La culture (au sens restreint de création artistique ou d’accaparement de la connaissance et de la pensée- et non de mœurs, de valeurs et de manières, d’habitudes de vie) - est fortement liée aux privilèges du pouvoir et à la religion (domaines, s’il en est, des « élus »).
Ce n’est qu’à partir de sa démocratisation, vers la fin du XIXe siècle, dans un Occident touché par la Révolution industrielle et imprégné par les idées des Lumières, toutes deux issues (conjointement ?) de la très haute bourgeoisie, au départ protestante, nordique ou anglo-saxonne, par le moyen de l’enseignement public et obligatoire, compris comme l’instruction (orientée, ne rêvons pas) des masses (telle que prônée et appliquée, à titre d’exemple, par la IIIe République française, par ailleurs coloniale) qu’elle a enfin été regardée (du moins, en théorie) comme « bien public » et « droit pour tous » (puis, même, toutes).
Même aujourd’hui, en ce début de XXIe siècle, la culture (comprise ainsi que je l’ai énoncé plus haut) touche-t-elle vraiment les classes les moins « élevées », les plus précaires de chaque pays, de chaque continent ?
Je crois, pour ma part, que les cercles d’intellectuels, de penseurs, d’universitaires surdiplômés et d’artistes bien encoconnés dans leur bulle de « non-autodidactes » évitent ce genre de questionnement. Tout bêtement, parce qu’ils ne sont pas en position de l’affronter.
Peut-on se poser certaines questions « luxueuses » lorsqu’on est au bord de la disette ? De la détresse primale, du fondamental dénuement, de l’angoisse tripale de perdre son emploi (et de leurs corollaires, la gêne, le mépris, le détournement furtif de certains regards, dont bon nombre, pourtant se prétendent « éclairés ») ? L’angoisse physique du lendemain, si ce n’est du moment, favorise-t-elle les capacités - et les disponibilités surtout – intellectuelles et créatives ?
Seuls les bourgeois, les personnes à l’abri du besoin, jettent la pierre à ceux/celles qui savent que l’affranchissement des considérations « bassement matérielles » est un préalable (et, en fait, le seul) à toute autre préoccupation, à toute (entre)ouverture à une compréhension autre.
L’Homme a une sainte horreur du vide. Dans tous les (immenses) interstices qui existent entre ses îlots de connaissance, (ce qu’il peut voir, expliquer, décrire de façon sûre ou à peu près sûre), il place son imaginaire, qui sait au combien se montrer fertile; il tisse, crée des illusions, des mythes qui comblent et qui, n’aimant guère se voir détruits, souvent, ont la résistance chevillée au corps.
(Un petit mot à propos du Temps).
Sommes-nous inclus dans (captifs d’un ?) seul et unique instant protéiforme qui se modifierait sans trêve ou bien bougeons-nous, passons- nous fluidement, sans discontinuer là non plus, d’une bulle, d’une granulation de Temps à une autre ? Les présents se suivent-ils ou se modifient-ils à la façon des RubikCubes ou des boules de pâte à modeler sans cesse malaxées par des forces, des mécanismes agissants dont nous ignorons tout ?
Le monde est si splendide, si complexe, si riche et si passionnant.
Et tous ces gens, ratatinés dans leur égo, pris en enclume ! Qui ne s’intéressent à rien d’autre qu’à eux-mêmes, qu’à leur intérêt, qu’à leurs plaisirs (en véritables « fils de pub »); qui vont si rarement plus loin que les limites marquées par ces œillères. No past. No future. Seuls, trônent le Présent du Nombril (si bien reflété par les réseaux dits « sociaux ») et les actualités qui, quelque puisse être leur contenu, se succèdent à une telle vitesse que l’on finit presque par se demander si elles sont bien réelles.
Il faut toujours que tout change; très vite.
Serait-ce une manière de nous distraire ?
A moins que ce ne soit…de nous abrutir ?
En art ou en littérature, les « grands maîtres » sont « indépassables ». Voilà ce qu’on entend souvent dans la bouche du grand public.
Or les « grands maîtres » sont tous des hommes. Qui bénéficiaient de relations, de « réseaux » dans les milieux élitaires dominants (finance, politique, monde universitaire).
Comme par hasard, c’est au moment où les femmes se hissent enfin jusqu’au domaine (immémorialement réservé) de la créativité culturelle (tant côté science que côté littérature et art) qu’on nous brandit le plus les noms – sacrés, monumentaux- des – intouchables - faiseurs de chefs d’œuvre classiques homologués depuis longtemps par les instances officielles et par l’Histoire de l’art (VINCI, MICHEL-ANGE, RIMBAUD, PICASSO, MAGRITTE, RODIN, et j’en passe, bien entendu).
Pourtant, dans les domaines de l’art et de la littérature, chaque voix est singulière. Quand bien même est-elle, forcément, propulsée, influencée par les maîtres, les prédécesseurs, les enseignements d’un individu ou les tendances liées à une époque, elle les interprète, les assimile à sa façon, qui est unique. Dire que « Camille Claudel […] n’arrivait pas à la cheville […] de Rodin », par exemple (comme il m’a été donné de l’entendre affirmer), n’a pas grand sens. Après MICHEL-ANGE ou RIMBAUD, il y a eu (dieu merci) bien d’autres chefs d’œuvre; simplement différents, reflets d’autres personnalités, d’autres sensibilités et d’autres époques. Après MICHEL-ANGE ou RIMBAUD, il y a eu REMBRANDT, GOYA, VAN GOGH, PICASSO, DALI, KLIMT, Max ERNST, KANDINSKY, Leonor FINI, WARHOL, KAHLO, Nicki de SAINT-PHALLE (côté arts plastiques) et MALLARME, REVERDY, CESAIRE, ELUARD, ARAGON, PONGE, GUILLEVIC, Andrée CHEDID, Malcolm de CHAZAL, GUILLEVIC (pour ne citer qu’eux côté poésie).
L’art jaillit tout d’abord, pareil à une sève, d’une époque, d’une culture, d’un être. L’important est le degré qu’il atteint dans son élan, dans sa puissance d’expression, dans sa faculté de toucher, de « déchirer » comme disent les jeunes. On ne peut pas comparer ce que les Occidentaux nomment l’art nègre avec le plafond de la Chapelle Sixtine de Rome.
Nous vivons dans une société encore largement imprégnée de misogynie (et d’eurocentrisme) où, qui plus est, les hommes, se sentant menacés par le progrès des idées « féministes » et par la présence de plus en plus grande des femmes à leurs côtés dans la sphère publique et active (grâce au canal de l’instruction), prennent peur et se mettent à défendre leur position bec et ongles (que ce soit de manière assumée ou inconsciente).
Infoutus de souffrir l'altérité humaine (en raison de leurs égos, de leurs habitudes...), les Humains n'en prétendent pas moins chercher (et n'en cherchent pas moins) à entrer en contact avec d'hypothétiques cultures extraterrestres. A se demander si on ne marche pas sur la tête ! Non ?...
L’irruption de l’autre met chacun face à une remise en cause de soi-même.
« Comment peut-on être Persan ? ».
L’être humain adore entretenir et donner une bonne image de lui-même. Il adore, en quelque sorte, voir son existence justifiée (ce qui donne du sens à sa vie).
Cela implique, pour lui, de se sentir pleinement approuvé dans ses manières d’être, son aspect physique, ses réactions, ses choix, ses opinions et ses valeurs.
Face à autrui, on prend toujours conscience de son incomplétude.
Et, logiquement, le phénomène ne peut que croître, que s’accentuer dans une société hyper-individualiste.
Le fond de l’Océan terrestre, dans son ensemble, est tapissé de tout un réseau de bactéries marines reliées entre elles par des filaments qui transmettent de l’une à l’autre des influx électriques. Voilà qui ressemble fort à un réseau cérébral humain de neurones et d’axones. (*)Certains savants soupçonnent qu’il transmettrait des informations et, par voie de conséquence, générerait de la pensée.
Ainsi, sur Terre, le cerveau humain et l’ordinateur ne seraient-ils pas les seules entités pensantes, conscientes. Quel fascinant angle d’approche !
(*) Source : documentaire télévisuel américain Voyage dans l’espace-temps avec Morgan Freeman, diffusé sur la chaîne Discovery science.
Étrange condition de l’Être ! Tout le temps qu’il est, qu’il existe, il lutte viscéralement (comme par auto-programmation) pour s’auto-conserver. Et, en même temps, il est le jouet d’une détérioration, d’une destruction venue de partout contre laquelle, en fin de compte, tous ses efforts restent aussi vains que ceux de Sisyphe qui s’escrime encore et encore avec son rocher.
Qu’est-ce qui pousse cette entité à persévérer dans son être et dans son état le plus longtemps possible ?
Notre pire prison est peut-être celle de nous-même. Celle de cette enveloppe, de ce sac de peau qui fait de nous des îles. Celle de cet écheveau de ressentis, de réactions, de faits mémoriels, passés ou présents, qui cristallisent ce que l’on nomme « le vécu ».
Celle de notre individualité, de son caractère unique et de la conscience plus qu’aiguë que nous en avons.
« Captifs », nous ne pouvons « communiquer » qu’avec d’autres « captifs ».
Voilà pourquoi, en dépit des capacités d’empathie, de la culture qu’il partage avec d’autres congénères et de la langue, chaque membre de l’espèce humaine est et demeure – corps et âme – pour chacun de ses semblables, même les plus « proches », un abyssal mystère.
P. Laranco.
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