devenir, profondément mouvantes, changeantes, prises toutes
entières dans un mouvement dynamique perpétuel, qui n’en finit pas
d’enchevêtrer, de brasser les complexités, nous sommes des êtres provisoires,
plastiques, aux contours au fond flous, qui, par leur nature profonde même,
déjouent tout essai de rattachement à une identité qui soit définie et donc,
sûre.
Qu’est-ce qui sculpte, qu’est-ce
qui détermine la personnalité d’un être ? Qu’est-ce qui modèle son
destin ?
Y a-t-il une sorte de « fil
conducteur », une manière de « logique » qui présiderait au
cours de chaque existence ?
Il n’est, encore aujourd’hui, de
réponse à toutes ces questions mises bout à bout que :
« mystère ! ».
La conscience a plusieurs étages.
Plusieurs planchers. Plusieurs paliers.
Il faut toujours gratifier notre
cerveau d’une certaine méfiance.
En effet, s’il est une
« machine » à percevoir et à organiser ensemble nos diverses
perceptions du monde et de nous-même extrêmement performante, il est aussi une
entité qui FABRIQUE de la perception. Et une machine à donner du sens.
Son besoin n’est donc pas
seulement de « voir pour croire » ; il est aussi de « croire pour voir ».
Notre perception de ce qui nous
entoure est pleine de « trous », d’accrocs, de vides. Par la force
des choses, de par la nature même de notre cerveau.
Des tas d’objets et de phénomènes
nous échappent, ou ne nous sont qu’incomplètement perçus. Et donc, se prêtent à
des interprétations inexactes ou imparfaites.
Dans toute réussite, il faut
compter, ce me semble, avec l’aplomb.
Il constitue, on l’oublie souvent,
un atout considérable.
Seules, les
« qualités », au sens pascalien du terme, méritent d’être
idéalisées ; non les personnes.
Ces dernières, en effet, ne sont,
sans exception aucune, que des composites souvent indécis et à tout coup
complexes, de différentes « qualités » : positives, négatives ou
neutres.
Chacun se demande aujourd’hui, en
France, en Europe, pourquoi le racisme a –si j’ose m’exprimer ainsi – « la
peau si dure », alors même que, depuis déjà plusieurs longues
décennies, les progrès en divers
domaines scientifiques disent et répètent – de façon qui plus est souvent très
largement médiatisée – que l’espèce Homo sapiens est une, qu’elle est, dans son
ensemble, toutes ethnies et tous groupes confondus, originaire de l’Afrique, que
la couleur de peau n’est pas autre chose que le résultat d’une adaptation aux
diverses conditions d’ensoleillement qui règnent sur la planète Terre en
fonction de la latitude et qu’elle est, au demeurant, un phénomène tout
relatif, plein de nuances.
Eh bien, le racisme a la peau si
dure parce qu’il flatte les populations qui sont de souche européenne en
associant peau claire et appartenance à la culture occidentale à une prétendue
« supériorité » qui irait de soi. Il se nourrit de la fierté que procure
le sentiment d’appartenir à des ethnies et à des aires culturelles dominantes
et dominatrices.
Il est une émanation de l’égo,
tant individuel que groupal, collectif.
Il constitue une forme de
réaction pathologique à (et contre) la mondialisation désirée et induite par le
développement actuel du système néolibéral hyper marchand d’inspiration
anglo-saxonne.
Pour ce dernier, l’âge des
groupes fermés, l’âge de l’entre-soi strictement national, est obsolète et
révolu. Les nations deviennent, à la limite, « encombrantes ». Le
monde entier doit se calquer sur la « nation-phare », la
« nation-guide » qui, il se trouve, est un melting-pot remarquable
par sa créativité, par son dynamisme. Cette nation se veut – et se trouve –
désormais à la tête d’un véritable « village planétaire »
technologique et mercantile à son image. Elle le contrôle essentiellement au
moyen de deux grands « organes » immatériels qui sont la Toile et la
fluidité souvent capricieuse de la haute finance mondiale. Tout ceci, bien entendu,
bouscule considérablement les habitudes et les points de repère antérieurs.
Le racisme est, bien entendu,
pour une très large part, une question d’ignorance. Mais pas que de ça, loin
s’en faut… Comment, en effet, peut-on invoquer quelque chose comme l’ignorance
dans un univers high-tech où jamais encore n’avait été atteint un tel degré de
circulation de l’information, de regroupement des savoirs et, donc, de
possibilité de s’instruire et de réfléchir mieux ?
Non, si le racisme persiste et
signe, s’il se maintient à ce point à flot à l’intérieur de populations
pourtant désormais largement embourgeoisées et largement susceptibles d’avoir
accès à toutes les espèces de connaissance, c’est pour des raisons qui ont
trait bien plus au déni, à l’encroûtement cérébral, au refus panique des
mutations et changements extrêmes qui affectent, en ce moment même, le monde, à
la mauvaise foi et à l’orgueil blessé qu’à l’ignorance proprement dite.
Socialiser un enfant, c’est,
entre autre, lui apprendre à renoncer à ses désirs, ou bien à les métaboliser,
à les transformer, à les « sublimer ».
La parole des femmes, aujourd’hui
encore, dérange. A preuve, elles sont, sur l’espace de libre parole que
constitue Internet, une cible privilégiée, volontiers victime d’insultes, de
harcèlements, de tentatives de déstabilisation et d’intimidation, voire de
menaces (de viol, entre autres).
Même là, les hommes semblent
avoir quelque difficulté à tolérer leur présence, leur expression dans l’espace
public !
Audrey PULVAR, qui a fini par
abandonner la lutte sur le réseau social Twitter, Christine BOUTIN et, entre
ces deux cas de figure hautement médiatisés et un peu extrêmes, tant d’autres…
Accrochez-vous, femmes ! Ne
vous laissez pas impressionner pour si peu !
Si la Toile est, en fait (ainsi que
le suggère fortement le documentaire de Roukaya DIALLO sur le sujet, diffusé
certain dimanche soir, sur la chaîne LCP, il n’y a pas longtemps) une foire
d’empoigne, montrez-vous tenaces, pugnaces !
Par bien des aspects, le sexe est
une force asociale, voire antisociale que toute société se doit de contrôler,
de canaliser (au même titre, d’ailleurs, que la violence). Bien des sociétés y
sont parvenu en déshumanisant cet être pourtant social qu’est la femme, en
l’excluant de la culture.
Singulier tour de
passe-passe…qui, au demeurant, n’a rien résolu !
La vie en société humaine est
pleine de marques, de codes et de masques qui constituent autant de balises.
Les « places » dévolues à chacun – qui y sont relativement rigides
- permettent à la fois d’y voir plus
clair et de se définir soi-même par rapport aux autres individus, en
« épousant un rôle », ce qui, forcément, fait sens, tant pour celui
qui le joue que pour ceux qui reçoivent le « message » de son jeu.
« Faire bouger » tout
cela est toujours, en conséquence, quelque chose d’assez problématique.
La philosophie ne consiste pas à
caresser les gens dans le sens du poil. Mais à leur administrer, bien plutôt,
des « électrochocs » bien placés, voire des séries d’électrochocs,
histoire de réveiller leurs neurones et de les pousser à essayer de regarder le
monde et l’existence sous d’autres jours,
et/ou selon des angles variés, multiples.
Réveiller les gens
intellectuellement et spirituellement, accoucher leur âme ainsi que le disait
déjà le bon vieux, l’intemporel Socrate, n’est pas chose évidente.
Et cependant, c’est,
indubitablement, un service à leur rendre. Car, à terme, ça les enrichit. Même
si, sur le coup, ça les « bouscule ».
Quand on est sans grand souci
financier, voire carrément membre de la bourgeoisie ou des classes moyennes
aisées, rien n’est plus facile que de se monter « cool » et
« zen », et de professer l’insouciance, le « tout-fun ».
Pour « ces gens-là », qui flottent dans l’angélisme rose-bonbon (ou
le « rose PS » ?), tout est beau, et tout le monde est
« gentil ». Ecologie et « peace and love » sont les deux
seules formes d’ « engagement » à demeurer possibles.
Évoquer les « sujets qui
fâchent » - telle la famine en Afrique, ou la triste vie des
« nouveaux pauvres » européens – ne fait que « casser
l’ambiance ».
Que voulez-vous, il y a des
sujets « glamour » et d’autres qui le sont moins.
On se gargarise de vœux pieux et
creux, tels, par exemple, que le « vivre ensemble » tout en restant,
in fine, instinctivement confinés dans l’entre-soi, dans la presque exclusive
compagnie de ceux qui partagent votre niveau de vie « branché », à la
pointe de la culture, et vos idées « larges ». Car, malgré tout,
« on ne sait jamais » ; on n’aime pas plus les « affreux,
sales et méchants », les « sauvageons » que le bourgeois
classique et l’on continue de craindre les cambriolages.
Malgré tout le détachement
« zen », « bouddhiste » de bon ton acquis dans les spa ou
grâce à la sophrologie, on a des biens matériels, eux-mêmes garants d’un confort
auquel on tient comme à la prunelle de ses yeux. Quoiqu’on en dise, on se
trouve du côté de ceux qui ont, de ceux qui ont à perdre. Alors, on préfère
penser que la « lutte des classes » a été abolie. A l’heure du
high-tech tout puissant, elle ne serait vraiment plus « tendance ».
On ne se gargarise plus que d’un
seul mot, devenu mantra politique : le mot « démocratie ». Les
nouveaux épouvantails sont désormais ceux de
l’ « obscurantisme ».
Liberté chérie…et égalité
reléguée très loin au second plan. Perpétuation du système et sauvegarde de la
« planète ».
Comme si tout cela était –de
quelque manière que ce soit – conciliable.
Mais, quand on voit les choses
depuis une forteresse, une tour d’ivoire, tout ne l’est-il pas ?
Aucun style de poésie particulier
n’a le droit de s’ériger en modèle absolu du souhaitable, ni d’essayer
d’imposer ses diktats au nom d’une sorte
d’ « orthodoxie » puriste ou encore, plus simplement, au nom de « l’air du temps ». Ceci
est totalement contraire à la vocation de créativité, de jeu et de liberté
langagière qui est, par excellence, celle de la poésie, cette « école
buissonnière » de la langue écrite.
Toute vie humaine digne de ce nom
se doit d’être un équilibre entre le soi et son interconnexion, son incontournable
lien avec les autres.
Soutenir le point de vue que le
fond de la nature humaine est égocentrique ne revient-il pas à épouser
étroitement et à justifier les thèses et les vœux de ce qui est une idéologie
dominante et planétaire : le capitalisme (ou encore libéralisme marchand
anglo-saxon) ?
Car, au vu des observations
scientifiques contemporaines tout aussi bien que d’après les réflexions
philosophiques millénaires, ne constate-t-on pas, au contraire, que l’Homme
est, dans une très, très large mesure, un animal social doué d’un très haut
degré d’empathie ?
C’est d’une façon totalement
instinctive que je suis portée à me méfier des apôtres de la « paix
universelle », et de leurs dires, comme de leurs dogmes.
Pragmatisme ? Lucidité ? Conscience du fait que l’âme humaine porte
le conflit en elle et que le fait de le nier – même au nom des plus nobles
aspirations – ne mène à rien (cf. Blaise Pascal : « Qui veut
faire l’ange fait la bête ») ? Conscience du fait que le refus de se
lancer dans le moindre conflit implique – de façon patente – le maintien en
l’état du statu quo, un statu quo profondément injuste et arbitraire
d’inégalités criantes, à la fois entre les sexes, entre les peuples et entre
les classes sociales ? Sans doute, il y a de tout ceci.
Le christianisme n’a-t-il pas
été, dans le fond, qu’un monumental échec ?
Le plus beau cadeau que puisse faire la philosophie à un esprit, c'est de l'"assouplir", de lui apprendre à penser par lui-même, à se méfier des acquis et des habitudes. A "digérer" ses connaissances, pour en faire des questionnements. A pouvoir, par dessus tout, souffrir l'absence de certitudes, et la remise en cause des "idées fixes".
La philosophie , c'est, avant toute autre chose, le contraire du "prêt à penser" , et de la pensée fixe, sans recherche. L'antithèse du confort mental.
On lutte toujours contre ses
propres mots, contre ses propres textes. C’est ça, la vie d’un écrivain !
L’Homme me parait beaucoup plus
mené par l’orgueil que par l’amour. Il n’aime jamais que qui le rassure, ne lui
porte pas ombrage, le rehausse ou le soutient, ou encore qui satisfait ses
besoins d’ordre sensuel et/ou affectif.
L’individu narcissique se signale
par sa soif d’attention ; une soif d’attention exclusive, et
aberrante par son essence même.
Ainsi, il sera, d’une manière
quasi « naturelle », amené à assimiler toute présence d’un autre, ou
d’autres individus, à une tentative de « détourner » l’attention de
lui ; il se méfiera donc des autres.
Quoiqu’on en pense et qu’on en
dise, la plupart des gens qui vivent dans des pays prospères, saturés de
consommation et de haute technologie, ne sont pas « non-violents »
par attirance réelle pour les philosophies orientales ; ils ne le sont –
et ils adoptent donc les fameuses valeurs très bobo de « zénitude »
et de « peace and love » néo-hippies – que parce qu’ils sont riches,
heureux, hyper-individualistes, gavés, passifs et…lâches.
Nous voudrions que certaines
choses durent toujours. Cela nous rassure. Les évolutions, en bouleversant, en
remodelant l’environnement et les habitudes, non seulement nous contraignent à
de réels efforts d’adaptation (comportementaux et mentaux), mais encore, en un
sens, en bousculant tout et en remettant en cause nos modes d’être, nous font
violence.
Les changements, les
« nouvelletés » nous disent, également, que nous avons vieilli, que
nous n’épousons plus notre environnement
d’aussi près, aussi bien que naguères. C’est de façon patente,
incontournable et quelquefois brutale qu’ils mettent en relief l’action du
temps, que nous accusons de plein fouet. Et c’est de ce fait que nous sommes
tous, d’une certaine façon, de fieffés conservateurs.
Il n’est guère facile de juger
les gens. Compte tenu de l’étendue de la complexité qui est la sienne, toute
appréciation, même nuancée, sur n’importe quel être humain lambda, est forcément très réductrice.
Nous ne sommes pas ; nous
devenons.
Cultiver la lucidité. Même si,
bien souvent, elle mord. Pour être moins dupe des choses.
Il faut partir du principe que
tout est mystère et que tout est leurre. Que nos seules armes sont lucidité, et
distanciation.
Quand se mettra-t-on en tête une
bonne fois pour toutes que le comportement humain ne se prête en aucune façon aux
analyses simples et simplistes ? Que, du reste et pour parler plus
généralement encore, il n’y a, en cet univers, tous comptes faits, que fort peu
de choses et de phénomènes qui s’y prêtent ?
L’animal vit ; l’Homme
interroge.
Nier la mort, bannir de sa pensée
toute notion de finitude est une attitude humaine extrêmement répandue et,
cependant, un mauvais calcul.
L’ « apprivoiser »,
la « métaboliser » en nous, par contre, agit à la manière d’un poison
qui nous mithridatiserait habilement, ou d’un vaccin. Cela nous prépare et,
surtout, cela nous aide à en avoir moins peur.
Le déni n’est jamais qu’un faux
semblant de résolution de tout problème. Cette vérité s’applique également à
l’idée de notre propre fin.
Pour le grand manichéisme contemporain
qui nous imprègne, le « Bien » se situe du côté de la modernité et de
l’abondance.
Et il ne s’agit certes pas d’être
du mauvais côté du mur !
Peut-être la question est-elle, au fond, notre seule et unique part de liberté.
Le besoin (dérisoire) de
rabaisser l’autre, les autres pour se « grandir » est à l’origine des
pires fléaux qui gangrènent l’humanité.
Le monde et l’existence sont,
d’abord, des choses qui bougent ; des choses qui chatoient.
En l’Homme, la pensée et la
pulsion de savoir induisent une rupture, sans doute unique dans le règne animal
et dans l’histoire du globe terrestre. Le fait qu’il interroge le monde et qu’il
l’observe si intensément entretient en lui une impression d’extériorité parfois
lourde de conséquences.
P. Laranco.
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